«Ne me laissez pas mourir ici»
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SEATTLE, État de Washington - Deux Québécois qui étaient tombés d'une falaise pour ensuite se perdre dans une tempête de neige sur le mont Rainier ce printemps craignaient une mort solitaire et glaciale, selon des enregistrements d'appels faits aux standardistes du 911.
«Ne me laissez pas mourir ici», a supplié Geneviève Morand, lors de conversations avec les standardistes du service 911 du bureau du shérif du comté Pierce, au sud de Seattle, dans l'État de Washington.
«Nous allons mourir si on ne vient pas à notre secours. Je ne veux pas mourir, lance-t-elle à un autre standardiste. J'ai peur de perdre ma connexion de cellulaire. Je ne ressens plus certaines parties de mon corps. S'il vous plaît!»
Elle et son compagnon Simon Brunet finiront néanmoins par être secourus par des gardes forestiers.
L'Agence QMI a obtenu des enregistrements des appels de Mme Morand au service 911 en vertu de lois d'accès à l'information américaines.
Ces enregistrements montrent les efforts héroïques de Mme Morand tentant de contacter les secouristes et les aidant à identifier l'endroit où le couple se trouvait, et ce, dans des conditions difficiles. En pleine tempête, ils avaient les mains et pieds gelés et souffraient du mal de l'altitude. Ils étaient en possession d'un cellulaire qui pouvait s'éteindre à tout moment.
Détresse palpable
Le ton de Mme Morand devient de plus en plus frénétique lorsqu'elle constate que plusieurs de ses appels se sont interrompus au moment où le service 911 tente de les acheminer à un service d'urgence des gardes forestiers perché haut sur le mont Rainier.
«S. V.P., est-ce qu'on peut arrêter de me transférer et plutôt m'aider?» supplie-telle alors à un standardiste du service 911. Celui-ci avait de la difficulté à transférer ses appels aux gardes forestiers du parc national du mont Rainier. On comptait sur eux pour trouver le couple en détresse.
Lors de ces appels enregistrés, on en-tend Mme Morand en détresse, respirant fort. À plusieurs reprises, elle exhorte les standardistes et les gardes forestiers de lui dire combien de temps il faudra attendre pour que les secouristes parviennent à les atteindre.
Les gardes forestiers du mont Rainier ont fini par les retrouver. Geneviève Morand et Simon Brunet ont été transportés par hélicoptère à l'hôpital où ils ont été traités pour hypothermie et le mal de l'altitude avant de retrouver re- le chemin de la maison.
Quatre mois plus tard, Mme Morand considère que le couple a été très chanceux de s'en sortir vivant - des «survivors» du mont Rainier, dit-elle en entrevue.
Elle loue les gardes forestiers du parc national et leurs efforts de secours. «On était vraiment très profonds dans une crevasse où on était difficile à voir et à trouver.»
Tous les alpinistes qui font une chute ou se perdent sur le traître mont Rainier ne sont pas aussi chanceux que Geneviève Geneviève Morand et Simon Brunet.
Depuis la création du parc du mont Rainier dans les années 1900, plus de 300 personnes y ont péri. Plusieurs parmi elles n'ont jamais été retrouvées. Depuis la mésaventure des Québécois, trois alpinistes locaux ont trouvé la mort sur les pentes de cette montagne de 4400 mètres.
Voici un extrait de leurs conversations
> GENEVIÈVE : OK. Pouvez-vous me dire, S.V.P., j'ai vraiment besoin de savoir combien de temps je dois survivre avant qu'on nous retrouve?
> GARDE FORESTIER : Nous essayons de vous trouver le plus vite possible.
> GENEVIÈVE : Je sais, mais pouvez-vous me donner une idée, parce que je dois me préparer mentalement pour ce combat.
> G.F. : Cela pourrait prendre une heure ou plus longtemps si on n'arrive pas à vous trouver.
> GENEVIÈVE : Qu'est-ce que ça veut dire plus longtemps?
> G.F. : Cela pourrait vouloir dire plusieurs heures, ça pourrait prendre la plus grande partie de la journée. Nous allons essayer de mettre des gens autour de vous, mais vous êtes dans un précipice tellement profond que c'est difficile de vous trouver.
> GENEVIÈVE : OK, monsieur.
> G.F. : Tous les gens du parc essaient de vous trouver.
> GENEVIÈVE : Monsieur, je ne pourrai pas survivre pendant toute une journée. (NDLR : À ce moment, le couple avait déjà passé une nuit sur la montagne.)
> G.F. : Nous faisons tout notre possible. Essayez de garder votre sang-froid. Nous sommes à votre recherche. Nous avons sollicité l'aide de tout le monde.
> GENEVIÈVE : OK.
> G.F. : Nous parlons à ta famille. Elle est au courant de la situation. Pense à eux.