Retour sur le conflit
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Bien des choses ont été dites sur le conflit au Journal de Montréal. D'abord que c'était une «victoire patronale», comme si c'était diabolique. Ensuite, parce que le conflit a duré très longtemps, c'était nécessairement la faute de l'employeur (comme toujours, d'ailleurs). Que cette longévité était due à un trou dans les dispositions «antisalariés» de remplacement qui n'auraient pas suivi l'évolution technologique. À un manque de solidarité du lectorat (?). Et même à la CSN !
Pourquoi juste nous ?
Ontario, Nouveau-Brunswick, NouvelleÉcosse, Vermont, Manitoba, New York, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-PrinceÉdouard, New Hampshire, Massachusetts, Connecticut, Saskatchewan, Pennsylvanie, Maine, New Jersey, Rhode Island. Cette liste est loin d'être exhaustive. Il aurait fallu énumérer 62 États différents. Je me suis limité à notre espace géoéconomique immédiat. De toutes ces juridictions, le Québec est la seule à pâtir de mesures antisalariés de remplacement. Je pose la question : pourquoi ?
On a dit qu'à l'époque on avait adopté ces mesures extraordinaires pour trois raisons : 1-la récurrence; 2-la durée; et 3- la violence des conflits de travail. En sommes-nous encore là ?
La donne a changé, en effet, surtout dans les médias, mais pas dans le sens qui justifie un renforcement des mesures antisalariés de remplacement. Les employés du Soleil ont affirmé avoir négocié avec le «gun sur la tempe». À La Presse, on a purement et simplement menacé de cesser de produire.
L'épouvantail que constituent ces mesures pour les investissements étrangers - une des principales faiblesses de l'économie québécoise -est réel. Que répondre à ça ? Rien ? Moi, je réponds que ces mesures doivent disparaître complètement, et surtout ne pas faire l'objet d'un renforcement (de la notion d'établissement, par exemple). Si vous croyez le contraire, veuillez le justifier sur une base rationnelle. C'est comme si c'était de la pensée magique. On se concentre sur un hochet plutôt que sur le fait d'avoir une discussion rationnelle. Pourquoi le Québec est la seule juridiction à avoir de telles mesures ? Sommes-nous plus sauvages qu'ailleurs ?
Manque de solidarité du lectorat ?
On a aussi dit que les lecteurs du Journal avaient manqué de solidarité en continuant de le lire et de l'acheter malgré les appels au boycottage. D'autres ont prétendu que Quebecor distribuait des exemplaires gratuitement. Il faudrait savoir. Quoi qu'il en soit, c'est une belle leçon de realpolitik. J'ai lu des choses -entre autres sur Facebook -de certains artisans lockoutés qui n'étaient pas très respectueux des lecteurs. J'imagine que c'était l'effet de la frustration. Mais il faut bien se rendre compte que les gens - les lecteurs -ne sont pas des militants à temps plein. Ce sont des gens ordinaires qui aiment bien leurs habitudes même si leurs plumes préférées leur manquent. Ils seront sûrement ravis de retrouver leurs journalistes. On ne peut les blâmer pour un quelconque manque de solidarité.
La CSN
Le comportement de la CSN a été erratique dans ce conflit, comme le démontre le désaveu par la direction de la centrale de l'entente du 29 décembre 2009. Quand on regarde la différence entre cette entente et l'entente finale, avec tout le traumatisme qu'un conflit de plus de deux ans a pu créer, le jeu n'en valait pas la chandelle. Et laisser miroiter qu'on puisse changer les règles du jeu pour un conflit privé pendant qu'il est en cours, c'est irresponsable. Et je ne parlerai pas de la dernière gaffe... Ça commence à bien faire !
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