L'Annedd'ale : un nouveau style de bière québécoise
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Par les matières premières, les outils utilisés et le savoir-faire qui était transmis oralement, les bières d'une ville offraient des saveurs semblables. Lorsque la mécanisation s'est imposée, les styles plus populaires ont été privilégiés pour le brassage à grande échelle. Voilà comment on en est venu à proposer des grandes familles classiques. L'héritage de ce savoir-faire est facile à identifier: les pilseners allemandes, les svetles tchèques, les bières fortes d'inspiration monastique belges, les ales et porters du Royaume-Uni et d'Irlande, etc.
Lors du renouveau microbrassicole, ces modèles ont servi de base pour le développement de nouveaux styles. Depuis quelques années, des brasseurs imaginatifs, maîtrisant l'un ou l'autre de ces savoir-faire, ont mis au point des produits originaux qui sortent des sentiers séculaires. Le Québec se distingue à cet égard sur cette grosse bulle que nous nommons la Terre: plusieurs microbrasseurs nous offrent maintenant des grands crus inclassables.
À ma connaissance, jamais un regroupement de brasseurs ne s'est réuni pour inventer un nouveau style, c'est-à-dire s'entendre sur les matières premières à employer, sur le cahier des charges, et surtout pour partager leurs savoir-faire afin de mettre au point un produit unique.
STYLE ORIGINAL
Le déclencheur de ce projet a été la publication d'une recherche conduite par Jacques Mathieu et publiée dans les Cahiers du Septentrion, portant le titre L'Annedda, L'arbre de vie (2009). On y apprend que l'infusion ayant sauvé les matelots de Jacques Cartier, en avril 1536, était faite de sapin baumier - que les Amérindiens nomment annedda. Un comité de travail a été formé afin de coordonner ce projet brassicole. Deux de ses membres sont des sommités dans le domaine: Michel Gauthier, maître brasseur et Tobias Fischborn, maître levurier. Le premier est responsable de la rédaction du cahier des charges et le deuxième a coordonné la sélection d'une levure «pouvant fermenter un moût de malt».
Cette dernière a été cueillie aux voûtes de l'Intendant dans l'arrondissement historique de l'Îlot des Palais à Québec. Le cahier prévoit notamment l'emploi de malts québécois. Il est disponible sur le site internet de votre pétillant chroniqueur (www.mariodeer.com). Il importe de souligner qu'il ne s'agit pas de reproduire un style historique: nous sommes en train de développer un style tout à fait original, qui ne se veut pas une caricature, mais bien une nouvelle option désaltérante.
Une première version a été brassée par une demi-douzaine de microbrasseries. Le premier partage de connaissances et de gorgées a été fait lors du plus récent Mondial de la Bière. Nous avons constaté que l'annedda possède des vertus désaltérantes uniques qui méritent d'être développées dans un style de bière. Les premières impressions sont concluantes et de toute évidence, nous serons en mesure de publier un cahier des charges officiel dans environ un an. À suivre.