«Pas de maudit bon sens»
Les six écoles prises en défaut par l'enquête du Journal perdent leurs permis
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La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a déclenché sa propre enquête et ordonné, mardi, la fermeture « sans délai » de six écoles de conduite fautives visées par une enquête du Journal. Outré par leurs pratiques « inacceptables », le ministre des Transports n'exclut pas de faire appel à la police.
« Les écoles fermées, elles ne méritaient pas autre chose. Ça n’a pas de maudit bon sens, c’est inacceptable, c’est intolérable que des entreprises, à qui on a conféré un pouvoir, des mandataires à qui est accordée la confiance du gouvernement, profitent du système pour flouer le gouvernement et flouer les Québécois », a déclaré le ministre Pierre Moreau, en entrevue au Journal.
Le ministre des Transports a exigé que toutes les attestations émises par ces écoles soient vérifiées.
Le cas échéant, si l’enquête (administrative) menée par la SAAQ et l’Association québécoise du transport et des routes (AQTR) montre qu’il y a des « éléments de fraude, je n’exclus pas la possibilité de demander à la police de faire enquête aussi », a déclaré le ministre.
Attestations falsifiées
Parmi ces écoles de la région montréalaise, certaines ont délivré à notre journaliste, qui s'est présenté incognito, des attestations bidon et falsifiées pour obtenir un permis d'apprenti conducteur, contournant ainsi la loi qui prévoit, depuis 2010, dix heures de cours théoriques obligatoires.
Dans quatre écoles sur seize, Le Journal a obtenu facilement l'attestation sans cours, parfois sans évaluation, en échange d'une compensation monétaire.
La SAAQ a réagi avec une « efficacité exemplaire », a soutenu le ministre, en suspendant sur-le-champ les activités des six écoles concernées de la région montréalaise : École de conduite Qazi, Entreprises Hope International Inc. (à Montréal et Brossard), École de conduite Capital, École de conduite J.R.V. et Winner Sorin auto école (à Longueuil).
Accusations criminelles ?
Avant d'envisager des accusations criminelles pour fraude ou fabrication de faux, elles s'exposent d'abord à diverses sanctions, incluant la suspension définitive de leur accréditation.
« De telles pratiques ont un impact négatif sur le bilan routier. Ceux qui obtiennent un passe-droit et passent ainsi dans les mailles du filet, ils finiront par mettre en danger d’autres utilisateurs du réseau (routier). »
Les élèves inscrits à ces six écoles fermées le temps de l'enquête seront pris en charge par l’AQTR (qui agit comme mandataire pour la SAAQ) et relocalisés, a-t-on fait savoir.
Surveillance accrue
Bien que la SAAQ estime que la plupart des écoles « font un travail de qualité », elle entend demander à l'AQTR d'augmenter ses contrôles de qualité, en 2012.
Au menu : « des visites surprises, des appels anonymes, bref un peu ce que le journaliste a fait finalement. Je ne sais pas si ce sera les mêmes méthodes, mais on entend utiliser une approche semblable du moins », a déclaré le porte-parole de la SAAQ François Rémillard.
«
C’est le résultat d’une enquête approfondie et il faut féliciter le journaliste pour le travail qu’il a fait »
— Pierre Moreau
ministre des transports
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«
On dirait que c'est un commerce d'attestations bidon trouvées dans une boîte de cracker jacks »
— Sylvie Roy
caq
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«
On a l'impression que c'est un peu n'importe quoi. On doit resserrer les règles »
— Nicolas Girard
PQ
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«
Ça va assainir le milieu. Ceux qui ont tendance à tourner les coins ronds vont se tenir les fesses serrées »
— Marc Thompson
Association des écoles de conduite du Québec
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«
Je souhaitais qu'on soit sévère avec ces écoles qui ne respectent pas les normes afin de lancer un message clair : ce type de pratique n'est pas acceptable »
— Yvon Lapointe
CAA-Québec
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«
Ces écoles nuisent à l'ensemble de l'industrie. C'est malheureux, parce qu'énormément de travail a été fait depuis quelques années »
— Mylène Sévigny
réseau Tecnic
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Le
Journal a voulu vérifier si les écoles de conduite étaient dignes des responsabilités accrues qu’elles ont eues depuis que les cours sont redevenus obligatoires en janvier 2010.
Le Journal a voulu vérifier si les écoles de conduite étaient dignes des responsabilités accrues qu’elles ont eues depuis que les cours sont redevenus obligatoires en janvier 2010.
Se faisant passer pour un étudiant connaissant le Code de la sécurité routière, bien qu’il n’ait jamais conduit, le journaliste s’est présenté dans 16 écoles de la grande région de Montréal.
Plus du tiers de ces écoles ont contourné la loi.
Quatre écoles ont carrément vendu l’attestation.
Dans le quartier Parc-Extension, il aura fallu moins de 20 minutes pour obtenir l’attestation pour 405 $, sans cours ni examen.
À Brossard, la responsable a accepté de délivrer l’attestation pour 300 $, mais a demandé au journaliste de passer un examen « pour que tout ait l’air réglementaire ». Elle a néanmoins accepté de donner la feuille de réponse au journaliste.
À Verdun, la responsable accepte de délivrer l’attestation, à condition de passer l’examen théorique et de payer 400 $. Malgré deux échecs volontaires du journaliste, elle remet tout de même l’attestation.
Deux écoles ont accepté d’accélérer les cours théoriques, passant d’un mois minimum à une semaine.
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