Familles abandonnées par l’État
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Déjà aux prises avec la douleur d’avoir perdu un être cher, les familles de Québécois tués en vacances doivent traverser une autre épreuve, celle d’être abandonnées par le gouvernement canadien.
En plus d’être confrontés à des enquêtes policières sans issue et de voir les dépouilles des êtres chers rentrer au pays dans un piteux état, les proches de victimes de meurtres commis sous le soleil ont souvent le sentiment d’être considérés comme des citoyens de seconde classe par Ottawa.
« Ç’a manqué beaucoup, cette absence de soutien dans une situation qui se passe loin. C’est très difficile », confie Marc-Olivier Massé, dont le frère, Jocelyn, a été tué au Honduras en 2005. À l’époque, le rapport d’autopsie obtenu par la famille était rédigé uniquement en espagnol.
Or, le désarroi a été complet lorsque le gouvernement canadien a refusé de le traduire. « On n’offre pas ce service-là », avait simplement répondu un fonctionnaire à la famille du défunt.
La criminologue et experte en matière de justice réparatrice, Catherine Rossi, prétend que ce manque de compassion affecte profondément les victimes. « La douleur des gens vient du manque de reconnaissance des institutions; le meurtre a eu lieu à l’extérieur donc ça ne nous concerne pas. On s’en lave les mains, c’est pire que le deuil lui-même », dit-elle.
Changement de philosophie
Depuis l’arrivée des conservateurs en 2006, plusieurs observateurs remarquent un changement majeur dans la façon de faire des services consulaires. « Les conservateurs ont passablement érodé le soutien consulaire aux Canadiens à l’étranger, c’est clair dans mon esprit. Le vent a tourné en 2006 », observe l’avocat spécialiste en droit international, Hugues Langlais. « Oui, il y a un service consulaire qui va être donné, mais on n’en fera pas plus que nécessaire. »
« Manque de considération »
Ce changement de philosophie a été décrié par une majorité de proches de victimes. « L’agente consulaire a fait un travail irréprochable, elle a même frôlé les limites de ce qu’elle a le droit de faire [...] Mais ils agissent à l’intérieur des limites balisées par le ministère », constate le fils de Renée Wathelet tuée en 2009 au Mexique.
La mère de Lara Langlais tuée en Côte d’Ivoire demande depuis 2009 à Ottawa de faire pression afin d’obtenir le rapport d’autopsie. Nicole Dubé veut ainsi éliminer l’hypothèse des ébats sexuels pour réhabiliter la mémoire de sa fille.
Elle constate pourtant que le suivi du gouvernement devient de plus en plus approximatif. «Je ne demande pas au Canada de faire une enquête criminelle », lance Mme Dubé qui condamne l’attitude du ministère.