De choses et d’autres

Les «vins natures», les vins bios, il n’y pas plus tendance par les temps qui courent. D’ailleurs l’Union européenne vient d’adopter de nouvelles règles concernant les vins bios.

Règles qui s’appliqueront à compter du millésime 2012 et qui, en quelque sorte, marquent la naissance officielle du vin bio, même s’ils existaient déjà dans les faits.

Ainsi, les vignerons pourront utiliser les termes « vins biologiques » sur les étiquettes, à la condition de respecter un cahier de charge concernant la pratique œnologique (le niveau de souffre autorisé, notamment) et le mode d’agriculture (agrobiologique, évidemment).

Mais plus que le vin bio, il y a le vin nature ou vin naturel (on utilise l’un et l’autre terme) qui, si on peut dire, s’affiche un cran plus haut dans l’échelle de la « pureté ».

Sauf que dans ce cas-ci, même les adeptes du « vin nature » ne s’entendent pas sur sa définition, d’autant que sa production n’est encadrée par aucune législation.

Pour certains, celui-ci ne doit pas contenir du tout de soufre, pour d’autres un peu. Mais tous les vins doivent être issus de culture biologique ou biodynamique, et avoir été vinifiés avec des levures indigènes.

Mais récemment Michel Chapoutier, de la maison rhodanienne du même nom, est venu jeter un pavé dans la barrique des « vins natures » lors d’une entrevue accordée au magazine britannique Decanter.

Propos qu’il a tenu à préciser par la suite dans Terre de Vins, une publication française cette fois : « J’ai souhaité dénoncer une utilisation abusive du terme “nature” (...) . Il faut revenir à l’essence même du vin, de la fermentation et du principe de décomposition. Le vin est issu d’une fermentation alcoolique (les levures transforment le sucre en alcool) suivie, naturellement, d’une fermentation acétique (les bactéries acétiques transforment l’alcool en acide éthanoïque) : c’est, en un mot, du vinaigre. Tout l’art du viticulteur, c’est d’intervenir sur ce procédé naturel pour obtenir du vin, et non du vinaigre. Le “vrai vin” n’a donc rien de naturel : c’est à cet abus de langage que je suis hostile. » Mais on aura l’occasion de s’en reparler.

JAMES SUCKLING

Ça fait quelques personnes qui me demandent ce que je pense des choix de James Suckling. J’en pense le plus grand bien. Mais je ne peux pas dire que j’en pense autant de la SAQ qui a décidé de renouveler sa campagne de vente avec les notes de M. Suckling.

Pourquoi? Je suis peut-être trop « sensible », mais pour moi, cette campagne a des relents de colonisé. C’est comme si, dans le fond, on jugeait à la SAQ que les suggestions des chroniqueurs d’ici, c’est de la bouillie pour les chats à comparer aux commentaires du grand journaliste qu’est M. Suckling, qui n’est pas avare de ses 90 points, lui au moins.

Mais c’est vrai que, comme le disait Elvis Gratton : « Les Amariquains, c’est big. Eux autres ils l’ont l’affaire ».

Ils l’ont tellement, en fait, qu’à la place de la SAQ, (niaisons un peu, comme dirait le Reader’s Digest...) je songerais même à congédier tout le personnel aux achats et à le remplacer par des Américains. Après tout, s’ils sont plus compétents pour guider les Québécois dans leurs achats, ils le seraient sûrement aussi pour guider la SAQ dans ses propres achats.

Mieux, je n’arrêterais pas sur cette lancée : je songerais aussi à remplacer le personnel de la direction par des Américains.

Car s’il y a de gens compétents en affaires, capables de faire augmenter les profits d’une entreprise, ce sont bien les Américains, non? Ils ont presque inventé le capitalisme, quand même.

Mais non, je ne suis pas fâché... Je niaisais, là!

Et vous savez quoi? Le plus rigolo, c’est que ces Américains à la SAQ seraient bien capables de découvrir qu’il y a au Québec des amateurs de vin d’une grande compétence. Peut-être moins généreux à distribuer les 90 points, c’est vrai, mais dont les avis sont au moins aussi pertinents que ceux de M. Suckling, une charmante personne en passant.

RECOMMANDATIONS

Château de Targé 2009, Saumur Champigny (22,50 $) : léger, frais et gouleyant comme un beaujolais (bien que le vin soit évidemment fait avec du cabernet franc), mais avec plus de matière et de structure.

Chianti Classico 2008 Riserva, Banfi (25,20 $) : finement boisé, bouche souple et fraiche, facile à boire, un chianti vraiment savoureux.

Et ces deux blancs pour finir :

Domaine La Hitaire Les Tours 2010, Vin de pays des Côtes de Gascogne (9,65 $) : frais et croquant, avec une petite note citronnée; la belle acidité qui le sous-tend est tempérée par un chouia de sucre résiduel (6,2 gr) dont on perçoit à peine la présence tellement le vin est bien équilibré.

Château de la Roulerie 2009, Les Terrasses, Chenin Blanc, Anjou (25,80 $) : un beau chenin rond, presque miellé mais bien sec en final, généreux et vineux. Un blanc qui a du corps, capable de passer à table facilement sur un tartare de saumon, tiens; ou même je l’oserais sur un poulet au curry.