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À conflit spécial, loi spéciale

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À l’automne 2010, quand Line Beauchamp a voulu lancer des consultations sur le financement des universités, les étudiants, surtout les plus radicaux, ceux qui se disent aujourd’hui membres de la CLASSE, avaient décidé de ne pas y participer.

Ils avaient lancé un appel au boycott de ces consultations. Discuter avec les autorités n’a jamais été leur tasse de thé...

Ils avaient protesté et occupé les bureaux de la ministre, à Montréal.

Mme Beauchamp, qui arrivait à l’époque au poste de ministre de l’Éducation, voulait mener des consultations dans le but de lier le financement des universités au concept de performance.

L’égalité...

Pour les étudiants, cela fleurait trop la marchandisation. À gauche, on tolère mal les lois du marché et l’idée d’une obligation quelconque envers l’économie répugne au plus haut point.

« Nous ne serons pas les partenaires de la ministre dans le saccage de l’éducation québécoise », s’était alors exclamé nul autre que Gabriel Nadeau-Dubois, déjà porte-voix de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, l’ASSE, et enclin aux images fortes. 

« Cette consultation prend comme point de départ la nécessité de la hausse des frais de scolarité alors que c’est la gratuité qu’il nous faut », insistait M. Nadeau-Dubois, alors secrétaire aux communications.

Le combat actuel pour « l’égalité des chances », ils le préparent depuis 18 mois... L’objectif réel, défendu aussi par les grandes centrales syndicales, reste la gratuité, il ne faut pas l’oublier.

Dans le dernier numéro de sa revue, la CSQ rappelle que « la grève étudiante est en réalité une lutte sociale ». Ceux qui croyaient que les droits de scolarité constituaient l’enjeu principal de l’actuel conflit étudiant devraient se raviser : nous sommes devant un bras de fer entre l’État et une gauche militante rêvant d’un modèle égalitaire.

Les centrales

Le gouvernement n’a peut-être pas toujours été avisé dans ses négociations avec les étudiants et, surtout, il a mal jugé les forces en présence. Il avait peut-être cru que les centrales syndicales lui faciliteraient les choses. Qu’elles ne lui en voudraient pas trop pour la loi 33 sur le placement dans la construction.

Jean Charest croyait peut-être aussi qu’elles lui étaient autrement redevables. Après tout, il a épargné le modèle québécois durant la crise financière de 2008, la pire des 70 dernières années. L’État québécois n’a pas souffert de mises à pied comme ailleurs dans le monde. Le statu quo a tenu bon. Mais cela était peut-être dû...

Hier, les leaders syndicaux sont ressortis de l’ombre pour dénoncer la loi très dure que le gouvernement Charest a adoptée hier pour ramener l’ordre, en particulier à Montréal, où les manifestations sont quotidiennes.

Avant que l’économie montréalaise n’en souffre davantage, le gouvernement imposera une loi qui, à toutes fins utiles, empêche à peu près tout le monde de manifester. Jusqu’en juillet 2013. 

Cela permettra de tenir des élections dans un calme relatif, enfin souhaitons-le. Mais rien n’est moins sûr.

Désobéir

Amir Khadir, la député de Québec solidaire, a invité les gens à « réfléchir » à la désobéissance civile. Ce que des ministres libéraux ont immédiatement condamné. « Il faut se poser des questions sur son habilité à siéger », a laissé tomber, furieux, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard.

À la CLASSE, on ne fait pas dans la nuance. Un de ses porte-parole, Renaud Theurillat-Cloutier, a déclaré à TVA hier : « Oui, j’en appelle à la désobéissance civile. » Merci pour la clarté.

Seul allié du gouvernement, François Legault a jugé que la loi 78 était « nécessaire ». Les députés de la Coalition Avenir Québec ont obtenu des amendements importants, refusant de se confiner dans une aveugle partisanerie. Pauline Marois a taillé en pièces la « liberticide » loi 78 et, inspirée par son discours, a invité les Québécois à « changer de premier ministre, à changer de pays ».

Les libéraux, eux, sont convaincus que les Québécois sont majoritairement de leur bord. « Le monde arrête à mon bureau pour dire qu’on fait bien. Je n’ai jamais vu ça pour une loi spéciale », nous a dit hier le ministre délégué aux Transports, Norm MacMillan.

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