Nos curés venus d’ailleurs
De plus en plus de prêtres étrangers sont appelés à remplacer les Québécois de souche en région
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Ils sont à Chapais, Fermont, Anticosti ou Val-d’Espoir, loin des grands centres. Les missionnaires ne sont plus des Québécois qu’on envoie dans les régions reculées du tiers-monde, mais plutôt des hommes du tiers-monde venus nous évangéliser.
Quand elles étaient jeunes, les paroissiennes faisaient des tricots pour les gens du tiers-monde. Aujourd’hui, elles peuvent envoyer leur don de laine tout à côté, au presbytère d’Havre-Saint-Pierre.
« Quand je suis arrivé ici, bien des dames m’ont envoyé des bas, des tuques ou des mitaines. Elles se disaient : “le pauvre Noir, il va avoir froid” », dit le père Akoum avec un sourire attendri dans la voix.
De Ouagadougou au Burkina Faso, à ce village qu’on appelait jadis la Pointe-aux-Esquimaux, il y a tout un monde. Et le père Akoum n’est pas le seul abbé à avoir troqué son église tiers-mondiste pour venir pratiquer son sacerdoce dans un coin reculé de la belle province.
Depuis environ cinq ans, le visage des curés de campagne a changé radicalement. Le phénomène est particulièrement visible dans l’archidiocèse de l’est du Québec, qui regroupe les diocèses de Gaspé, Rimouski et Baie-Comeau, où une douzaine de prêtres venus de Colombie et d’Afrique assurent la survie de paroisses catholiques éloignées et encore majoritairement pure laine.
Le phénomène des missionnaires étrangers en région est relativement récent et, si les populations sont reconnaissantes, leur présence suscite encore certaines réticences. D’abord, il y a la langue et les accents, mais aussi certains préjugés.
Pas une question d’argent
« Quand nous avons commencé à faire venir des prêtres étrangers, certains craignaient qu’ils ne viennent que pour s’enrichir », explique monseigneur Blanchette, évêque à la retraite de Rimouski.
« Mais ce n’est pas le gros 30 000 $ qu’ils gagnent par année qui va leur faire faire fortune ! Les différences culturelles entrainent parfois certains irritants. Mais, pour l’instant, ça met de l’oxygène dans le système », ajoute-t-il.
En Gaspésie, les étrangers forment le tiers des effectifs.
À Grande-Rivière, dans la Baie des Chaleurs, par exemple, il y a deux familles noires et le curé Serge Tijani qui vient du Bénin.
« Cet homme-là, c’est un don de Dieu », s’exclame Ghyslaine Dubé, la secrétaire du presbytère.
L’enthousiasme n’était toutefois pas le même au début de la mission du curé, en 2010.
« Le premier mois, ç’a été très difficile, dit-il. Les paroissiens étaient réticents à avoir un curé noir. Il a fallu s’apprivoiser mutuellement. Aujourd’hui, j’imite l’accent, j’utilise des expressions gaspésiennes et je dis “nous’aut” quand je parle des habitants de Cap-d’Espoir et de Grande-Rivière. »
La filière colombienne
Dans l’est du Québec, ce sont surtout des Colombiens qui sont appelés en renfort. Cette importation est en grande partie l’initiative de Monseigneur Benoît Blanchette, ancien évêque de Rimouski aujourd’hui à la retraite.
« Il a quelques années, j’ai rencontré l’évêque de Medellín à Montréal. Je lui parlais de mon problème de manque d’effectifs et lui ai demandé qu’est-ce qu’il ferait à ma place ? »
C’est ainsi que l’homme de Dieu colombien a décidé de prêter des curés au Québec.
Leur venue constitue une aide précieuse puisqu’en région éloignée, l’Église n’est pas qu’un lieu de culte, mais souvent le symbole de la survie d’un village.
Un investissement
Or, pour que les pères étrangers puissent jouer ce rôle social capital, il faut les former.
« Ils doivent d’abord apprendre le français, à Montréal, ce qui peut prendre une bonne année. Ensuite, on les envoie en stage dans les communautés pour qu’ils puissent se familiariser avec la culture québécoise », explique le vicaire général de Rimouski, Benoît Hins.
À La Pocatière, les prêtres ne sont pas à contrat, mais viennent y faire leur séminaire et seront ordonnés sur place.
« Cela représente un tel investissement que chez nous, on a décidé d’incardiner carrément nos Colombiens », explique le vicaire général Charles-Aimé Anctil.
Dans cette région, on veut, par cette façon de faire, minimiser certains problèmes provenant des différences culturelles.
« On veut éviter que des gens viennent ici uniquement pour l’argent ou encore qu’il y ait une vision différente de la nôtre vis-à-vis des femmes. Certains curés étrangers sont un peu machistes », ajoute le vicaire de Sainte-Anne-de-La-Pocatière.