Incapable de pardonner
Jacques Robichaud est toujours hanté par l’accident qui a tué cinq membres de sa famille
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Trente-cinq années n’auront pas suffi à apaiser la peine d’un homme qui a perdu cinq membres de sa famille dans un tragique accident ni à pardonner au conducteur responsable du drame.
« Je me demande comment il a pu vivre avec ça sur la conscience », demande avec rancune Jacques Robichaud, qui avait 33 ans lorsqu’il a perdu une sœur, trois frères et une belle-sœur dans un violent face-à-face, le 23 avril 1977, sur la route 158 à Crabtree, dans Lanaudière.
Ce jour-là, Jacques Robichaud s’est rendu, avec sa plus jeune sœur et son frère, au cinéma de Joliette, où il a rejoint d’autres membres de sa famille pour assister à la projection de L’âge de cristal. M. Robichaud n’est toutefois pas resté pour la deuxième projection et c’est son frère Pierre qui devait ramener tout le monde.
Réal Lauzon avait quant à lui passé la journée du 23 avril 1977 dans un rallye automobile, puis la fête s’était poursuivie à la cabane à sucre Chez Pépère, à Saint-Jacques, dans Lanaudière. Il avait apporté sa caisse de bière pour la soirée, mais il maintient encore aujourd’hui n’avoir pris qu’une ou deux bouteilles.
Sa voiture zigzaguait
Il a quitté la cabane à sucre sans sa femme, qui désirait rester plus longtemps pour danser. Un automobiliste et son amie ont alors suivi pendant cinq minutes Réal Lauzon sur la route 158, en direction de Joliette. Ils ont remarqué que la voiture zigzaguait et roulait à gauche.
Puis, la voiture de Réal Lauzon a percuté une camionnette qui s’amenait en sens inverse dans une courbe, près de Crabtree, tuant son conducteur, pour ensuite heurter la voiture de Pierre Robichaud, tuant sur le coup les cinq occupants.
La femme de Lauzon a demandé, de son côté, à un homme présent à la cabane à sucre de la ramener chez elle. En cours de route, ils sont arrivés sur les lieux de l’accident. Ce sont eux qui ont conduit Lauzon à l’hôpital.
Haleine d’alcool
Le médecin qui a reçu le conducteur survivant a constaté une haleine d’alcool, mais aucun test sanguin n’a été effectué en raison de son état. Le coroner Michel Desroches a tenu des audiences publiques pour enquêter sur cet accident. Après avoir écouté tous les témoignages, il a déclaré Réal Lauzon criminellement responsable de cet accident et que l’alcool était en cause. Aucun procès au criminel n’a toutefois suivi.
Néanmoins, les conséquences sont ressenties encore aujourd’hui, raconte
M. Robichaud, la gorge nouée et les larmes aux yeux. Il a dû, à travers la tourmente, élever ses deux jeunes filles. Contremaître retraité dans une manufacture de vêtements, M. Robichaud regarde la photo des défunts chaque jour, un rituel sacré à ses yeux.
La mère de Jacques Robichaud était incapable de parler pendant la semaine du
23 avril 2012, marquant le 35e anniversaire du tragique événement, et elle a toujours du mal lorsque le sujet tabou vient autour de la table.
« Les autres enfants se sont distancés. On ne peut pas en parler, confie M. Robichaud. Il n’y a pas une journée qu’on n’y pense pas. »
Et il ajoute : « Je ne lui pardonnerai jamais. »
cynthia.laflamme@quebecormedia.com