Jeux sexuels tabous
BDSM et fétichisme : un monde parallèle méconnu
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Un juge doit décider aujourd’hui du sort de Patrick Deschatelets, ce pompier dont la partenaire est morte par asphyxie lors d’activités sadomasochistes. Montréal compterait 8000 adeptes du BDSM et de fétichisme. Tous des désaxés? La réalité n’est pas aussi simple. Ce n’est ni noir ni blanc, mais gris... Plusieurs nuances de gris.
«Nous avons trouvé l’idée dans Fifty Shades of Grey», s’est défendu Steven Lock, un Britannique poursuivi devant les tribunaux par sa partenaire pour avoir dépassé les bornes lors de leurs jeux sexuels sadomasochistes.
L’homme, qui a été déclaré non coupable, a évoqué le succès planétaire de l’heure pour expliquer pourquoi il avait ligoté sa compagne au pied du lit avant de la fouetter avec une corde.
Cette histoire exaspère Dunter, un adepte du BDSM (bondage, discipline, domination, soumission et sadomasochisme) depuis 20 ans, rencontré dans un café de Montréal.
Oubliez le roman Fifty Shades of Grey, oubliez les histoires de sados-masos qui se retrouvent devant les tribunaux, implore cet informaticien qui requiert l’anonymat.
Visiblement irrité par l’ignorance entourant la pratique de ces jeux sexuels réservés aux adultes avertis, Dunter croit que le BDSM doit se pratiquer selon les règles de l’art.
«Il y a des règles du BDSM 101 à respecter. Ces jeux doivent être sains, sécuritaires et consensuels. Dans notre milieu, un accident est très mal perçu. Oui, certaines activités sont dangereuses, mais nous avons la responsabilité de bien nous informer», explique-t-il.
Les informations sur le BDSM foisonnent sur internet. Il existe également des soirées de formation et des ateliers sur la pratique de jeux sexuels sadomasochistes. Ces rapports sont soigneusement scénarisés et négociés à l’avance, rien n’est laissé au hasard, détaille Dunter, qui anime aussi ces formations.
«Nous avons des codes : vert, jaune, rouge ou un safe word pour signifier qu’il faut arrêter le jeu. En tout temps, il faut faire preuve de bon sens et ne jamais jouer seul.»
Selon le site Fetlife, qui regroupe 1,9 million de membres, Montréal compte environ 8000 adeptes du BDSM et du fétichisme, dont 2000 sont actifs.
«Les adeptes sont plus jeunes qu’avant. Ils ont maintenant entre 20 et 30 ans», note Dunter, qui précise que les personnalités narcissiques, les gens violents ou tyranniques sont rapidement chassés par la communauté.
Déviance ou préférence sexuelle
Selon Julie Lavigne, professeur de sexologie à l’UQAM et spécialiste de l’image de la sexualité, le BDSM n’est pas pratiqué par la majorité, mais il faut cesser de juger sans comprendre. C’est un monde parallèle, une sous-culture sexuelle.
«Je trouve dommage que cette communauté soit diabolisée. Des gens se sentent honteux ou oppressés. Leurs codes diffèrent de ceux que nous avons appris socialement, mais la méconnaissance fait que l’on ne retient que le côté malsain», explique-t-elle.
D’abord considéré comme une déviance, le BDSM fait maintenant l’objet d’un débat en psychiatrie, affirme le sexologue et psychologue Marc Ravart. «Avant, on parlait de trouble ou de dysfonctionnement, alors que maintenant on parle aussi de préférences sexuelles, parfois troublantes, puisque certains le vivent très bien, d’autres très mal», observe le spécialiste.
Les pratiques sadomasochistes trouvent souvent leur origine dans le passé, souligne le sexologue clinicien.
«Certains de mes patients ont eu une enfance difficile. Le dominé souffre d’un complexe de culpabilité et croit qu’il doit être puni, alors que le dominant érotise sa haine et sa colère», décrit-il.
Les adeptes du BDSM et de fétichisme représentent moins de 10% de la population, précise Marc Ravart. «Il y a des gens pour qui c’est de l’expérimentation, alors que d’autres en ont vraiment besoin.»
Il y a donc plusieurs degrés de pratiques du BDSM. «Ces soirées sont souvent dark. C’est parfois un monde très noir, constate le psychologue. Noir avec plusieurs nuances gris», ajoute-t-il.

d’avoir mal, mais
d’éprouver des sensations, le rush d’adrénaline et d’endorphines »