Le mythe de la conciliation travail-famille
Comment vont les femmes après plus de 80 ans de combats et de victoires féministes?
Beaucoup plus mal qu’elles ne le laissent paraître, constate à regret Sophie Legault, auteure de Femmes à bout de souffle, un essai percutant sur la réalité des mères modernes qui vient de paraître aux éditions Stanké.
«Je regarde autour de moi et je vois mes amies essoufflées, à bout de nerfs et souvent au bord des larmes. Elles avancent avec un vent violent en pleine figure, celui de la superwoman», observe celle qui, il y a sept ans, a fait le choix de mettre sa carrière en veilleuse pour s’occuper à temps plein de sa petite Agathe.
On aura beau publier des centaines de livres remplis de conseils judicieux pour faciliter l’organisation et la conciliation travail-famille, l’auteure estime qu’il sera toujours difficile, voire impossible pour une majorité de femmes d’arriver à concilier ces deux univers sans mettre en péril leur bien-être et celui de leur famille.
Double emploi
«Les femmes ont allégé le rôle de pourvoyeur des hommes en gagnant de l’argent au-dehors, mais elles n’ont pas su, ou elles n’ont pas pu se libérer de leurs responsabilités à la maison et auprès des enfants», écrit-elle.
Lorsqu’elles demandent l’aide de leur conjoint, elles se font souvent répondre qu’elles en font trop, qu’elles n’ont qu’à abaisser leurs standards. «Et si on demandait aux travailleurs et aux employeurs d’en faire moins et d’accepter le chaos dans leur milieu de travail, se questionne Sophie. Les valeurs masculines seraient-elles meilleures que les nôtres?»
S’occuper d’une maison et voir aux besoins des enfants est un travail à temps plein qu’on ne peut mettre de côté, martèle l’auteure. «Ce n’est pas vrai qu’on peut mettre un enfant au monde et continuer à vivre comme avant», dit-elle.
Voir autant de parents se résigner à imposer à leurs enfants un rythme de vie d’adultes complètement fou en les laissant à la garderie de 7 h à 18 h le soir l’attriste profondément.
Pourquoi faisons-nous des enfants?
«Si vous êtes heureux et que vos enfants s’accommodent bien de la situation, n’y changez rien», nuance-t-elle. Cet essai n’est pas pour eux, mais pour ceux et celles qui s’imaginent ne pas avoir d’autre choix que de traîner leur quotidien comme un boulet.
«Je veux que nous réfléchissions collectivement à ce que nous voulons comme société et qu’on arrête de se faire croire que tout va bien dans nos familles», explique-t-elle.
Pourquoi faisons-nous des enfants s’ils dérangent notre vie à ce point, questionne l’auteure. Le double salaire est-il vraiment nécessaire? Si oui, est-ce simplement pour pouvoir nous payer plus de biens matériels?
Serions-nous devenus incapables de faire des choix, de renoncer à quoi que ce soit au nom du paraître, même temporairement?
«La famille moyenne est prise dans un tourbillon d’endettement et de besoin immense de valorisation sociale. Parfois, je me demande si nous n’avons pas affaire à une société d’adultes gâtés pourris. Gâtés par trop de choix : tout est possible, le renoncement ne fait plus partie des mœurs», écrit l’auteure.
Dans un monde idéal, elle souhaiterait que tous les jeunes enfants puissent profiter de la présence d’un parent à la maison (père ou mère). Si ce n’est à temps plein, au moins à temps partiel
Pour y arriver, elle croit qu’il faudra nécessairement revoir nos valeurs en matière de consommation, mais aussi continuer à encourager nos hommes à prendre plus de place dans l’éducation des enfants et la gestion de la maisonnée.
