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Génération désenchantée



Ce soir à 21 h, Canal Vie diffusera Génération plaisir, un documentaire d’Eza Paventi. Elle y décrypte finement le rapport que la génération Y entretient avec la sexualité, à travers certains de ses représentants.

Paventi est perspicace. Elle révèle bien le «moteur» des Y: le droit absolu de choisir. La liberté de vivre sans contrainte en multipliant les «expériences». Le monde est un buffet sexuel. On y pige ce qu’on veut.

Baiser avec une seule personne toute une vie. Horreur! On leur promettrait la prison, le pain sec et l’eau tiède, ils réagiraient mieux. Le désir sexuel ne devrait jamais être refoulé. L’homme n’obéissant pas à ses pulsions serait esclave de la morale.

La logique du marché

On peut néanmoins voir tout cela d’un autre œil. La génération Y est née dans une société où tout est soumis à la logique du marché. Tout s’y consomme et tout s’y jette. L’être humain n’y fait pas exception. Pire: il consent à sa propre marchandisation.

Le culte du corps qui va jusqu’à la chirurgie banalisée pour se fabriquer une perfection au scalpel n’est-il pas l’expression suprême d’un narcissisme sans précédent? Celui qui doute est accusé d’être un peine-à-jouir nostalgique des curés.

La routine est connue: un homme et une femme se rencontrent. Ils baisent. Ils se lassent. Donc, ils se laissent. Alors ils passent au suivant. Ou alors, on camoufle cet égoïsme dans la théorie hypocrite du couple ouvert.

On oublie une chose: le cœur finit par s’user. Il espère chaque fois et il est déçu chaque fois. Et à force d’être déçu, il se «carapace». Il ne se laisse plus atteindre par l’autre. L’être humain n’est pas une vulgaire serviette jetable.

Sentiments mutilés

La société de consommation sexuelle mutile les sentiments fondamentaux: l’amour, la tendresse. Elle ne permet pas d’explorer les nuances du cœur, qui contiennent le secret de la durée amoureuse. Notre société ne nous apprend pas à aimer au-delà de la première excitation.

Le discours public est fait pour cultiver l’insatisfaction. Par exemple, ouvrez un magazine féminin. Chaque mois, on demande aux lectrices si elles sont vraiment épanouies. Suis-je une bonne baiseuse? Suis-je bien baisée? Ma vie n’est pas une romance absolue? Elle ne vaut pas la peine.

Vivre à deux est pourtant une exigence de civilisation. C’est ainsi qu’on apprend concrètement à se soucier de l’autre, à penser au-delà de soi. À deux, on apprend à ne plus vagabonder. La durée est gage d’humanité. Encore faut-il que la société l’aide un peu.

C’est parce qu’un homme et une femme s’aiment depuis longtemps qu’ils affronteront ensemble la maladie, la perte des proches, la vieillesse. C’est pourtant dans l’apprivoisement du quotidien que la vie révèle son sens. Et c’est ainsi qu’elle s’humanise.

Triste perspective

L’être humain se prépare de tristes jours. Consultations psychologiques à outrance, antidépresseurs à la tonne, divertissements débiles dans les médias de masse, notre société, finalement, ne se laisse pas consommer à froid. L’euphorie artificiellement maintenue cache mal une immense angoisse.

Quand les chairs tomberont, deviendrons-nous des déchets? J’imagine une société d’individus désespérés, séparés et n’ayant jamais noué de liens fondamentaux. L’Occident deviendra-t-il un immense parc gériatrique peuplé de vieillards désenchantés accrochés à la pornographie?

C’est dans l’apprivoisement du quotidien que la vie révèle son sens






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