Je ne veux pas voir la vidéo de Rob Ford
Un peu plus et Gawker nous fait croire que les bandits qui détiennent la vidéo sont des victimes
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Au moment où vous lisez ce journal, le site américain de potins Gawker a réussi à ramasser 90 000 $ pour acheter la supposée vidéo de Rob Ford fumant du crack. Or, qui possède cette vidéo du maire de Toronto selon vous? Ce ne sont pas enfants de chœur. Ce sont des proches du milieu de la drogue qui ont peur pour leur vie et veulent fuir le pays.
Si jamais Gawker réussit à amasser les fonds suffisants et qu’ils obtiennent la vidéo, je refuse de la regarder.
On parle beaucoup ces jours-ci du manque d’éthique du maire d’une grande ville qui fume du crack. «Ça ne se fait pas quand on occupe de si hautes fonctions», «C’est moralement répréhensible». Mais c’est aussi moralement répréhensible de payer une source (vraisemblablement criminelle) pour obtenir des images obtenues frauduleusement.
Quelle est la moralité d’un site internet qui organise une collecte de fonds pour donner de l’argent à des gens qui baignent dans le milieu de la drogue et qui ensuite font monter les enchères?
NÉGOCIER AVEC DES CROCHES
Sur le site de Gawker, l’éditeur John Cook a lancé une page intitulée Crackstarter, pour solliciter des dons.
C’est ce qu’on appelle du crowd funding (financement par une multitude, habituellement utilisé pour ramasser des sous pour la Croix-Rouge ou pour des victimes de tornades).
La lecture de cette page donne la nausée. «Les propriétaires de la vidéo craignent pour leur vie et veulent assez d’argent pour avoir une chance de quitter Toronto et s’installer dans une autre ville», peut-on lire. «Leur crainte n’est pas complètement injustifiée. Rob Ford est un bouffon puissant et il était dans une scène de drogue qui supposément implique d’autres gens connus de Toronto.»
Un peu plus et Gawker nous fait croire que les bandits qui détiennent la vidéo sont des victimes!
Si on ferme les yeux sur Gawker et sa collecte de fonds, si on hausse les épaules en disant «Ce n’est pas grave, c’est drôle, j’envoie 25 $», voici ce qui va arriver. La prochaine fois, ce ne sera pas 200 000$ que des petits criminels vont demander à des médias pour une vidéo, c’est un million.
Pourquoi s’arrêter là? Le citoyen ordinaire va lui aussi se lancer dans le lucratif business de vendre des vidéos d’actes illégaux. «J’ai filmé mon voisin qui conduisait saoul. Combien vous me donnez pour la vidéo?»
TOUS DES PAPARAZZIS
En Angleterre, des journaux sans scrupule ont payé des sources et engagé des détectives privés pour avoir accès illégalement à des conversations téléphoniques privées. Et on ne parle même pas de gens qui commettaient des actes répréhensibles. Les tabloïds avaient harcelé la comédienne Sienna Miller et l’auteur de Harry Potter J.K. Rowling !
Il a fallu le scandale de News of the World et une commission d’enquête (non pas Charbonneau, mais Leveson) pour mettre au jour ces pratiques inacceptables.
Aujourd’hui, au Canada, c’est une vidéo du maire obtenue illégalement auprès de gens louches qui fait la nouvelle. Demain, ce sera quoi? Un membre de la mafia qui a enregistré une conversation au cellulaire entre un entrepreneur et un maire de la Couronne Nord?
Combien on est prêt à payer pour ça?