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Un créateur sans concession

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Ce n’est pas chose aisée que de parler de l’œuvre de Luc Giard. Non seulement parce qu’elle est sans concession, mais aussi parce qu’elle est d’une vertigineuse et brutale vivacité.
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Un créateur sans concession
Ce n’est pas chose aisée que de parler de l’œuvre de Luc Giard. Non seulement parce qu’elle est sans concession, mais aussi parce qu’elle est d’une vertigineuse et brutale vivacité.
Jean-Dominic Leduc
collaboration spéciale

Plonger dans un album de Luc Giard, c’est laisser tout repère au vestiaire et accepter de remettre toute quête de sens entre les mains du créateur. S’abandonner dans cet univers brut, intuitif, spontané vous fera assurément vivre un moment de lecture dont vous ne ressortirez pas indemne. N’est-ce pas, après tout, le but premier d’un médium artis tique, quel qu’il soit?

LES DÉBUTS

Après des études en arts plastiques à l’Université Concordia, Luc Giard abandonne la sculpture pour se consacrer pendant trois ans, reclus, au dessin. Inspiré par Kurtzman, Jack Kirby, Franquin, Reiser et ses lectures de jeunesse abreuvée aux hebdomadaires européens Spirou et Tintin, l’artiste fait patiemment ses gammes.

Puis vint le moment où il se rendit chez la défunte librairie Fantazio, rue Rachel, pour présenter ses premiers fanzines tirés à seulement trois ou quatre exemplaires. Il y fait alors la rencontre déterminante de Siris, qui le pistonne sur l’événement BD en Direct au cégep du Vieux-Montréal, où, en remplaçant au pied levé un artiste absent, un spectateur remarque son travail.

«Yves Millet, qui avait mis la main sur les rares exemplai res de mes fanzines, me proposa de les éditer en album pour le compte de sa maison d’édition Phylactère. Je n’en voyais pas l’intérêt puisqu’ils étaient déjà imprimés! s’exclame l’artiste. Il édita mes premiers Tintin, qui devinrent Ticoune Ze Whiz Tornado à la suite d’une mise en demeure du distributeur des éditions Casterman.» Non seulement les rares exemplaires de Kesskiss passe Milou? et Tintin et son ti-gars se vendent à prix d’or, mais ils font également l’objet d’albums pirates en Europe.

Porte-étendard de la contre-culture québécoise, Luc Giard a lentement étoffé son mythi que personnage, aventurier de l’intérieur – contrairement au reporter belge – en le publiant chez Phylactère, puis chez Mécanique Générale et Colosse. Il serait d’ailleurs souhaitable, pour ne pas dire nécessaire, qu’un éditeur publie une intégrale de ces aventures éparses.

KONOSHIKO

Avec ce nouvel opus aux accents orientaux, l’artiste surprend. Après avoir réalisé 1000 illustrations sur plus de 10 ans (l’hiver seulement – saison propice à l’encabanement du corps et de l’esprit, au dire de l’auteur) des suites d’une brève hospitalisation après un épisode psychotique, l’illustrateur a d’abord remis le fruit de son dur labeur entre les mains de Jimmy Beaulieu et Sébastien Trahan, alors tous deux actifs au sein de Mécanique Générale. Après un premier chapitre de 16 pages publié dans Ad Hoc en 2000, c’est finalement l’homme de lettres Jean-Marie Apostolidès qui a eu la difficile tâche, 10 ans plus tard, de choisir et d’assembler des centaines de dessins pour en tirer un récit de près de 200 pages, très réussi d’ailleurs.

«L’entente était la suivante: puisque j’avais réalisé les illustrations seul, je lui ai cédé la portion rédactionnelle sans intervenir.»

Le nouveau tandem travaille actuellement à l’élaboration d’un polar montréalais et un ouvrage entièrement consacré aux femmes. Il ne manque plus qu’à espérer le retour de Ticoune. Surtout que, par cet alter ego, l’artiste s’y dévoile avec une rare et déconcertante franchise.

Konoshiko, de Luc Giard et Jean-Marie Apostolidès, Éd. Les Impressions Nouvelles

a lire aussi
LE PONT DU HAVRE
Éd. Mécanique Générale

Album-clé de l’auteur, assurément le plus accessible et personnel, où les grands thèmes de l’œuvre de Giard (l’art, la solitude, l’amour), mais aussi sa passion pour la bande dessinée se dévoilent. Car l’homme y a traversé maintes fois le pont, immortalisé notamment par Marc-Aurèle Fortin et Beau Dommage, afin de s’approvisionner en Peanuts de Schulz et Moebius.

LUC GIARD ET SES FANTÔMES
Éd. Colosse

Cette monographie, rassemblant les textes de Jimmy Beaulieu, Jean-Marie Apostolidès, Sébastien Trahan, David Turgeon, jette un regard juste, varié et nécessaire sur l’œuvre de ce grand créateur. L’ouvrage est enrichi d’un récit inédit de Ticoune et d’une bibliographie complète de l’artiste. Incontournable!

A VILLAGE UNDER MY PILLOW
Éd. Drawn & Quarterly

Après une collaboration remarquée à la première mouture de l’anthologie Drawn & Quarterly, Luc Giard a lancé la collec tion Petits Livres chez l’éditeur anglophone montréa lais avec ce recueil d’illustrations choisies, où on peut voir des portraits des peintres Jasper John et Saul Steinberg, et quelques dessins inspirés de l’univers d’Hergé, cher à l’artiste.

Ce n’est pas chose aisée que de parler de l’œuvre de Luc Giard. Non seulement parce qu’elle est sans concession, mais aussi parce qu’elle est d’une vertigineuse et brutale vivacité.

Plonger dans un album de Luc Giard, c’est laisser tout repère au vestiaire et accepter de remettre toute quête de sens entre les mains du créateur. S’abandonner dans cet univers brut, intuitif, spontané vous fera assurément vivre un moment de lecture dont vous ne ressortirez pas indemne. N’est-ce pas, après tout, le but premier d’un médium artis tique, quel qu’il soit?

LES DÉBUTS

Après des études en arts plastiques à l’Université Concordia, Luc Giard abandonne la sculpture pour se consacrer pendant trois ans, reclus, au dessin. Inspiré par Kurtzman, Jack Kirby, Franquin, Reiser et ses lectures de jeunesse abreuvée aux hebdomadaires européens Spirou et Tintin, l’artiste fait patiemment ses gammes.

Puis vint le moment où il se rendit chez la défunte librairie Fantazio, rue Rachel, pour présenter ses premiers fanzines tirés à seulement trois ou quatre exemplaires. Il y fait alors la rencontre déterminante de Siris, qui le pistonne sur l’événement BD en Direct au cégep du Vieux-Montréal, où, en remplaçant au pied levé un artiste absent, un spectateur remarque son travail.

«Yves Millet, qui avait mis la main sur les rares exemplai res de mes fanzines, me proposa de les éditer en album pour le compte de sa maison d’édition Phylactère. Je n’en voyais pas l’intérêt puisqu’ils étaient déjà imprimés! s’exclame l’artiste. Il édita mes premiers Tintin, qui devinrent Ticoune Ze Whiz Tornado à la suite d’une mise en demeure du distributeur des éditions Casterman.» Non seulement les rares exemplaires de Kesskiss passe Milou? et Tintin et son ti-gars se vendent à prix d’or, mais ils font également l’objet d’albums pirates en Europe.

Porte-étendard de la contre-culture québécoise, Luc Giard a lentement étoffé son mythi que personnage, aventurier de l’intérieur – contrairement au reporter belge – en le publiant chez Phylactère, puis chez Mécanique Générale et Colosse. Il serait d’ailleurs souhaitable, pour ne pas dire nécessaire, qu’un éditeur publie une intégrale de ces aventures éparses.

KONOSHIKO

Avec ce nouvel opus aux accents orientaux, l’artiste surprend. Après avoir réalisé 1000 illustrations sur plus de 10 ans (l’hiver seulement – saison propice à l’encabanement du corps et de l’esprit, au dire de l’auteur) des suites d’une brève hospitalisation après un épisode psychotique, l’illustrateur a d’abord remis le fruit de son dur labeur entre les mains de Jimmy Beaulieu et Sébastien Trahan, alors tous deux actifs au sein de Mécanique Générale. Après un premier chapitre de 16 pages publié dans Ad Hoc en 2000, c’est finalement l’homme de lettres Jean-Marie Apostolidès qui a eu la difficile tâche, 10 ans plus tard, de choisir et d’assembler des centaines de dessins pour en tirer un récit de près de 200 pages, très réussi d’ailleurs.

«L’entente était la suivante: puisque j’avais réalisé les illustrations seul, je lui ai cédé la portion rédactionnelle sans intervenir.»

Le nouveau tandem travaille actuellement à l’élaboration d’un polar montréalais et un ouvrage entièrement consacré aux femmes. Il ne manque plus qu’à espérer le retour de Ticoune. Surtout que, par cet alter ego, l’artiste s’y dévoile avec une rare et déconcertante franchise.

Konoshiko, de Luc Giard et Jean-Marie Apostolidès, Éd. Les Impressions Nouvelles

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