«Il faut regagner le public»
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Un virage numérique raté, des radios qui ne passent pas nos artistes, et une culture américaine qui prend de plus en plus de place dans le cœur des jeunes. Dans une entrevue exclusive accordée au Journal, le ministre de la Culture prend clairement position sur certains des sujets les plus épineux dans le milieu culturel. «Il faut se remettre en question relativement à la qualité des produits que nous proposons», dit-il.
Questionné d’emblée sur le déclin des ventes musicales, jugé catastrophique par l’ADISQ en janvier, sur les interprètes qui en ont assez de faire des disques qui ne se vendent pas et sur la faible affluence dans certaines salles de spectacle, Maka Kotto est catégorique. «Durant les dix dernières années, les comportements ont changé, et on a manqué le virage numérique au Québec, et sur le plan culturel, c’est une évidence», laisse-t-il tomber.
Assis dans son bureau de la circonscription de Bourget, dans l’est de la rue Sherbrooke, un cahier de notes ouvert devant lui, le ministre reconnaît toutefois «qu’il n’y a pas qu’une seule raison pour expliquer l’ensemble de la problématique», et la solution ne peut pas venir seulement des poches du ministère. «La solution nommée dollars, ça ne règle pas tout. Il faut donc toujours revenir à la base pour séduire, pour toucher, pour mobiliser, martèle le ministre. Il y a peut-être une interrogation à avoir aussi de ce côté-là.»
À savoir pourquoi des masses de gens se déplacent pour tel artiste ou restent chez eux et ne dépensent pas un sou pour l’autre, «il faut se remettre en question relativement à la qualité des produits que nous proposons, déclare-t-il. À partir du moment où la qualité du produit culturel est incontestable, c’est sûr que les gens vont se déplacer.»
Qualité incontestable
L’industrie musicale québécoise devrait-elle, donc, remettre en question la qualité de son produit? «Pas l’ensemble, répond Maka Kotto, en hochant la tête. Il faut, je pense, retrouver la cible qu’on perd souvent de vue, que ce soit dans le domaine du cinéma ou de la chanson, c’est-à-dire le public, martèle-t-il. Je pense qu’il faut penser du point de vue du public pour créer. Il faut le reconquérir ce public, parce que sinon, on le perd à jamais.»
Sans compter que «beaucoup de radios ne passent pas notre musique, déplore-t-il. Elles ne rejoignent pas notre public. C’est un médiateur qui ne contribue pas à la valorisation de notre création en matière de musique, ce qui peut aussi expliquer qu’on tourne le dos à nos créateurs.»
Maka Kotto montre aussi du doigt les États-Unis, dont «les produits participent à conditionner les façons de consommer de nos populations, surtout nos jeunes».
Sur la planche à dessin
Bien qu’il affirme travailler sur plusieurs fronts à la fois, le ministre assure que ses équipes sont à l’œuvre en ce moment pour apporter des solutions adéquates. «J’attends qu’on amène sur la table les pistes pour aider notre univers musical, soutient-il. Le plan d’action que j’attends avec fébrilité apportera des pistes de solutions pour la pérennité de cette industrie, dans son ensemble.»
Tout comme pour l’industrie du livre, dont la commission parlementaire a mené le gouvernement à prendre position sur une loi pour la protéger, un plan est-il sur la table de travail pour l’industrie de la chanson? M. Kotto reste discret. «Pour la musique, nous sommes en rattrapage.»
Avec la collaboration de Ève Lévesque
