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Paradis fiscaux: le Canada ferme-t-il les yeux?

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Le Canada a joué, et continue de jouer, un rôle de premier plan dans le développement des paradis fiscaux dans les Caraïbes et ailleurs.

C’est la thèse explosive que défend l’auteur Alain Deneault dans un livre à paraître mardi, intitulé: Paradis fiscaux: la filière canadienne, dont notre Bureau d’enquête a obtenu copie en primeur.

Selon l’auteur, les banques canadiennes, tout particulièrement, sont loin d’être innocentes dans la place grandissante qu'ont les banques extraterritoriales dans l’économie canadienne.

Dans plusieurs îles minuscules des Antilles, elles sont les principales places d’affaires, et il est très douteux qu’elles servent seulement à recueillir les dépôts des petits épargnants, affirme l’auteur.

«On s’aperçoit que le Canada joue un rôle de premier plan dans le développement de la finance dans les Caraïbes», explique-t-il.

Des personnalités politiques de premier plan sont aussi complices de cette réalité et l’encouragent discrètement.

Le rôle du Canada sous la loupe

Alain Deneault s’était déjà intéressé aux activités bancaires extraterritoriales dans un premier livre intitulé: Paradis fiscaux et souveraineté criminelle, mais il a choisi cette fois de scruter plus en détail le rôle du Canada dans cette architecture financière de plus en plus incontournable.

Le Québec n’échappe pas non plus à la vague, lui qui subventionne les bureaux montréalais d’un des cabinets d’avocats les plus en vue aux Îles Caïmans.

Canada Steamship Lines ouvre la voie

Selon l’auteur, la décision de l'ancien premier ministre libéral Paul Martin d’enregistrer sa compagnie, Canada Steamship Lines, à la Barbade en 1995 a sonné le coup d’envoi d’une véritable course aux activités bancaires et financières extraterritoriales pour les riches contribuables et les entreprises canadiennes.

«À partir de cette date, l’augmentation des placements canadiens à la Barbade sera de l’ordre de 3600% en quelques années, passant de 628 millions $ en 1988 à 23,3 milliards $ en 2001», écrit-il.

Alain Deneault souligne qu’il est absolument impossible que tout cet argent ait servi à réaliser de véritables investissements.

«La Barbade a reçu en 2006 des investissements directs canadiens de l’ordre de 89 millions $ par kilomètre carré ou de 136 653$ par habitant. C’est insensé. À l’évidence, certains investissements ne servent pas à acheter des usines.»

Environ 25% des investissements étrangers du Canada sont aujourd’hui réalisés dans des paradis fiscaux.

Selon l’auteur, le gouvernement conservateur en place à Ottawa n’a fait qu’accentuer le phénomène en légalisant des pratiques qui étaient autrefois considérées comme illégales.

«Il est devenu clair que la politique fédérale canadienne consiste à lutter contre la fraude fiscale en la légalisant.»

Le rôle du Canada dans la finance extraterritoriale, selon Alain Deneault

Îles Caïmans: Un cabinet d’avocats canadien, Maples and Calder, a rédigé une législation très favorable aux fonds spéculatifs (hedge funds) et au secret bancaire.

Bahamas: La Banque Scotia fournit le conseiller de la législation et la Banque Royale a compté un ministre comme administrateur.

Barbade: Accord conclu sur la protection des investissements étrangers. Possibilité d’enregistrer des actifs à la Barbade en payant très peu d’impôt et de les rapatrier au Canada sans impôt.

Jamaïque: Un ex-gouverneur de la Banque du Canada signe un rapport prônant des exemptions fiscales pour les entreprises étrangères.

Îles Turques-et-Caïques: Lobbying pour l’intégration au sein du Canada. Nombreux liens avec la finance canadienne. Présence d’un grand fonds d’investissement canadien impliqué dans une fraude pyramidale.

Bermudes: La Bourse de Toronto est devenue en 2011 l’un des principaux actionnaires de la Bourse des Bermudes. Des investissements de 12 milliards $ canadiens en 2012.

Panama: Traité de libre-échange signé avec le Canada en 2010 pouvant avantager des blanchisseurs de fonds d’Amérique latine.

Des sommes colossales

En 2012, les Canadiens ont investi plus de 155 milliards $ dans les sept premiers paradis fiscaux où ils sont présents, selon Statistique Canada.

Quelques extraits

«Le ministre fédéral du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, a dû quitter son ministère en janvier 2010, peu après s’être intéressé de très près aux affaires de la Banque Royale du Canada au Liechtenstein. L’institution financière aurait aidé 106 particuliers fortunés du Canada à y inscrire quelque 100 millions de dollars.»

«Les cibles que se donnent le ministère (du Revenu à Québec) trahissent sa mentalité de pense-petit. [...] Les recouvrements escomptés proviennent essentiellement de la catégorie des fraudeurs convenus, c’est-à-dire l’industrie de la construction, le secteur de la restauration et le commerce du tabac.»

«Au moment de révélations mondiales sur les paradis fiscaux, le ministre canadien des Finances (Jim Flaherty) accourt vers les Bermudes.»

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