« Ça chire » encore dans le projet informatique SAGIR
Retour à la case départ après 15 ans de chantier
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Déjà considéré comme l’un des plus retentissants cafouillages informatiques du Québec, le projet d’informatisation des vieux systèmes de gestion du gouvernement tourne au désastre et devra en grande partie revenir à la case départ, a découvert notre Bureau d’enquête.
Ce qui risquait d’arriver se concrétise: le projet informatique SAGIR, ou «ça chire» comme l’ont baptisé avec dépit plusieurs fonctionnaires, est tellement long à développer que ses technologies sont périmées avant même que le projet ne soit complètement implanté. Près de 15 ans de travaux valant des centaines de millions de dollars doivent être repris.
Le moteur ou le cœur de SAGIR est un logiciel fourni par la firme américaine Oracle. Or, la multinationale a décidé qu’à partir du 31 décembre 2014, la version 11 de son logiciel deviendra caduque.
Le drame pour les contribuables québécois, c’est qu’il s’agit précisément de la version que le gouvernement utilise pour SAGIR.
«C’est comme si le système allait s’afficher en mandarin du jour au lendemain. Ce n’est pas compliqué, on doit refaire SAGIR. Ça touche 70 000 postes informatiques dans tous les ministères et organismes», explique une source travaillant dans le projet, qui croit que ce pépin se comptera en centaines de millions de dollars.
Pour éviter la crise cardiaque, illustre-t-on, il faut donc remplacer le cœur et migrer à la version 12, ce qui forcera la reprogrammation d’une grande partie de ce qui a été développé depuis des années dans le projet.
Le cap du milliard $ inévitable
Le développement de SAGIR a déjà coûté plus de 620 M$ aux contribuables, ce qui représente 77 $ pour chacun des Québécois en 15 ans de travaux informatiques.
Le projet devait se terminer en 2007 et coûter 83 M$. La facture atteindra au moins le milliard de dollars, a déjà révélé notre Bureau d’enquête avant d’apprendre l’existence de ce nouveau pépin majeur. Si toutes les composantes du projet tardent à se matérialiser, la facture est donc bien concrète et dépassera, par exemple, le coût de construction du stade olympique.
L’échéancier du projet final reste inconnu. Le gouvernement implante la deuxième des sept phases du projet.
Avec le Dossier santé Québec, SAGIR est le plus grand chantier informatique de la province. Il vise la nécessaire modernisation des systèmes de gestion (paie, achats, ressources humaines, factures) pour une centaine de ministères et organismes québécois.
C’est catastrophique
«Personne n’en parle, mais c’est l’une des pires catastrophes informatiques du Québec, ce qui est en train de se passer», nous a déclaré une source en parlant de ce fiasco.
Elle se dit consternée de voir l’indifférence que suscite ce changement. «Pour les fonctionnaires et les consultants, ce n’est pas une si mauvaise nouvelle. Ils garderont leur travail, et encore plus longtemps», déplore-t-elle, ajoutant qu’un représentant du vérificateur général devrait surveiller à temps plein ce projet informatique.
Même si le gouvernement n’a pas voulu nous donner plus de détails sur l’impact et le coût de cette catastrophe, notre Bureau d’enquête a consulté des documents officiels qui stipulent que le dossier est considéré comme «majeur», «complexe» et «critique» pour SAGIR.
La direction du Centre des services partagés du Québec (CSPQ), responsable du projet SAGIR, n’a pas voulu nous accorder une entrevue formelle. Tout a été relayé vers les relations médias qui pouvaient seulement dire qu’il était trop tôt pour se prononcer sur les coûts à prévoir.