Des profs démunis face à l’homophobie
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Les homosexuels ont beau avoir le droit de se marier et d’adopter des enfants depuis plus de dix ans au Québec, en milieu scolaire, de nombreux enseignants éprouvent encore de la difficulté à parler de diversité sexuelle et d’homophobie, révèle une étude.
«Il se peut que vous ayez des pensées homosexuelles. Ne vous inquiétez pas, ça va passer!»
Cette déclaration d’un enseignant bien intentionné devant un groupe d’adolescents du secondaire illustre à quel point certains d’entre eux peuvent se sentir complètement démunis lorsque vient le temps de parler d’homosexualité à leurs élèves.
L’anecdote nous est rapportée par Gabrielle Richard, une étudiante de l’Université de Montréal qui a consacré sa thèse de doctorat aux pratiques professionnelles de 243 enseignants en lien avec l’homophobie et la diversité sexuelle.
«Les jeunes sont avides d’avoir de l’information sur la sexualité mais leurs profs ne savent pas toujours comment s’y prendre, ils ne sont pas formés pour ça et il y a un vide», observe la doctorante.
Depuis l’abolition du cours d’éducation sexuelle au secondaire en 2005, les enseignants doivent parler de sexualité à travers leurs cours de mathématiques, de français, la géographie, d'histoire...
«Plusieurs avouent puiser dans leurs propres connaissances ou leur expérience personnelle pour parler en classe de diversité sexuelle et réagir à l’homophobie. Les intentions sont bonnes, mais ça donne parfois des résultats boiteux», observe Gabrielle Richard
Selon les recherches de l’étudiante en sociologie, deux enseignants sur trois estiment qu’ils ne possèdent pas la formation pour parler de diversité sexuelle et 88% affirment ne pas avoir les outils pour réagir à de l’homophobie.
«Une enseignante à qui un élève a confié qu’il était gai en a déduit qu’il voulait donc faire son coming out et a cru bon organiser une activité en classe pour qu’il puisse s’exprimer», raconte Madame Richard.
Homophobie 101
Parmi les professeurs interrogés, plus de 75% considèrent que des remarques comme « c’est fif » ou « c’est gai » doivent être perçues comme de l’homophobie alors que 8% ont déclaré ne pas intervenir lorsqu’ils sont témoins de ce genre de propos.
«Certains profs ne sont pas forcément homophobes, mais hétérosexistes. Ils sont convaincus qu’ils assistent bien leurs élèves en leur disant que les hétérosexuels sont plus normaux», décrit-elle.
Pour 95% des enseignants interrogés, ce qui les incite à parler de diversité sexuelle, c’est le désir de contribuer au changement des attitudes à l’égard des homosexuels ou dans 82% des cas, la présence d’un élève ouvertement gai. Pour 89% d’entre eux, l’école est le lieu approprié pour aborder ce sujet.
Un professeur d’éducation physique témoin de la remarque homophobe d’un élève envers «les tapettes» a saisi la balle au bond.
«Que dirais-tu si je te disais que je suis une tapette?, lui a-t-il demandé. C’était risqué, la réaction a été bonne et le prof était convaincu que c’était la bonne chose à faire», relate-t-elle.
À la lumière de ses recherches, l’auteure de l’étude affirme qu’il est urgent d’offrir une formation aux professeurs sur l’homophobie et la diversité sexuelle. De plus, les écoles doivent adopter un message clair, uniforme et cohérent sur ces sujets, conclut-elle.