Un père de famille purgera 60 jours de prison pour avoir donné une gifle mortelle à son enfant de 13 ans
Un père qui a tué sa fille en 2010 a écopé d’une sentence de 60 jours de prison
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Un père qui a tué sa fille de 13 ans d’une gifle au visage a écopé, hier, de 60 jours de prison. Une sentence qui en a fait bondir plus d’un et que le juge qualifie lui-même de «clémente».
Le juge Richard Marleau de la Cour du Québec a été catégorique dans son jugement: le geste posé par Moussa Sidimé sur sa fille Nouténé n’est pas qu’une «simple gifle».
Selon lui, la correction d’un père qui utilise des gifles ou des coups à la tête est «déraisonnable», même «illégale». Malgré tout, il conclut que la sentence que mérite l’accusé de 74 ans «ne peut être que clémente».
En effet, même si le geste commis par le père de famille s’est avéré fatal, il ne s’agit pas d’une infraction qui visait au départ à laisser des séquelles à l’enfant.
«On ne peut prétendre que ces gestes, aussi répréhensibles soient-ils, sont susceptibles de mettre la vie de l’enfant en danger à première vue», a expliqué le juge.
Surtout qu’en Guinée, pays d’origine de l’accusé, la gifle est tolérée comme mesure disciplinaire, a-t-il aussi noté.
Message compris
«Chose certaine, l'accusé est déjà dissuadé de répéter son geste. De manière plus générale, il semble aussi que le message de dissuasion se soit propagé dans sa communauté», a ajouté hier le magistrat
«Si j'avais su qu'une seule gifle allait la tuer...», avait laissé tomber l'homme de 74 ans, lors des représentations sur sentence en février.
Le drame remonte au 6 octobre 2010. Au retour de l’école de sa fille, Moussa Sidimé lui a demandé de nettoyer la cuisine. Insatisfait de son travail, il a dû insister à deux reprises pour qu’elle reprenne sa corvée. En quittant la cuisine, il dit avoir entendu sa fille murmurer «ce qu’il a cru être des insultes».
Cela a donc valu à son ado une gifle sur chaque joue, ainsi qu’une tape sur les fesses. Mais quelques minutes après, sa fille s’est effondrée au sol, inconsciente. Elle est décédée d'une rupture de l'artère vertébrale, vraisemblablement causée par un mauvais mouvement de rotation du cou, en recevant la gifle ou en voulant l’éviter. Après avoir appelé les services d’urgence, Moussa Sidimé a été arrêté, puis accusé d’homicide involontaire.
Peine ajustée au plus bas
Même si la gifle mortelle peut être passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, le juge Richard Marleau a imposé à l’accusé une sentence de 60 jours, à purger de façon discontinue les lundi et mardi, notamment «compte tenu de son âge».
«La peine doit donc être ajustée en bas de l'échelle de peines compte tenu de l'ensemble de tous les facteurs mis en balance», a dit le juge.
La défense proposait une sentence suspendue, ce que le juge n'a pas retenu.
«Une telle peine ferait abstraction du geste illégal commis et que les actes de l'accusé ont mis en cause la sécurité et l'intégrité d'une jeune enfant amorçant son adolescence. Cet agir doit être dénoncé et dissuadé», a ajouté le juge.
La Couronne proposait pour sa part une peine bien plus lourde, soit de deux ans.
«La violence n’est jamais une réponse à un comportement d’un enfant. C’est un message qui a été reçu par l’accusé et sa communauté, selon le juge. Maintenant, on souhaite que l’ensemble du public l’entende de la même façon», a dit Me Julie Laborde à la sortie de la salle d’audience.
Sentence « justifiée » selon un ancien juge
Une sentence de 60 jours de prison pour une gifle mortelle peut étonner à première vue, mais selon un ancien juge de la Cour supérieure, cela est justifié.
«Le danger, c’est qu’on pense qu’un cadavre égal une peine à perpétuité. C’est court comme réflexion. Il faut aller voir plus loin», avertit Gilles Hébert.
Le choix de peine pour une accusation d’homicide involontaire est vaste, rappelle-t-il. Cela peut en effet varier d’une journée de prison à l’emprisonnement à vie. Il y a donc plusieurs facteurs à évaluer avant d’imposer une sentence pour un tel crime, ajoute-t-il.
«Il y a toute sorte d’homicides involontaires. Je présume donc que le juge Marleau a conclu qu’il y avait un très grand volet accidentel et que l’intention malicieuse était à peu près inexistante dans ce cas-ci», analyse l’ancien juge.
procureure de la Couronne
ami de la famille
avocate de la défense