Des emplois menacés dans l’industrie maritime québécoise
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L’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe risque de détruire l’industrie maritime canadienne, soutiennent une dizaine de syndicats canadiens. Tout aussi inquiets, des industriels du secteur maritime appréhendent de voir disparaître des pans entiers de leur industrie.
«Cet accord va causer de grandes brèches dans la réglementation sur le cabotage canadien. Ça va commencer par le dragage, mais à long terme, c’est toute l’industrie qui en sera affectée», soutient Patrice Caron, le vice-président exécutif du Syndicat international des marins canadiens.
Il affirme qu’entre 7000 et 10 000 emplois risquent de disparaître si les provinces entérinent l’entente sans exiger de modifications.
La Loi sur le cabotage canadien gouverne le droit des transporteurs entre deux ports canadiens et impose que les déplacements se fassent sous un pavillon canadien, avec des marins et des équipements canadiens. Or, le Canada fait fi de ces règles et ouvre le marché maritime canadien aux Européens sans avoir demandé de réciprocité pour les armateurs canadiens.
«C’est une assez grande surprise et nous avons vraiment beaucoup d’inquiétudes. Si cela devait se produire, on va devoir se poser la question si nous poursuivons dans le dragage», a complété Jean-Philippe Brunet, vice-président aux Affaires corporatives et juridiques du groupe Océan, basé à Québec.
La domination européenne
Les quatre plus grandes entreprises de dragage au monde sont originaires de la Belgique et des Pays-Bas, tels que le Groupe Jan De Nul et le Groupe DEME. Elles contrôlent plus de 80 % du marché mondial et détiennent la capacité de décrocher les plus gros contrats de travail à prix très compétitifs.
Transport Canada a avisé les industriels que les Européens pourront dorénavant non seulement faire du dragage dans les eaux canadiennes, mais aussi du service de transport de marchandises entre Montréal et Halifax.
«Des compagnies pourraient postuler sur des projets de dragage ou de transport de grains et obtenir des contrats à la place des entreprises canadiennes qui s’en chargent actuellement, craint Patrice Caron. On a rarement vu des compagnies maritimes européennes faire travailler des Européens. Ce sont généralement des marins des Philippines, de l’Inde, souvent sous-payés et maltraités.»
Une analyse sombre que fait également Jean-Philippe Brunet du Groupe Océan.
«On ne pourrait même pas compétitionner contre eux dans les appels d’offres, a-t-il reconnu. Les salaires que nous payons à nos marins sont plus élevés. Et les gros contrats de dragage canadiens, ce sont eux qui nous permettent de rentabiliser nos équipements.»
Employeurs maritimes sur les dents
Bien au fait que les Européens ont une longueur d’avance dans le secteur et qu’ils sont protectionnistes, Denyse Verreault, la présidente du Groupe Maritime Verreault, considère que c’est une très mauvaise nouvelle.
«S’ils peuvent faire ce qu’ils veulent au Canada, ça va nous manger complètement», a-t-elle prévenu.
L’Association des armateurs maritimes du Québec entend réclamer des comptes à Ottawa, d’autant plus que le Québec s’apprête à lancer sa Stratégie maritime sur le Saint-Laurent.
«On se fait voler notre marché par une concurrence tout à fait déloyale. Il y a de quoi être inquiet. C’est une question de sécurité pour nos approvisionnements, notre environnement et nos travailleurs», a ajouté son directeur général, Richard Fournier.