Deux fois plus d’enfants «corrigés»
En sept ans, le nombre de signalements de châtiments corporels a doublé à Montréal, Laval et Longueuil
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Le nombre d’enfants victimes de châtiments corporels est en hausse dans la région métropolitaine. Et la cause de ce phénomène serait en partie culturelle, avancent des experts de la maltraitance infantile.
Claques au visage, coups de ceinture, corrections assénées au moyen d’une règle; le nombre de cas de châtiments corporels signalés aux centres jeunesse de Montréal, Laval et Longueuil a plus que doublé depuis 2007.
Alors qu’on dénombrait 778 signalements en 2007-2008, 1956 cas ont été analysés en 2013-2014. Cette problématique pour le moins particulière inquiète plusieurs intervenants de la DPJ.
«Dans notre jargon, on appelle ça des méthodes éducatives déraisonnables. Contrairement aux attaques physiques où la colère cause la violence, on parle de cas où des parents vont frapper leur enfant dans un but éducatif, pour leur faire comprendre quelque chose», explique Sylvie Piché, adjointe clinique au Centre jeunesse de Montréal.
Des coups de règle
Cette dernière croit que la hausse des signalements est attribuable au fait que ces situations sont beaucoup plus dénoncées qu’auparavant.
«Il y a 40 ans, on a connu ça au Québec. On mettait des enfants en punition dans le coin, les bras en croix avec une bible dans chaque main. Mais, à un moment donné, on s’est dit que c’était assez», relate Mme Piché.
«On a encore des parents qui ont vécu ça pendant leur enfance et qui croient que c’est un bon modèle. Mais ça ne se fait plus de punir un enfant à coups de règle», illustre-t-elle.
Question de valeurs ?
Pour Lydya Assayag, directrice du Réseau québécois d'action pour la santé des femmes, cette problématique relève essentiellement des «valeurs familiales».
«Plusieurs familles immigrantes vivent un choc culturel à leur arrivée au Québec. Ils sont écartelés entre ce qu’ils vivent ici et leur loyauté aux traditions familiales», soutient-elle.
«Dans certains régimes dictatoriaux, il est impossible de questionner l’autorité. Ici, l’esprit critique est encouragé depuis la Révolution tranquille. Ça crée un choc des valeurs.»
Pour son bien
Intervenant au Centre jeunesse de Laval, Jean-David Ebosiri accompagne des jeunes qui sont victimes de méthodes éducatives déraisonnables.
«Beaucoup de parents sont issus de pays où la correction physique est présente. Ils perpétuent le modèle familial, explique-t-il. Cela dit, aucun d’entre eux ne pense maltraiter son enfant. C’est une correction. Ils croient faire cela pour le bien de leur enfant.»
Selon M. Ebosiri, dans la majorité des cas, les parents «comprennent leurs erreurs», à la suite de l’intervention de la DPJ.
«Au début, ils sont fâchés. Mais rapidement, ils prennent conscience de leurs gestes et réalisent que ce n’est pas acceptable dans une société comme la nôtre.»