Au pays des prix trop élevés
Malgré une subvention de 60 M$, les denrées coûtent toujours très cher dans le Nord
Des pots de jus à 17 $, des couches à 41 $ le paquet et 10 lb de patates à 8,50 $. Malgré des subventions, le prix des denrées demeure beaucoup plus élevé que dans le Sud, dans le Nord-du-Québec.
Le gouvernement fédéral, via son programme Nutrition-Nord, investit 60 M$ par année depuis 2011 afin de réduire le coût des aliments frais pour les communautés nordiques.
Ce programme remplace Aliments-Poste, qui subventionnait tous les produits expédiés dans le nord, pas uniquement la nourriture fraîche.
«Il y a eu une baisse des prix pour les produits frais que le gouvernement considère comme bons pour la santé, comme les fruits et les légumes. Mais ça ne veut pas dire que les gens sont contents et qu’ils en raffolent. Pour les Inuits, être en bonne santé, c’est manger de la viande, pas la même chose que les lapins! Pour eux, la définition d’un produit frais n’est pas la même que pour Ottawa», soutient le chercheur sur la condition de vie des autochtones dans le Nord, Gérard Duhaime.
Autres produits
Le chercheur, qui a suivi les effets du programme Nutrition-Nord pendant deux ans, affirme que tous les autres produits qui ne sont pas périssables ont vu leur prix gelé ou augmenté depuis l’abolition d’Aliments-Poste.
«Avant, les produits pour aller à la chasse ou à la pêche, qui permettaient aux gens de produire leur propre nourriture, étaient subventionnés. Maintenant, si tu as besoin d’un carburateur pour réparer ta motoneige ou de leurres pour pêcher, tu vas payer très cher. Pourtant, la chasse et la pêche, ce n’est pas un loisir pour les gens du Nord, c’est une nécessité pour se nourrir», soutient M. Duhaime.
Le cas des couches est particulièrement frappant. «On a évalué que leur prix était au moins deux fois plus élevé que dans le Sud. Et les femmes ont deux fois plus d’enfants en moyenne que les autres Québécoises. L’impact sur les familles est énorme», soutient M. Duhaime.
Accessibilité
Un des plus importants problèmes dans les communautés inuites est l’accessibilité. Les tablettes sont souvent vides.
Les villages de Kuujjuaq et Kuujjuarapik sont situés au début de la chaîne d’approvisionnement et peuvent compter sur des produits frais, mais ce n’est pas le cas des autres communautés inuites.
«Oui, les prix de certains produits sont réduits. Mais ça donne quoi s’il n’y en a pas sur les tablettes? Les gens n’ont souvent pas d’autre choix que d’acheter des produits non périssables, qui ne sont plus subventionnés», indique M. Duhaime.
Ottawa ne sait pas où va l’argent
Le Vérificateur général du Canada a révélé dans son dernier rapport que le gouvernement ne sait pas si l’ensemble de la subvention de 60 M$ a servi à réduire le prix des aliments dans le Nord du Canada.
Selon le rapport, il existe beaucoup de scepticisme à l’endroit du programme. Une des raisons serait le fait que les habitants du Nord du pays n’ont pas senti la réduction des prix.
«En outre, le fait de vérifier si les détaillants dans le Nord transfèrent aux consommateurs l’entièreté de la contribution pourrait atténuer le scepticisme du public à l’égard du programme», peut-on lire dans le rapport.
Le député néodémocrate Romeo Saganash, est lui aussi très critique à l’endroit d’Ottawa.
«Je n’ai jamais senti de baisse dans les prix depuis l’implantation de ce programme. On ne sait pas où va l’argent. Est-ce que ce sont les transporteurs ou les commerçants qui en profitent, on ne le sait pas», soutient l’élu d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou.
Les prix ont baissé
Selon le site internet de Nutrition-Nord, le prix du panier d’épicerie a baissé de 5,6 % dans le Nord du Canada entre 2011 et 2013 alors qu’il a augmenté de 4 % ailleurs au pays.
«D’une communauté à l’autre, la situation est différente. Chacun des commerçants a une entente avec le gouvernement et avec son transporteur. C’est donc dire que le taux de subvention varie beaucoup d’une communauté à l’autre. Et on ne sait pas si le commerçant applique toute la subvention à la baisse de prix», soutient le chercheur Gérard Duhaime.
Subvention du Québec
En plus de la subvention fédérale, le gouvernement du Québec et l’Association régionale Kativik gèrent un programme d’une valeur de 10 M$ qui permet de réduire de 20 à 40 % le coût de 1500 articles. «Personnellement, mon jus me coûte moins cher depuis que ce programme existe. Pour ce qui est de Nutrition-Nord, le rapport du Vérificateur général explique bien la situation», a indiqué une résidente de Kuujjuaq, Angela Tetru.