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«Pas d’amalgame » ! Sur l’agression de la France et ceux qui la nient

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Photo AFP


Trois agressions en trois jours. La France est sous le choc. Mais elle semble l’être tout autant de voir une grande partie de ses élites politiques et médiatiques s’enfermer dans la logique du déni, en expliquant qu’elle n’est pas vraiment attaquée, car les trois attaques seraient simplement l’œuvre de déséquilibrés, de malades mentaux, si on préfère, et qu’elles ne relèveraient pas vraiment du terrorisme. Nous avons assisté à la même scène au Québec et au Canada, après les attentats successifs de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa, cet automne.

La grand peur des élites françaises, c’est manifestement l’amalgame, pour reprendre la formule de François Hollande, qui a invité les Français à s’en tenir loin. Il ne faudrait aucunement que le discours public associe ces crimes à l’Islam, ni même à l’islamisme, ou alors, en expliquant avez un zèle fascinant que de tels attentats n’ont absolument rien à voir avec lui. Il faut à tout prix éviter la stigmatisation des musulmans, ce qui est une préoccupation fort légitime, mais cela peut entrainer une étrange orwellisation du langage, comme s’il visait moins à examiner le réel qu’à l’occulter.

Et si on évoque néanmoins le terrorisme, à la manière d’une catégorie générique, on prendra bien soin de ne l’associer à aucune idéologie particulière. C’est le terrorisme en lui-même qui devrait être combattu, et on prendra bien soin de le caractériser le moins possible. Et devant les nouvelles formes du terrorisme, celui venant d’individus s’excitant devant leur écran et canalisant leur mal-être dans l’agression violente de leurs concitoyens (ou prenant un avion pour aller rejoindre le djihad), on parlera d’individus radicalisés. Radicalisés par qui ou quoi ? On laissera cela de côté.

Ce qui exaspère plusieurs, avec raison, c’est qu’on assiste ici à un traitement asymétrique des crimes des uns et des autres. Il suffit de se rappeler les attentats de Toulouse perpétrés en 2012 pour s’en convaincre. Avant qu’on ne sache que Mohamed Merah était le tueur, on avait immédiatement spéculé sur un terroriste improvisé lié à l’extrême-droite et les grandes figures médiatiques ne s’étaient pas gênées d’accuser Nicolas Sarkozy d’être le véritable responsable de ces crimes, puisqu’il aurait chauffé les passions françaises avec son discours musclé sur l’identité nationale.

À ce moment-là, à gauche, on ne dénonçait pas l’amalgame : on le pratiquait fiévreusement. Et quand il s’est avéré que le tueur blond n’en était pas un, autrement dit, quand on a compris que le tueur n’était pas le bon, certains ont a quand même trouvé le moyen de retourner l’accusation contre la France, Tariq Ramadan expliquant notamment que si Merah s’était transformé en terroriste, c’est qu’il se sentait exclu en France. La sociologie victimaire trouvait le moyen de culpabiliser la France pour l’agression qu’elle venait de subir.

Imaginons un seul instant si demain matin, un homme décidait de s’en prendre à des musulmans et qu’on découvrait dans sa besace un livre d’un écrivain plus ou moins connu pour sa critique de l’Islam. La gauche médiatique aurait-elle résisté à la tentation de l’amalgame, ou aurait-elle accusé cet écrivain de pousser ses lecteurs au crime? Imaginons encore si l’apprenti-terroriste avait trainé dans son portefeuille une carte d’un parti de droite et s’était fait connaître en multipliant les déclarations incendiaires sur les médias sociaux contre l’immigration? Ce parti ne serait-il pas accusé de tenir un discours haineux encourageant la dérive meurtrière de ses militants?

On comprend dès lors qu’un attentat terroriste sera réduit ou non au crime d’un détraqué mental selon qu’il permet ou non de faire le procès de l’Occident. S’il est commis par un homme associé à tort ou à raison à ce qu’on s’imagine être les catégories dominantes en Occident, on y verra un crime haineux révélateur de l’intolérance globale à l’endroit des minorités. S’il est commis par un homme associé à tort ou à raison à une minorité ethnique ou religieuse, on le réduira plus souvent qu’autrement à l’œuvre d’un détraqué sans grande signification sociale. Rien de plus qu’un fait divers sanglant.

Un minimum d’honnêteté ne ferait pas de mal. Soit on assume la signification sociale de ces crimes relevant du terrorisme improvisé, soit on ne le fait pas. Mais on ne peut décider, selon l’étiquette qu’on leur colle, s’il faut ou non poursuivre l’enquête et inscrire ces actes dans une perspective globale. Il faudrait faire preuve de grand discernement en évitant de récupérer politiquement ces événements, en évitant de plaquer sur eux une analyse toute faite. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas ensuite les analyser en profondeur. L’analyse devrait être nuancée, et non pas écrasée par l’idéologie.

Surtout, il faudrait reconnaître que les termes terroristes et détraqués ne s’opposent pas systématiquement, et que les mouvements terroristes voient souvent chez les déclassés et marginaux des candidats de choix à recruter dans leurs entreprises. D’ailleurs, ils les ciblent et cherchent à les conscrire, à les mobiliser, à les engager. L’histoire n’est pas seulement l’œuvre de sages hommes décidant rationnellement ou non de descendre leur prochain, de les faucher en voiture ou demain peut-être, de se faire exploser en plein supermarché. La psychiatrisation des criminels masque bien mal, très souvent, une volonté de les déresponsabiliser.

Il importe certainement de ne pas blâmer une communauté pour le crime d’un homme qui s’en revendique. Cela va même de soi et c'est impérieux. Il importe tout autant de ne pas se cacher la tête dans le sable en classant systématiquement dans la rubrique des faits divers insignifiants des événements qui dévoilent le nouveau visage du terrorisme en Occident et la capacité qu’a l’islamisme d’attirer les individus aux personnalités les plus troubles en excitant chez elles les pulsions morbides et psychopathes pour les transformer en soldats du Djihad.







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