Compteur trop gourmand?
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Les compteurs intelligents d’Hydro-Québec calculeraient la consommation d’électricité à la hausse gonflant ainsi la facture des clients, estiment deux ingénieurs électriques consultés par Le Journal.
Quand il a vu sa facture d’électricité grimper de 20 % peu après l’installation chez lui d’un compteur intelligent, l’ingénieur électrique Pietro Arella a commencé à étudier l’engin de près, instruments de mesure en main.
Après des mois de vérification, il est convaincu que, «dans une certaine mesure, le nouveau compteur à sa part de responsabilité» dans la hausse de sa facture. Selon lui, «le problème se situe probablement à la mesure de la consommation».
Marc Robert, également ingénieur électrique retraité, abonde dans le même sens. Pour lui, il est clair que les nouveaux compteurs calculent la consommation d’énergie différemment des précédents.
Le problème ne serait d’ailleurs pas propre au Québec. L’arrivée des compteurs intelligents s’est aussi ressentie dans la facturation dans plusieurs États américains. Plus de 35 % des Américains chez qui un nouveau compteur a été installé ont vu leur facture d’électricité augmenter d’au moins 10 %, selon un sondage mené en 2011 par la firme Survey DNA.
Le problème a aussi été rapporté en Colombie-Britannique et en Ontario. Si bien que la vérificatrice générale de l’Ontario a lancé une enquête à ce sujet.
Numériques
M. Arella explique que les compteurs intelligents font une mesure numérique de la consommation d’électricité, alors que les anciens effectuaient une mesure analogique.
Or, «quand on convertit de l’analogique au numérique, il y a toujours des erreurs ou du moins des différences», souligne l’ingénieur. Il explique que l’engin doit faire une estimation qui peut être conçue pour favoriser la compagnie ou le client.
«L’approximation numérique est probablement minime et indétectable dans le cas d’une seule mesure ou dans un très bref délai de temps», indique M. Arella. Toutefois, multipliée par le nombre de mesures que le compteur effectue, une approximation même minime peut s’avérer coûteuse à la fin du mois, poursuit-il.
Ultrasensibles
M. Robert ajoute que les nouveaux appareils «peuvent faire une lecture plus fine de la consommation» que les anciens. «Ils sont très sensibles aux variations subites et rapides, même très faibles, ce qui n’était pas le cas des compteurs électromécaniques», explique-t-il.
«Lors des audiences de la Régie de l’énergie, on avait complètement ignoré les risques au niveau du calcul de consommation, indique M. Robert qui a lui-même témoigné devant la Régie, comme M. Arella. Il y a urgence de faire une démonstration claire qu’il y a une différence, car ça va être un problème pour tout le monde.»
Hydro-Québec se défend de surfacturer
Hydro-Québec assure que «le remplacement du compteur d’un client n’a aucun lien avec les variations sur sa facture».
Elle attribue l’augmentation de la facture à l’hiver particulièrement froid et aux changements dans les habitudes de consommation. Les clients ont beau contester cette analyse, rien n’y fait, se désole Marie-Michelle Poisson, du regroupement Refusons les compteurs.
«Hydro a un historique de consommation de chaque client. Elle voit bien qu’il y a quelque chose qui cloche, mais elle n’accorde pas le bénéfice du doute à ses clients», déplore-t-elle.
Mme Poisson souligne qu’une facture d’électricité qui augmente et la perspective de se voir débrancher du service engendrent «une réelle détresse» chez les gens à faible revenu.
Défaillance
Elle souligne que les compteurs intelligents ont été homologués par Industrie Canada après avoir été testés en laboratoire, dans un milieu contrôlé.
Or, dans la réalité, ces appareils sont confrontés à des températures extrêmes qui, craint-elle, pourraient nuire à leur bon fonctionnement.
L’ingénieur électrique Pietro Arella explique que les nouveaux compteurs sont composés d’un grand nombre de composants électroniques et de circuits microprogrammés fragiles. À l’inverse, les anciens compteurs étaient des engins simples faits de bobines et de fils.
La probabilité de défaillance étant multipliée par le nombre de composants, les compteurs numériques sont plus susceptibles d’être défaillants, selon l’ingénieur.
Mais Hydro-Québec balaie cette possibilité du revers de la main. «Les compteurs de nouvelle génération déployés chez nos clients sont fiables et sécuritaires et mesurent la consommation réelle des clients», insiste la compagnie.
Hydro-Québec a installé 2,5 millions de nouveaux compteurs. Si la cadence d’installation est maintenue, 3,8 millions de ces appareils seront en service d’ici la fin de 2016.