La gauche champagne
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L’affaire Christian Bégin m’a rappelé à quel point je déteste la gauche champagne, cette caste de privilégiés qui s’agitent sur toutes les tribunes à la défense des défavorisés, mais qui seraient mortifiés par la perspective de passer une soirée dans un logement délabré qui pue la cigarette avec une famille sur l’aide sociale.
Ces gens, souvent issus du showbiz ou du milieu universitaire, portent le cœur à gauche, mais le portefeuille à droite. Certains sont sincères, d’autres pas. Quelques-uns préfèrent mener leur combat pour la justice sociale dans l’ombre, conscients d’incarner une contradiction.
La gauche champagne existe aussi en version syndicale. Elle porte alors le nom de gauche crevettes et se déplace en bateau.
Les Français, eux, parlent de gauche caviar.
Un bel exemple
Je ne connais de Christian Bégin que ce qu’il montre à son émission culinaire Curieux Bégin, c’est-à-dire le train de vie d’un grand bourgeois qui boit des vins à 40 $, des scotches si rares qu’ils ne sont disponibles que dans une trentaine de SAQ au Québec, qui cuisine des suprêmes de pintade, du tartare de cœur de cerf et des ployes (?) au saumon fumé. Et qui n’achète que des fromages d’ici à 45 $ le kilo.
Ainsi présenté, c’est un parfait spécimen de cette gauche bien-pensante qui promène sa juste colère de plateau en plateau, tout en crachant sur la richesse des autres. Mais jamais sur la sienne.
«Ce n’est pas grave d’être riche quand on est conscientisés», m’a déjà dit une membre très à gauche du 1 % québécois.
Selon moi, il est de bon ton de ne pas dénoncer l’élite dont on fait partie. Ou de fustiger les paradis fiscaux quand on a une fiducie familiale.
Pas de mélange
La gauche caviar et la classe ouvrière ne se croisent que lorsqu’elles y sont forcées. Vous ne verrez jamais un membre de l’espèce commander un macaroni chinois dans un de ces restos qui annoncent «Cuisine continentale et canadienne, licence complète» dans la vitrine.
Quand Gilles Latulippe est mort, ils ont rendu hommage au grand comique qu’il était, mais ils n’ont jamais mis les pieds au Théâtre des Variétés.
C’est sans doute à eux que pensait René Lévesque quand il a dit: «Je me méfie des gens qui affirment aimer le peuple, mais qui détestent ce que le peuple aime.»
Entre eux, ces gens-là aiment se bidonner aux dépens des gens peu instruits, des mal-léchés, des kétaines qui couvrent le plancher de leur cuisine avec du prélart plutôt que de l’ardoise.
«Ça fait tellement ti-peup.»
Ils aimeraient mieux être raides morts que d’avoir une piscine hors terre dans la cour, des armoires en mélamine, de conduire une Pontiac ou d’être vus au Carrefour Laval.
Je me suis frottée à eux pendant des années. Je sais de qui ils se paient la tête et de quelle méchanceté ils sont capables. Je sais aussi qu’ils lèvent le nez sur le Journal que vous lisez.
Et que si vous avez voté libéral ou CAQ le 7 avril dernier, à leurs yeux, vous méritez à peine de respirer.