Pas le bienvenu au village
Un ex-employé est accusé d’avoir mis le feu à la meunerie qui l’avait congédié
Coup d'oeil sur cet article
ANGE-GARDIEN | Un ex-employé accusé d’avoir mis le feu à une meunerie lundi n’est vraiment plus le bienvenu dans le petit village de la Montérégie.
Le copropriétaire de la Meunerie Côté-Paquette, Bernard Paquette, affirme que l’accusé, Sébastien Champigny, 28 ans, avait été congédié il y a quelques mois parce qu’il dormait pendant les heures de travail.
«S’il était devant moi, je lui mettrais mon pied au derrière et peut-être même plus», affirme M. Paquette.
Quand les policiers lui ont demandé s’il avait des ennemis, il n’y a pas pensé tout de suite, mais en y réfléchissant davantage, il s’est rendu compte que c’est le seul de ses employés qu’il a dû remercier.
Son père au chômage
«C’est stupide, parce qu’en mettant présumément le feu, il vient d’envoyer son père au chômage.»
Le père de Sébastien Champigny travaillait à la meunerie depuis plus de 20 ans et était considéré comme un bon employé. «Je n’ai pas de commentaires à faire, on est assez dans le trouble de même», a lancé le père de l’accusé.
Champigny travaillait comme opérateur de nuit. Dans le jargon du métier, on dit qu’il «cubait la moulée». Il s’agit d’un traitement thermique qui consiste à prendre les particules de farine et d’autres éléments nutritifs et à les compacter en cubes.
Bernard Paquette n’en est pas à son premier coup dur. Il y a deux ans, une de ses porcheries de Saint-Valérien-de-Milton avait aussi été ravagée par les flammes, et il avait alors perdu 1000 truies.
Les policiers auraient été mis sur la piste de Champigny après avoir trouvé du matériel volé à la meunerie dans sa voiture.
Sébastien Champigny a comparu hier après-midi au palais de justice de Saint-Hyacinthe. Il fait face à huit chefs d’accusation. Deux d’entre eux concernent la possession de stupéfiants.
Il est aussi accusé d’avoir causé des dommages par le feu à un bâtiment commercial, d’avoir possédé des matières incendiaires et d’avoir possédé du matériel (cutter) permettant d’entrer par effraction quelque part. On lui reproche aussi d’avoir eu en sa possession des biens volés, en l’occurrence de l’équipement informatique et de la moulée.
«Un bidon d’essence avait été trouvé sur la route 235 par un pompier qui s’en venait éteindre le feu, explique Étienne Chassé, enquêteur en incendies à la MRC de Rouville. Il a ensuite été remis aux policiers pour expertise.»
Pour ne pas nuire à l’enquête, la Sûreté du Québec refuse de dire comment elle a pu relier le bidon d’essence à Sébastien Champigny. Sa porte-parole, Ingrid Asselin, signale que le jeune homme de 28 ans a été appréhendé non loin de chez lui, à Saint-Pie, vers 19 h lundi soir. Les policiers ont perquisitionné sa voiture et sa résidence. Il serait le seul suspect dans cette affaire.
Des pertes de 20 M$
- Les bâtiments de la Meunerie Côté-Paquette, estimés à 20 millions $, sont une perte totale. Il faudra un ou deux ans avant de les reconstruire.
- La municipalité d’Ange-Gardien compte environ 2500 habitants.
- Chaque semaine, la meunerie produisait de 2500 à 3000 tonnes de moulée pour les porcs.
- Le Groupe Paquette possède plus de 200 000 porcs répartis dans plusieurs fermes de la Montérégie
- La meunerie alimentait de 300 000 à 400 000 porcs, chaque semaine.
- Entre 10 et 15 employés ont perdu leur emploi.
Il faudra importer de la nourriture pour les porcs
La Meunerie Côté-Paquette produisait assez de nourriture pour combler les besoins alimentaires de 400 000 porcs.
Afin que ses animaux ne manquent pas de nourriture, la famille Paquette ira chercher sa moulée jusqu’en Beauce.
«On n’aura pas le choix de sortir de la région pour s’approvisionner, parce que les meuneries de la Montérégie ne pourront pas fournir les volumes de moulée dont nous avons besoin», explique Réal Théroux, employé de la Meunerie Côté-Paquette.
Si certaines meuneries de Farnham et d’Ange-Gardien leur en fourniront un peu, l’entreprise ira chercher en Beauce les quantités nécessaires à l’alimentation de ses bêtes.
«Habituellement, on a une quinzaine de camions sur la route, mais là, on va probablement devoir faire appel à d’autres camionneurs», estime M. Théroux.
«On a d’abord comblé les besoins de nos clients et maintenant on s’organise pour être en mesure de subvenir aux nôtres», explique Caroline Paquette.
Réorganisation
Hier, la fille du copropriétaire de la meunerie incendiée s’affairait à réorganiser les bureaux d’Ange-Gardien. «On veut réintégrer le plus d’employés possible dans l’entreprise.» Sur les 18 qui travaillaient à la meunerie, elle rappelle qu’une quinzaine ont perdu leur emploi.
«Je me serais bien passée de tout cela, mais j’ai l’impression que les gens sont solidaires avec nous dans cette épreuve», a-t-elle dit.
La meunerie a reçu des centaines de messages d’aide et de réconfort provenant des quatre coins de la province.
Selon le maire d’Ange-Gardien, Yvan Pinsonneault, les propriétaires de la meunerie travailleraient déjà à un plan de relance à court terme.
La municipalité, qui souhaite que les installations soient reconstruites sur son territoire, leur a assuré sa pleine collaboration.
Incompréhension, tristesse et colère
Les habitants du village d’Ange-Gardien en Montérégie ne sont pas près de pardonner à Sébastien Champigny, qui est accusé d’avoir mis le feu à la Meunerie Côté-Paquette, un important employeur.
Le maire de la municipalité, Yvan Pinsonneault, ne connaissait pas l’ex-employé arrêté, mais savait qu’il s’agissait d’un résident de Saint-Pie.
«Dans les villages, les nouvelles ont tendance à voyager assez rapidement. Ce jeune homme ne sera peut-être même plus le bienvenu dans sa propre municipalité.» Il parle d’un geste irréfléchi qui sera lourd de conséquences.
Trahison
La fille du copropriétaire de la meunerie, Caroline Paquette, considère qu’il s’agit d’une trahison.
«Quand j’ai appris que c’est un de nos anciens employés qui est accusé d’avoir mis le feu, je suis passée par toute une gamme d’émotions, confie-t-elle. Il y a de l’incompréhension, de la tristesse et de la colère.»
«C’est quelqu’un qu’on a laissé entrer chez nous et à qui on faisait confiance.»
Elle dit qu’il est décevant de penser qu’une personne qu’on a côtoyée pendant plusieurs années ait pu faire cela.
Sébastien Champigny est décrit par ses anciens collègues de travail comme un jeune homme réservé.
Même s’il a travaillé pendant quatre ou cinq ans à la Meunerie, il était relativement peu connu de ses anciens collègues.
Directeur des maternités dans les fermes appartenant à la famille Paquette, Sébastien Turner l’avait rencontré à quelques reprises. «C’est un gars qu’on ne voyait pas souvent, parce qu’il travaillait de nuit et que nos horaires ne coïncidaient pas.»
«Il ne parlait pas beaucoup, mais jamais je n’aurais pensé qu’il pouvait commettre un tel geste.»
Selon les personnes rencontrées sur le site de l’incendie, Sébastien Champigny se serait rendu une première fois à la meunerie pour y commettre un vol. Lundi, il y serait retourné pour camoufler les traces par le feu. Certains croient qu’il a même dû être surpris par l’ampleur du brasier.
Peu connu
Sur la dizaine de personnes rencontrées à Saint-Pie, aucune ne semblait connaître Sébastien Champigny, pourtant originaire de l’endroit.
Une jeune femme qui n’a pas voulu s’identifier a raconté qu’on ne le voyait jamais nulle part. «Il ne sort à peu près jamais de chez lui et il habite encore chez ses parents, même s’il doit avoir près de 30 ans.»