La morale et la peur
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Après la crise de 2008, notre gouvernement s’est lancé dans la construction de ponts et de route, entre autres vers le nord pour aller exploiter des mines. On aurait pu profiter de ces investissements pour instaurer des transports en commun intelligemment conçus et fonctionnels pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais non, ça ne pressait pas. Finalement, la stratégie gouvernementale n’a rien relancé, l’économie est restée morose.
En 2010, le gouvernement a changé de cap et a mis la priorité sur l’équilibre budgétaire. Augmentation de taxes et de tarifs, réduction de la croissance des dépenses de l’État... Les revenus n’ont pas été au rendez-vous. L’économie a continué de stagner et l’atteinte de l’équilibre a été retardée. On a quand même gardé le cap: réduire au plus vite la taille du déficit et de la dette. Le gouvernement a bien sûr omis de nous dire que le Québec a un des déficits les plus bas des économies «développées» et que sa dette était sous la moyenne des pays de l’OCDE.
Générations futures
Nous courons vers une catastrophe écologique en continuant d’émettre plus de carbone que nous devrions, mais l’important, c’est la dette qu’il ne faut pas léguer à nos enfants. Bien sûr, alors qu’elles géreront la montée du niveau de la mer et les réfugiés climatiques, les générations futures se diront: «Au lieu d’avoir moins pollué, le Québec n’a pas fait de déficit en 2015-2016, merci sages prédécesseurs! Vous avez acheté plus de VUS cette année-là parce que le prix de l’essence avait baissé, les inégalités sociales ont continué de se creuser, mais au moins vous n’avez pas ajouté 0,5 % à votre dette publique!» Contribuables, félicitez-vous des statues qu’un futur épanoui dressera en votre nom.
cadeaux fiscaux
Comprenez-moi, je n’ai rien, en soi, contre l’équilibre budgétaire. Mais depuis 10 ans, la question n’est pas d’évaluer avec intelligence la situation budgétaire du Québec: il est question de morale et de peur. On se fonde sur quelque chose de profondément ancré en nous: devoir de l’argent, c’est mal. C’est la peur aussi de voir débarquer on ne sait quel riche étranger venu réclamer son dû et saisir LG-2. On oublie qu’on doit 85 % de nos dettes à des Québécois ou des Canadiens, que les intérêts que l’on verse vont faire grossir, entre autres, nos fonds de retraite. Quand on prend un moment de recul, on constate que la dette du Québec est sous contrôle – même l’agence de notation Moody’s le reconnaît – et que les intérêts sur la dette représentent une part stable de nos dépenses.
Nous avons procédé à de multiples cadeaux fiscaux depuis des années. Si l’équilibre budgétaire tient tant à cœur à notre gouvernement, pourquoi ne pas les revoir? Les 110 milliards qui dorment dans des coffres d’entreprises, pourquoi ne pas les taxer? Enfin, si on veut vraiment parler de ce qui vient pour le futur, pourquoi continuer de nous fermer les yeux sur notre laxisme environnemental?