Les futurs profs en arrachent en français
Plus de cinq ans après son entrée en vigueur, l’examen obligatoire de français continue de donner du fil à retordre aux futurs profs. Dans certaines universités, plus de la moitié d’entre eux échoue au test lors d’une première tentative.
Selon les chiffres obtenus par Le Journal, 40 % des étudiants de l’Université du Québec à Chicoutimi ont réussi l’examen du premier coup en avril dernier. À l’Université du Québec à Trois-Rivières, cette proportion s’élève à 45 % en 2014, alors qu’elle est de 47 % à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
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Les résultats se sont toutefois améliorés depuis quelques années, tient à souligner Jean Brousseau, doyen des études de premier cycle à l’UQAR. Au début, seulement 40 % réussissaient le test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE) lors de leur premier essai.
«Mais ça démontre que plusieurs étudiants ne sont toujours pas prêts à la première passation», ajoute-t-il, même si des mesures d’aide supplémentaires ont été mises en place au cours des dernières années.
À l’UQAR, comme dans plusieurs autres universités, les futurs profs doivent maintenant passer un test diagnostique dès leur arrivée. Plusieurs devront par la suite suivre des cours d’appoint, avant même de passer le TECFÉE pour la première fois.
À l’Université de Montréal, les résultats sont légèrement plus élevés. Selon les derniers chiffres transmis, qui remontent en mai, 65 % des étudiants ont réussi l’examen du premier coup. «C’est assez stable», affirme Pascale Lefrançois, professeure au Département de didactique de l’Université de Montréal.
Jusqu’à 10 reprises
La réussite de cet examen est obligatoire pour l’obtention du brevet d’enseignement. Les règles ont toutefois été assouplies au fil des ans, si bien que les futurs profs ont maintenant droit à un nombre illimité de reprises. Les taux de réussite augmentent avec le nombre de passations. À l’Université de Montréal, 98 % des étudiants satisfont aux exigences après quatre tentatives.
Un étudiant a toutefois tenté sa chance sept fois, alors qu’à Chicoutimi, un futur prof a même passé l’examen à 10 reprises, toujours sans succès.
Même s’il s’agit de cas isolés, Mme Lefrançois remet en question ce nombre de reprises illimité.
«Quand on réussit après une huitième passation, est-ce qu’on est compétent en français ou on est compétent en TECFÉE? C’est ça, la question. C’est bien beau de réussir le test, mais l’objectif ultime, c’est qu’ils soient capables de s’exprimer correctement à l’écrit», dit-elle.
«Bien mieux que rien»
Même si Mme Lefrançois affirme que la formule du TECFÉE n’est pas parfaite, elle considère tout de même que «c’est bien mieux que rien». «Les étudiants qui font un effort pour s’y préparer auront peut-être compris que c’est important, le français.»
Même son de cloche de la part de Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, qui croit à la pertinence de cet examen. «Le TECFÉE a vraiment suscité une mobilisation de tous les acteurs, y compris des étudiants. Oui, on pourrait espérer une maîtrise du français supérieure, mais la maîtrise du français, de manière générale, est préoccupante», rappelle-t-elle.
Un gros stress pour les étudiants
Élise Huot, étudiante à l’Université de Montréal, est catégorique. «Il y a beaucoup de gens qui ne passent pas l’examen du premier coup parce qu’ils ne se préparent pas. Oui, ça peut paraître stressant, mais il y a beaucoup de ressources à l’université pour s’améliorer», lance-t-elle.
Si cette future prof de sciences et technologie au secondaire a réussi l’examen de français du premier coup, ce n’est pas nécessairement parce qu’elle est douée en français, affirme-t-elle. «Le français, ce n’est pas ma tasse de thé. Mais j’ai travaillé fort, je me suis préparée et j’ai réussi.»
Un autre étudiant en enseignement de l’éducation physique à l’Université Laval a aussi travaillé fort avant de réussir l’examen, après trois essais. Il reconnaît aujourd’hui que l’examen lui a permis d’améliorer son français, même si le test lui a donné des sueurs froides. «C’est un gros stress. Quand tu réussis le TECFÉE, c’est le plus beau jour de ta vie», lance le jeune homme, qui refuse d’être identifié.
Avec le recul, il pense aujourd’hui que «le test est nécessaire, mais jusqu’à un certain point». «Comme enseignant, je comprends qu’il faut montrer l’exemple, mais l’examen est un peu mal conçu», surtout pour des étudiants comme lui, en éducation physique, affirme-t-il.
D’autres étudiants ont aussi souligné – et parfois déploré – qu’il existe toujours des pages Facebook où les réponses circulent, puisqu’il existe plusieurs versions de l’examen.
Tricherie ou entraide? «C’est dur à dire. Oui, ça peut être considéré comme de la tricherie, mais c’est une pratique courante», lance Élise Huot.
Futurs profs: des textes truffés d’erreurs
Pierre Paradis, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski, a fait de la maîtrise du français un véritable cheval de bataille. Depuis 10 ans, il recense les fautes de français dans les travaux de ses étudiants.
«Ça arrive trop souvent que je me dis que ça n’a pas de maudit bon sens, avoir autant de fautes dans un paragraphe, lance-t-il. Il y a vraiment de grosses lacunes au primaire et au secondaire.»
Après avoir recensé plus de 15 000 fautes dans les travaux de ses étudiants, M. Paradis et son équipe travaillent maintenant à la création d’un outil diagnostique qui permettra à ses étudiants d’identifier rapidement leurs lacunes, afin de les corriger efficacement.
Voici quelques exemples de fautes relevées dans les travaux des étudiants:
C’est période demande une présence plus soutenue [...] afin de suscité plusieurs sens de l’étudiant ce qui favorisera la compréhension.
Lors de l’enseignement de sa leçons, l’enseignant devra utilisé différentes méthode d’enseignement comme les aides didactiques ainsi que d’autre moyen afin de mieux passé la matière [...].
L’apprenant se rappellera donc de situation précédant ainsi que de ces résultats et pourras faire le lien avec les nouveaux éléments qui lui seront apportés.
Les erreurs les plus fréquentes sont:
- Les accords avec le verbe ou le nom (73 %)
- Les fautes d’orthographe (16 %)
- Les homophones (11 %)