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Les ambiguïtés de Raymond Gravel

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Six mois après son décès, l’abbé Raymond Gravel fait déjà l’objet de deux livres. Avec Raymond Gravel — entre le doute et l’espoir, le journaliste chevronné Claude Gravel écrit la première biographie du prêtre le plus médiatisé du Québec moderne.

Plus subjectif, Raymond Gravel – le dernier combat relate les entretiens du jeune journaliste Carl Marchand avec l’ancien député du Bloc québécois durant les mois de sa maladie.

Drogue et prostitution

Le fait que ces deux livres complémentaires aient été autorisés — presque commandés — par Raymond Gravel, n’enlève rien au fait qu’ils sont exceptionnellement intéressants.

Attachant et aimé, mais également porteur de nombreuses faiblesses et ambiguïtés

En effet, la sympathie des deux auteurs pour leur sujet ne leur enlève pas leur professionnalisme, donnant de la crédibilité aux zones d’ombres qu’ils font ressortir sur un homme attachant et aimé, mais également porteur de nombreuses faiblesses et ambiguïtés.

Il y en a pour qui ce prêtre contestataire, défendant les exclus et les blessés de la vie, est un héros, presque un saint. Selon son ami Alexandre Martel, il constituerait «le chaînon manquant entre le Québec laïque et progressiste d’aujourd’hui et notre héritage catholique».

D’autres au contraire, agacés par un personnage qu’ils trouvaient manipulateur, ne croyaient pas vraiment en la sincérité de cet obsédé des médias. Les deux livres ne font d’ailleurs pas mystère de la liberté que l’abbé Gravel a prise avec la vérité relativement à certains épisodes de son passé.

Sa plongée dans la drogue et la prostitution est décrite de façon saisissante par un Claude Gravel révélant que le dérapage est intervenu alors que le futur prêtre était un jeune adulte disposant des revenus d’un emploi pour vivre. Et non pas à seize ans, après avoir fugué de la maison paternelle, comme il le prétendait.

Fin admirable

De même, l’évidente sympathie de Carl Marchand pour son sujet ne l’empêche pas de s’interroger longuement sur la relation que Gravel entretint dans ses dernières années avec un jeune Turc, dont on peut facilement croire qu’il était son amant.

L’immense besoin d’être aimé de l’abbé Gravel ne l’a pas empêché de s’opposer à la cause éminemment populaire des 18 millions $ versés aux victimes d’agressions sexuelles par les Frères de Sainte-Croix. Opposition vraisemblablement attribuable au fait qu’adolescent, il avait lui-même soutiré de l’argent d’un Frère coupable d’attouchements sexuels sur lui.

Il en scandalisera également plusieurs dans l’affaire Guy Turcotte, en manifestant davantage de sympathie pour le meurtrier que pour les enfants et leur mère: courage selon certains, que d’autres attribueront méchamment au charme de Turcotte auquel Gravel aurait été sensible.

L’abbé Gravel a vécu une vie de personnage de roman. Quant à moi, je m’incline devant le fait qu’il a passé haut la main le plus grand test auquel un être humain peut être confronté. Kid Kodack jusqu’à son dernier souffle, il a affronté la mort de façon admirable, ne renonçant jamais à l’espérance au cœur de sa foi.

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