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Jouer dans la NFL... en attendant

Laurent Duvernay-Tardif mise beaucoup sur ses études de médecine

<b>Laurent Duvernay-Tardif</b>
Laurent Duvernay-Tardif Photo Le Journal de Montréal, Pierre-Paul Poulin


«Il ne faut pas lâcher le football pour les études, mais il ne faut pas lâcher les études pour le football. C’est possible de faire les deux.» C’est ce message que Laurent Duvernay-Tardif veut transmettre aux jeunes foot­balleurs qui aspirent à suivre ses traces, alors qu’il a passé la dernière saison dans la NFL, avec les Chiefs de Kansas City.

Il n’est déjà pas évident d’étudier en médecine. Imaginez si, en plus, vous évoluez dans la ligue professionnelle la plus exigeante de votre sport, la NFL. C’est le cas du Québécois Duvernay-Tardif, âgé de 23 ans.

Lorsqu’on discute avec le joueur de ligne offensive, on réalise que la NFL n’est pas son plan A. L’important, c’est ce qu’il pourra faire une fois qu’il aura quitté le terrain pour de bon. Et c’est ce qu’il veut faire comprendre aux jeunes sportifs. Il a d’ailleurs commencé à donner des conférences à ce sujet, comme il l’a fait en début de semaine à l’École de football Bruno-Heppell.

«Je veux leur dire qu’ils ne sont pas obligés de faire des choix. Du moins, ils doivent faire les bons et garder en tête que les études, c’est terriblement important. Je veux faire réaliser aux jeunes que peu importe ce qu’ils vont décider de faire avec leur carrière de football, elle ne durera pas longtemps, a-t-il confié lors d’une entrevue au Journal.

«Avoir un plan B, c’est extrêmement important. Les gens ne réalisent souvent pas que c’est une chance que le football soit à peu près le seul sport qui t’oblige à passer par la réussite universitaire. Certains vont voir ça comme une nuisance pour leur jeu. Pourtant, avoir l’occasion d’étudier gratuitement, c’est une chance inouïe. Il faut en profiter», a-t-il ajouté.

La médecine, la vraie carrière

C'est pourquoi, en ce qui concerne sa carrière, il ne pense pas à long terme. Il préfère la réévaluer chaque année, parce que même s’il a un contrat de quatre ans avec les Chiefs, il devra à nouveau faire ses preuves lors du prochain camp d’entraînement.

D’ici là, il poursuit ses stages en psychiatrie pendant quelques jours encore et bientôt en obstétrique-­gynécologie. Être médecin, c’est en fait son véritable but.

«Je ne me suis pas dit à 16 ans que j’allais faire la NFL. J’ai toujours divisé ma carrière en petits objectifs et je continue de le faire. Je ne sais pas combien de temps je vais jouer, car il y a aussi un aspect important qui est celui de rester en santé», a précisé l’étudiant.

L’argent, pas une priorité

Les jeunes qui ont assisté à sa conférence étaient très intrigués par tout l’aspect financier d’une carrière professionnelle. Mais pour Duvernay-Tardif, dont le contrat est de quatre ans et 2,3453 millions $ et qui a touché 445 075 $ en 2014, tout cela est bien secondaire.

Il n’aime visiblement pas parler des gros salaires de la NFL, car il est conscient que tout cela est éphémère.

«Oui, tu peux faire énormément d’argent en une année dans la NFL, mais une fois que tu as tout payé, les impôts, les taxes, le visa, tes agents et tout, il en reste moins. Mais c’est surtout que tu dois vivre avec cet argent après ta carrière, qui, elle, ne dure pas longtemps. Il ne faut pas faire les fous avec l’argent», a-t-il sagement souligné.

Si le premier achat d’un jeune athlète qui signe un premier contrat professionnel est généralement une belle voiture, Duvernay-Tardif est l’exception à la règle.

«Je conduis encore ma vieille Olds­mobile qui a un câble jaune pour tenir le coffre à l’arrière! Je ne suis pas “gratteux”, mais avoir une belle voiture n’est pas important pour moi. Ce n’est pas ça, être riche ou accompli dans la vie. Si plus tard tes enfants veulent aller étudier dans une institution prestigieuse, mais que, finalement, tu ne peux pas leur offrir ça parce que tu n’as pas mis d’argent de côté... mais que tu t’es payé une Audi quand tu étais jeune, ça ne vaut pas la peine.»

Il préfère investir dans des choses beaucoup plus rentables, comme l’amitié, les études ou des trucs qui ne perdront pas de valeur avec le temps.

 

Charmé par Kansas City

Avant de savoir où il aboutirait dans la NFL, Laurent Duvernay-Tardif a rêvé aux grandes villes, comme New York. Mais après avoir goûté à l’ambiance qui règne dans une petite ville de sport, il est bien heureux de s’être retrouvé à Kansas City.

«Kansas City, c’est vraiment cool. Contrairement aux stades dans les grandes villes où les gens qui vont voir le match sont souvent des hommes d’affaires en cravate, dans une petite ville, presque la moitié des habitants est au stade les jours de match, a raconté le footballeur.

«L’ambiance n’est pas la même. Les gens qui sont là sont des fans, des couples qui ont des billets de saison depuis 15 ans, qui te reconnaissent dans la rue. Ça amène une dynamique différente.»

Il a également eu la chance de vivre la frénésie de la Série mondiale au baseball, alors que les Royals ont atteint la grande finale.

«C’était une belle activité à faire avec les gars», a-t-il dit, ajoutant qu’il avait été impressionné par l’esprit d’équipe chez les Chiefs.

Près de Darche

Par ailleurs, Duvernay-Tardif côtoie également l’ancien des Seahawks de Seattle et des Chiefs, Jean-Philippe Darche, surtout que le parcours des deux hommes se ressemble. Deux anciens du Collège André-Grasset qui ont atteint la NFL tout en étudiant en médecine. Duvernay-Tardif lui voue beaucoup d’admiration.

«C’est un gars vraiment terre à terre qui a accompli de grandes choses. Il a été obligé d’arrêter sa médecine quand il a commencé dans la NFL et il a terminé ses études par la suite tout en étant père de trois enfants. Il a toujours foncé malgré des incertitudes et je trouve ça bien», a dit l’ancien des Redmen de l’Université McGill.

 


Apprentissage et adaptation

<b>Laurent Duvernay-Tardif</b>
Laurent Duvernay-Tardif Photo courtoisie

Lorsque les recruteurs ont rencontré Laurent Duvernay-Tardif avant le repêchage, ils lui ont dit que s’ils le choisissaient, il serait «un projet de développe­ment». Ils ont tenu parole, mais après une première saison complète à se développer sans vraiment jouer, le Québécois a hâte de disputer son premier match régulier.

Une saison de 16 matchs dans la NFL, c’est long. Mais passer ces 16 semaines à se préparer, à étudier les jeux et les adversaires, à regarder des vidéos et à s’entraîner pour finalement regarder chacun de ces matchs depuis les lignes de côté sans fouler le terrain, ce n’est pas toujours évident.

«Je savais, 1 h 30 avant le match, si je jouais ou non. Il m’est arrivé plusieurs fois d’appeler mon agent en disant: “Cette semaine, je suis habillé”, car il y avait des blessés, mais tu ne sais jamais. Une fois, mon chandail était accroché sur mes épaulettes dans le vestiaire, contre les Broncos, ce qui voulait dire que j’étais en uniforme. Mais une heure avant le match, j’ai appris que je ne jouerais pas. Chaque semaine, tu es sur le qui-vive», a-t-il raconté.

Il admet qu’il est parfois difficile d’avoir toute cette rigueur dans la préparation sachant qu’il ne jouera probablement pas, mais il a bien assimilé les conseils des vétérans.

«On m’a dit de ne rien prendre à la légère, même si je ne jouais pas, parce que quand j’allais jouer, je serais prêt», a dit le colosse de 6 pi 5 po et 315 lb.

Selon lui, sa rigueur en médecine l’a aidé à se concentrer sur tous les petits détails qu’il pouvait améliorer.

Le jour et la nuit

Pour apprendre, il a appris. Fraîchement sorti des rangs universitaires canadiens, il a rapidement dû se faire aux règle­ments du football américain.

«C’était vraiment le jour et la nuit. Dans le fond, tu apprends à jouer au football quand tu arrives dans la NFL. Mon année dans la NFL a été beaucoup d’adaptation, d’apprentissage.»

Duvernay-Tardif savait en venant au Missouri que ses forces étaient son côté athlétique, mais aussi son intelligence.

«J’ai essayé d’apprendre le plus vite possible. Je pense que les entraîneurs ont quand même été contents de moi», a-t-il précisé.

Il estime que d’être laissé de côté durant la saison faisait partie du plan de match des Chiefs, mais que l’an prochain – s’il perce à nouveau la formation –, il sera mis à l’épreuve.

Et il a hâte que ce jour arrive.

 

Une (presque) double vie

On peut dire qu’il y a deux Laurent Duvernay-Tardif. Le premier porte le numéro 76 avec les Chiefs de Kansas City et l’autre déambule dans les corridors des hôpitaux, où on l’appellera bientôt «docteur».

S’il pensait que tout serait pareil à son retour à l’hôpital après avoir vécu au rythme de la NFL, le Québécois de 23 ans a vite été rattrapé par la réalité. «Tout avait changé», a-t-il admis.

Le fait qu’il ait joué au football professionnel a complètement modifié sa relation avec les patients. Si certains le reconnaissaient et pouvaient être impressionnés, d’autres étaient plus réticents.

«Quelqu’un peut se dire que tu t’es sûrement fait frapper et que tu as eu des commotions», a constaté l’étudiant.

Deux personnalités

Au cours de la dernière année, Duvernay-Tardif a pu s’investir dans ses deux passions, une à la fois, pour la première fois.

«Ce qui m’a le plus frappé, c’est que ça me permet de découvrir que ce sont deux personnalités quand même assez différentes, même si les deux ont les mêmes valeurs. Je reste la même personne, il faut juste s’adapter au contexte. En médecine, les gens sont très éduqués et pointilleux sur les détails, et au football, c’est plus direct, tes émotions sont moins valorisées», a-t-il noté.

Il s’est d’ailleurs fait dire de s’affirmer davantage quand on lui posait des questions dans la NFL, alors qu’en médecine il a l’habitude de répondre... avec une autre question.

Malgré tout, il croit que ces deux facettes de sa vie se complètent l’une l’autre, surtout avec le travail d’équipe.

 

 







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