Le juge Déziel admet avoir participé à du financement illégal
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Le juge de la Cour supérieure du Québec Michel Déziel a reconnu avoir transmis, alors qu'il était avocat, une contribution illégale d'environ 30 000 $ provenant d'une firme de génie-conseil à un parti politique de Blainville.
Le Conseil canadien de la magistrature a ouvert ce matin les audiences publiques d'une enquête sur la conduite du juge Michel Déziel, découlant d'allégations relatives à du financement illégal survenu au cours de la campagne électorale de l'ancien maire de Blainville, Pierre Gingras, en 1997.
Au printemps 2013, l'ex-organisateur politique Gilles Cloutier avait déclaré à la barre de la commission Charbonneau avoir «blanchi», à la demande du juge Déziel - avocat à l'époque - une somme de 30 000 $. Selon M. Cloutier, dont la crédibilité a été mise à mal à de nombreuses reprises depuis son témoignage, Michel Déziel lui aurait demandé d'échanger les 30 000 $ d'argent comptant provenant de la firme de génie-conseil Dessau, en chèques de 750 $.
Autrement dit, Gilles Cloutier devait trouver des prête-noms pour contourner la loi électorale qui limitait alors les contributions politiques à 750 $ par personne et interdisait les compagnies d'agir comme donatrices.
Révocation
Dans la foulée de ses allégations, le Conseil de la magistrature avait mandaté un comité pour enquêter sur les agissements du juge Déziel. «Certaines allégations relatives au financement d'une campagne électorale municipale, avant la nomination du juge Déziel à la magistrature, pourraient s'avérer suffisamment grave pour justifier la révocation de ce dernier» avait déclaré le Conseil au printemps 2014 par voie de communiqué.
À l'ouverture des audiences publiques ce matin à la Cour fédérale, le juge Ernest Drapeau, président du comité d'enquête, a résumé que Michel Déziel reconnaissait avoir remis la somme d'argent en question au Parti de l'action civique de Blainville. Il s'est également excusé d'avoir posé de tels gestes, a jouté M. Drapeau.
En effet, le juge Déziel lui-même, dans une lettre adressée au Conseil canadien de la magistrature en juin 2013, a admis avoir «accepté d'agir comme intermédiaire en transférant une somme variant de 30 000 à 40 000 $» reçue de Rosaire Sauriol (alors vice-président chez Dessau) à un certain M. Monette (qui s'occupait de la campagne du maire de Blainville).
Il a ajouté dans une seconde lettre également envoyée au Conseil en janvier 2014 que, d'après lui, le Parti de l’action civique de Blainville n'avait pas dévoilé avoir reçu cet argent de Dessau.
Le juge Déziel nie les allégations de Gilles Cloutier
Si le juge Déziel reconnaît avoir agi comme intermédiaire pour transmettre une contribution politique illégale à un parti politique, il réfute cependant formellement les allégations de Gilles Cloutier avançant qu'il lui aurait demandé d'échanger cette somme en chèques de 750 $ pour contourner la loi.
Le président du comité d'enquête a alors décidé d'instruire séparément les deux chefs d'allégations. Il a rappelé que le premier chef reposait uniquement sur le témoignage de M. Cloutier, que ce dernier était aussi un témoin important de la Couronne dans un procès criminel - qui se déroule actuellement à St-Jérôme - au cours duquel on a récemment appris qu'il avait été arrêté par la police pour 15 allégations de parjures, en septembre 2014.
Le comité d'enquête va donc d'abord étudier les faits admis par le juge Déziel et trancher s'il s'agissait d'un «manquement à l'honneur et à la dignité», a indiqué le président. Puis, il décidera ensuite «s'il est dans l'intérêt du public de poursuivre les débats sur l'allégation 1» découlant de la version de Gilles Cloutier.