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Confinée à l’hôpital en attendant une décision administrative

Deborah Kennard
Photo Camille Laurin-Desjardins À cause de dédales administratifs, Deborah Kennard, atteinte d’amyotrophie spinale, est présentement aux soins intensifs de l’Institut thoracique de Montréal, alors qu’elle pourrait réintégrer son logement adapté.

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Une Montréalaise lourdement handicapée craint de ne jamais pouvoir réintégrer le logement adapté qu’elle habite depuis 21 ans, en raison d’une formalité administrative liée à son respirateur artificiel. Confinée à son lit d’hôpital, elle se sent impuissante.

«J’en ai assez à vivre et à traverser avec ma maladie, je n’ai pas besoin de problèmes de bureaucratie superficiels comme ça», lance Deborah Kennard, qui estime qu’elle pourrait être de retour chez elle depuis plus de deux mois.

La dame de 60 ans, atteinte d’amyotrophie spinale depuis l’âge d’un an, ne peut que bouger la bouche, ses deux index et ses pouces. Mais cela ne l’a pas empêchée, jusqu’à maintenant, de mener une vie active. Elle est notamment présidente et fondatrice de l’organisme Vie autonome Montréal, qui vient en aide aux personnes en situation de handicap. C’est la première fois qu’elle se sent aussi impuissante, et ce ne sont pas ses muscles trop faibles qui en sont la cause.

Mme Kennard habite depuis 21 ans dans un logement social adapté à sa condition, où elle reçoit des soins par le Centre de réadaptation Lucie-Bruneau. Depuis une dizaine d’années, elle doit être branchée sur un respirateur artificiel durant la nuit, par le biais d’un masque.

Cet été, une infection au rein l’a envoyée à l’Hôpital général de Montréal. Comme elle était affaiblie, le médecin a recommandé que son respirateur artificiel soit dorénavant branché directement dans sa trachéotomie.

Délégation de tâches

C’est là que les choses se sont compliquées. Le Centre Lucie-Bruneau a statué que Mme Kennard ne pouvait plus revenir dans son logement, puisque cette tâche doit être effectuée par une infirmière devant être sur place au centre 24 heures sur 24. Or, seul un préposé est de garde la nuit.

«Ils n’ont pas les moyens de payer une infirmière de cette façon. Alors ils m’ont dit que je devais aller dans un CHSLD», constate Mme Kennard.

Pourtant, elle fait remarquer que les infirmières auxiliaires connaissent très bien sa situation, et s’occupent déjà de sa trachéotomie. Son nouvel état ne demande pas plus de soins, clame-t-elle. «C’est même trois fois moins long que de me mettre le masque!»

« Je pourrais être chez moi »

Coincée dans le dédale des formalités administratives, Mme Kennard a été transférée à l’Institut thoracique de Montréal, en attendant. «Je pourrais être chez moi! Qu’est-ce qui coûte le plus cher?», se demande-t-elle.

Faute de lits à l’hôpital, Mme Kennard devra faire des démarches pour aller en CHSLD, à contrecœur. Sa plus grande crainte: ne plus pouvoir faire son travail. Très engagée, elle a souvent des réunions de son conseil d’administration autour de sa table de cuisine, explique-t-elle.

«Il faut que je puisse continuer à faire ça! Parce que sinon, le centre de ma vie devient mes soins. Et la vie, c’est plus que ça.»

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Brèves

Encore plusieurs mois d’attente

Le Centre Lucie-Bruneau s’est adressé à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) dans l’espoir de faire changer le règlement, afin de permettre à Mme Kennard de rentrer chez elle, mais cela pourrait prendre encore plusieurs mois.

«C’est une situation très complexe, souligne la porte-parole du centre, Marie-Claude Roussin. Nous sommes régis par la loi et par les ordres professionnels. Et nous ne sommes pas non plus un hôpital.»

La directrice-conseil de l’OIIQ, Caroline Roy, affirme que son ordre et celui des infirmières et infirmiers auxiliaires ont reçu la demande du centre et sont en train de l’analyser. «On regarde la possibilité de procéder à une modification réglementaire», dit-elle.

Ce processus pourrait s’éterniser, car l’Office des professions doit entériner la modification.

Pendant ce temps, Mme Kennard doit attendre dans son lit d’hôpital. Le président du Conseil des malades, Paul Brunet, choqué par cette situation, est certain qu’il existe une autre solution, en attendant.

« Des bêtes en cage»

«Est-ce qu’il y a moyen qu’elle retourne, temporairement, avec des soins adéquats, dans son logement? Je suis certain que oui. Le réseau doit s’adapter au patient, ça va coûter moins cher de la laisser chez elle.»

Il admet qu’il arrive qu’une personne ne puisse plus demeurer dans son logement adapté, selon sa situation. «Mais on ne fait pas ça du jour au lendemain, en cassant tout et en traitant les gens comme des bêtes dans une cage. On établit ensemble un plan d’adaptation et on voit comment les choses peuvent s’organiser dans son logement.»

 

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