Nouvelle architecture à Québec : moins Dubaï que Laval
Coup d'oeil sur cet article
Suite à une récente chronique, j'ai été invité à participer à l'émission Mise à jour Québec, diffusée sur les ondes de MAtv et animée par l'excellente Pénélope Garon. Le thème de cette édition : la signature architecturale de la Ville de Québec. On peut notamment y entendre Alexandre Laprise et Guillaume Drouin-Chartier, architectes et porte-parole du Regroupement des jeunes architectes du Québec pour une ville à l'échelle humaine.
Voici le billet que j'en ai tiré. L'émission peut être visionnée ici.
Dans l’appui enthousiaste offert par l’administration Labeaume au projet Le Phare du Groupe Dallaire, on reconnaît une préoccupation courante chez les politiciens. Ils aiment que leur passage laisse des traces sur la carte. Le pépin, c’est que d’autres sont déjà passés avant eux. Alors, il faut faire de la place.
On a vu ça quand le fédéral a voulu que le nouveau pont Champlain s’appelle Maurice Richard. D’une certaine manière, c’est ce que Gérard Deltell visait en changeant le nom de l’autoroute Henri IV pour « autoroute de la Bravoure ». (Ce ne fut finalement qu’un segment.) Les politiciens ont parfois ce réflexe, celle d’effacer « la vieille histoire », celle dont on se souvient moins, par une « nouvelle histoire », qui nous serait plus contemporaine et qui aurait donc pour nous plus de sens. Or, c’est justement à ça que sert la commémoration : à s’éduquer et se rappeler.
C’est la même manie qui pousse l’administration Labeaume à constamment chercher à réinventer Québec. Il faudrait nous trouver une nouvelle image de marque, une autre signature architecturale pour la ville. Quelque chose qui fait plus moderne et branché que le Château Frontenac. Il paraît que c’est ce qui va amener chez nous le « couple de la Polytechnique » tant convoité par Labeaume.
Une identité unique
Pourtant, Québec a déjà une signature architecturale qui va bien au-delà du vénérable hôtel. Elle s’inscrit dans le charme européen – plus britannique que français, contrairement à ce qu’on pense – du Vieux-Québec. Elle transpire des élégantes maisons en rangée et des belles demeures du quartier Montcalm. Dans l’inspirante renaissance du phénix Saint-Roch. L’histoire suinte des murs des vieilles résidences ouvrières de Saint-Sauveur, tout droit sorties d’un épisode des Plouffe. Elle déboule les escaliers de Limoilou, première partie de la ville à avoir été conçue selon un plan d’urbanisme.
C’est ça Québec. C’est ce qui la rend unique, c’est ce qui attire les gens chez nous. Surtout, c’est ce qui rend notre ville spéciale, ce que personne d’autre ne peut reproduire, pour la simple et bonne raison qu’une identité, ça ne s’achète pas. Kansas City, Las Vegas ou Seattle ne peuvent pas venir nous le voler.
Constatant notre caractère distinct, ce charme suranné, nous sommes troublés. Il faudrait en changer! Il faut se moderniser. Ça prend des tours impressionnantes, des affaires qui flashent et qu’on verra de partout dans les environs. Ailleurs, c’est ça qui est hot, c’est ce qu’il faut pour se mettre sur la proverbiale map.
Des tics et des manies
Malheureusement, à trop vouloir être Dubaï, Québec risque davantage de devenir Laval. De grands boulevards pensés pour les automobiles et hostiles aux piétons, ça rappelle plus l’île Jésus que les cités exotiques. Il n’y a qu’à voir l’horreur urbanistique du secteur Lebourgneuf. L’autoroute de la Capitale avait déjà son Ameublement Tanguay comme la 15 a son Colossus. Aurons-nous bientôt notre fusée du Cosmodôme grâce au Phare?
On reconnaît bien les tics et les manies de Régis Labeaume, dans ce genre de projets. Ce sont les mêmes mauvais traits qui ont mené au fiasco Clotaire Rapaille. Déjà à l’époque, cette motivation : revoir le « code de Québec », trouver autre chose que le Château Frontenac. C’était écrit en toutes lettres. On se rappelle comment ça a fini. Heureusement, plusieurs années et beaucoup d’argent plus tard, on aura choisi une signature qui décrit mieux l’identité de Québec. Il faudrait maintenant que la Ville soit cohérente et qu’elle porte réellement cet « accent d’Amérique » qu’elle veut incarner.
Ce serait certainement, pour M. Labeaume, un héritage plus fécond que de gros éléphants blancs qui vont vider les édifices et les salles qui existent déjà.