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Le vrai Québec



Je ne vous raconte pas ça pour me rendre intéressant, mais je suis atteint d’une maladie chronique qui fait qu’au cours de la dernière année, l’urgence de l’Hôtel-Dieu de Montréal, et le deuxième étage du pavillon Le Royer, sont devenus, pour ainsi dire, ma résidence secondaire.

C’est là que j’y ai vu le Québec de ­demain – celui qui est en train de se construire, presque malgré nous.

Métissage

Un hôpital est un endroit étrange: personne n’y va pour le plaisir. Les patients, malades et inquiets, sont rarement de commerce agréable et, oui, les salles débordent, et le personnel est généralement surmené.

Je me dis que si le Québec avait de gros problèmes d’harmonie sociale ou culturelle, si c’était une société minée par des tensions interethniques larvées, ou des animosités linguistiques ou raciales, c’est dans des endroits pareils qu’on le saurait en premier. Les frictions produiraient vite des étincelles qui mettraient aussi vite le feu aux poudres. Ça ne serait pas joli.

Mais ce n’est pas cela qui se produit. C’est même exactement le contraire.

Ça, c’est la réalité du Québec d’aujourd’hui. Cette mixité francophone résulte du fait que le Québec a le pouvoir de sélectionner une bonne partie de ses immigrants

Quelque part, la main-d’œuvre de l’hôpital ressemble à ce qu’on voit dans le métro le matin: une bonne proportion de Québécois de souche, de plus en plus de Français, des Haïtiens, des Africains, des Maghrébins, des Arabes, certains musulmans ostentatoires, d’autres pas; des gais, des lesbiennes et d’autres moins évidents, des hispanophones qui prononcent les «b» comme des «v», des Asiatiques qui parlent de la gorge et même des anglophones qui parlent français.

En fait, plus que le Québec d’aujourd’hui, c’est celui de demain. Dans le métro, ce Québec métissé d’aujourd’hui se frotte les coudes, certes, mais ne se mélange guère. Ses différentes composantes n’ont pas le même statut aux yeux des scénaristes de téléromans, des politiciens ou des forces de l’ordre, nous le savons bien.

À l’hôpital, sous l’influence homogénéisatrice des conventions collectives – et d’une mission commune –, un plus grand niveau d’intégration est évident. Une communauté s’est créée. J’ai entendu des Haïtiens et des Québécois se taquiner sur leurs accents, des Français s’expliquer des termes québécois entre eux, même une Française essayant de parler comme une Québécoise, l’envers de la médaille de la Québécoise qui «perle» en France...

Le Québec d’aujourd’hui

Ça, c’est la réalité du Québec d’aujourd’hui. Cette mixité francophone résulte du fait que le Québec a le pouvoir de sélectionner une bonne partie de ses immigrants. Et celui d’avoir francisé tous les autres. Au Canada...

Je ressors de l’hôpital – toujours heureux d’en sortir – en me disant que la bonne stratégie de survivance d’une société francophone en Amérique serait d’embrasser cette diversité, de harnacher son énergie, sa vitalité, pour construire quelque chose de nouveau et de viable ici.

Je me dis aussi que c’est bête de ne pas s’y appliquer, puisque nous n’avons pas le choix, la réalité étant ce qu’elle est...

Mais en entendant les péquistes revigorés par l’élection de PKP à leur tête se dire qu’il est urgent de «faire le pays» parce que, dans une génération, il sera «trop tard», je me demande, forcément, de quelle sorte de pays ils parlent au juste.

Ils ont trois ans pour convaincre les sceptiques que l’avenir leur appartient...

 

 







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