Pierre Paradis, les animaux du Québec vous disent MERCI
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Dans le tourbillon politique actuel, la présentation vendredi du projet de loi 54 «visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal» est presque passée inaperçu.
Et pourtant, le projet de loi présenté par Pierre Paradis, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, est un premier pas important pour une société malheureusement trop connue comme étant la capitale continentale de la cruauté et de la négligence envers les animaux.
Toute action législative plus décisive dans le domaine était en fait attendue de longue date. Très attendue.
Nul besoin d’épiloguer sur le sujet. Il y a ici quelque chose comme une culture profondément ancrée qui, on ne sait trop pourquoi, voit les animaux comme des objets plus ou moins jetables après usage.
Les histoires d’horreur d’usines à chiots ne manquent pas. Aux récits de cruauté, incluant pour les animaux qu’on «élève» pour leur fourrure, s’ajoutent aussi ceux de négligence et d’irresponsabilité crasses.
Les hordes de chats errants, souvent abandonnés sans le moindre état d’âme, ne manquent pas non plus.
On connait aussi de ces familles qui, question d’«amuser« les enfants l’été, s’«achètent» un chat, souvent non stérilisé en plus, ou un chien pour le chalet avant de l’abandonner en pleine nature à la fin de la saison estivale.
À Montréal seulement, la moyenne de «durée» de vie à domicile d’un animal domestique avant qu’il soit abandonné, donné ou euthanasié sans raison de santé majeure, est à peine de 19 mois!
Un peu comme si, une fois l’animal «acheté», on tombait tout à coup des nues lorsqu’on découvre qu’il faut vraiment s’en occuper et que les frais de vétérinaires, de plus en plus prohibitifs, sont aussi lourds à porter.
Je n’oublierai jamais non plus cette employée de la SPCA qui, découragée, m’avait déjà dit que les «excuses» superficielles pour faire euthanasier un chat ou un chien en pleine santé ne manquaient pas : trop de poil, trop de bruit, trop de trouble, ne va plus avec la couleur ou le tissu du nouveau divan, etc...
Et que dire de certaines animaleries peu regardantes sur la provenance ou l’état de santé des animaux qu’elles mettent elles-mêmes en vente?
Combien de propriétaires interdisent également à leurs nouveaux locataires la présence de tout animal domestique? Ce qui, en revanche, ne justifie pourtant pas pour autant la vague d’abandons irresponsables de chats et de chiens avant le 1er juillet de chaque année.
Les groupes de défense des animaux mettent aussi à jour régulièrement d’autres histoires de maltraitance grave dans certains abattoirs. Et que dire des conditions mêmes de «vie» et de transport des animaux avant qu’on ne les abatte?
Il y a évidemment de nombreux «propriétaires» d’animaux qui, au contraire, comprennent l’importance de leurs responsabilités face à ces êtres vivants et sensibles. Heureusement.
Il existe toutefois malheureusement une preuve empirique dévastatrice sur la «normalité» qu’on prête trop souvent au Québec à des actes de cruauté ou de négligence envers les animaux – domestiques ou d’élevage.
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C’est donc pour tenter de tout au moins commencer à renverser cette culture profondément ancrée que le ministre Paradis propose son projet de loi 54.
Pour le lire, c’est ici. Pour visionner la conférence de presse du ministre, c’est ici.
Nommé «Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal», ce projet de loi propose de modifier le Code civil du Québec «afin d’y prévoir expressément que l’animal est un être doué de sensibilité et qu’il n’est pas un bien».
Il propose d’édicter :
«la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal qui a pour objet d’établir diverses règles visant à assurer une protection adéquate aux animaux domestiques et à certains animaux sauvages. Cette loi prévoit que le propriétaire ou la personne ayant la garde d’un animal a l’obligation de s’assurer que ce dernier reçoive les soins propres à ses impératifs biologiques. Elle prévoit également une série d’actes interdits concernant notamment le transport d’un animal ou le dressage d’un animal pour le combat. Elle contient de plus l’obligation pour certains propriétaires ou gardiens d’animaux d’être titulaires d’un permis délivré par le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation ainsi que des mesures permettant de venir en aide à un animal en détresse, notamment des pouvoirs d’inspection, d’ordonnance, de saisie et de confiscation. Enfin, elle prévoit des dispositions pénales applicables en cas de contravention à ses dispositions.»
Une première infraction pourrait valoir une amende pouvant atteindre 250 000 $. Pour une récidive, l’amende pourrait être doublée ou triplée et pourrait entraîner une peine d'emprisonnement maximale de dix-huit mois. Les vétérinaires seront également tenus de rapporter toute situation d'abus ou de négligence dont ils sont témoins envers un animal ou des animaux.
Le projet de loi est toutefois imparfait. L’inquiétude est aussi que le gouvernement, en ces temps d’austérité sélective, pourrait ne pas fournir suffisamment d’inspecteurs pour veiller au grain.
En entrevue au 98.5FM, Me Sophie Gaillard de la SPCA disait tout de même accueillir «globalement très favorablement le dépôt de ce nouveau projet de loi».
«Il reste quelques points à clarifier», selon elle, et voir «quelles mesures seront mises en place par le gouvernement pour s’assurer d’une bonne application de la loi» et pour «être plus fermes envers les contrevenants».
Car sans une application rigoureuse de la loi, dans les faits, rares seront les coupables qui répondront de leurs actes. Ce qui, à son tour, empêcherait la loi, une fois adoptée, de présenter un effet réel de dissuasion.
Même les «signalements» de cruauté, de maltraitance ou d’abandon, souligne-t-elle, devront «être traités correctement» pour qu’ils atteignent leur but : soit de stopper la situation de cruauté ou de négligence et imposer des conséquences concrètes à la, ou aux personnes responsables de ces actes.
Me Gaillard soulève aussi la nécessité de faire le ménage dans la confusion engendrée par les différents paliers d’autorité en cette matière : municipaux, provincial et organismes. «Plus de transparence et de communication» seront nécessaire, note-t-elle.
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Or, malgré ses limites qui, on l’espère, seront corrigées lors des consultations et d’ici l’adoption finale du projet de loi, encore une fois, le projet de loi 54 représente avant tout un pas très important dans la bonne direction.
Dans les faits, ce dont la société québécoise aurait vraiment besoin en plus de ce projet de loi est une véritable révolution culturelle dans son rapport avec les animaux.
C’est pourquoi une campagne d’éducation continue ne serait pas un luxe non plus...
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