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Jean Doré et le RCM, quel bilan?

Jean Doré et le RCM, quel bilan?
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Lors de la rencontre des anciens du RCM en décembre dernier, un événement visant à rendre hommage au maire Jean Doré, son ami et ancien vice-président du Comité exécutif de Montréal, André Lavallé a rédigé un texte soulignant les réalisations de «Monsieur le maire Doré». Avec son aimable autorisation, en cette journée des funérailles de monsieur Doré, nous reproduisons ce texte.

Le bilan des réalisations de Jean Doré et du Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) est méconnu du grand public. Jusqu’à récemment, sur le web, quelques rares textes évoquaient quelques réalisations du 39e maire de Montréal, telles que la carte Accès-Montréal et le parc-plage, qui portera désormais son nom. Certains lui reconnaissaient la paternité du Biodôme, du Jardin chinois et du Musée de la Pointe-à-Callière. Quant au RCM, le web y consacrait une courte page sans une ligne sur la période 1986-1994.

Jean Doré et le RCM, quel bilan?
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L’héritage du RCM et de Jean Doré est énorme et a donné un souffle durable à Montréal. Mieux encore, le projet de ville du RCM est encore très actuel. Il a littéralement ouvert les portes de l'Hôtel de ville aux citoyens. Il a donné naissance au Quartier international et fait disparaître une portion de la tranchée de l’autoroute Ville-Marie.

Les projets des faubourgs Québec, Saint-Laurent et des Récollets ont amorcé le retour d’une population résidente au centre-ville, une tendance qui se maintient. Le dépotoir Miron, sis au milieu des quartiers les plus denses, a fait place à un centre environnemental renommé qui deviendra le deuxième plus grand espace vert de Montréal. Plusieurs anciens sites industriels, dont les Ateliers Angus, sont aujourd’hui des quartiers réputés en terme de mixité fonctionnelle et sociale et de qualité de vie.

L’installation de l’École de technologie supérieure (ETS) dans les locaux de l’ancienne brasserie Dow a tracé la voie au développement du Quartier de l’innovation.

École de technologie supérieure de Montréal.
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École de technologie supérieure de Montréal.

Les défaites sont cruelles. Il faut laisser du temps au temps. À l’occasion du 40e anniversaire de la fondation de ce parti municipal unique en son genre, sans nostalgie ni amertume, nous avons souhaité rendre hommage à tous ceux et celles qui ont été de cette aventure collective et progressiste, et plus particulièrement à Jean Doré qui a porté les rêves et les aspirations de toute une génération de citoyens amoureux de leur ville.

Jean Doré et le RCM, quel bilan?
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Quelques repères

Au lendemain des belles années du métro, de l'Expo 67 et des Expos, Montréal peinait à tourner la page sur son passé de grande ville portuaire et industrielle. Le centre-ville est truffé de terrains vacants, comme au lendemain d'un bombardement. Les fermetures de grandes usines se succèdent. Les quartiers centraux sont dévastés par les démolitions et les incendies, quand ils ne sont pas tout simplement rayés de la carte.

Site de l'Expo 67.
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Site de l'Expo 67.

C’est la façon de faire de l’époque ; déjà, au début des années soixante, certains avaient proposé de raser le Vieux-Montréal pour la future autoroute Ville-Marie. Derrière le succès de l'Expo 67, la base industrielle de l'économie s'effrite, les centres de décision se déplacent vers le centre et l'ouest du Canada, Montréal perd son statut de métropole en plus de devoir subir la concurrence des banlieues. Et ses infrastructures se dégradent.

Les Jeux Olympiques de 1976 devaient relancer Montréal; la Ville y engouffre ses ressources, y compris les provisions requises pour les fonds de retraite de la Ville. Ils sont suivis par le choc pétrolier et la crise économique de 1981. L'administration en place gère tant bien que mal le quotidien, comme si de rien n'était.

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Depuis sa fondation en 1974, le RCM a été partie prenante des luttes urbaines initiées par les comités de citoyens ou par ses membres en réaction à la dévitalisation des quartiers. Les artisans du nouveau parti, dont Jean Doré, ont une conviction claire : «le RCM doit prendre le pouvoir pour changer les choses et non pas se contenter de les influencer».

Le programme du parti, élaboré par ses membres, est ambitieux; certaines propositions sont radicales comme la création de conseils de quartier et la municipalisation du sol urbain.

La coalition qui le fonde est vaste et inédite : elle regroupe militants progressistes francophones et anglophones, nationalistes et indépendantistes, syndicalistes, urbanistes et architectes, intellectuels, organisateurs communautaires, environnementalistes et même quelques journalistes...

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Montréal n'est toutefois pas la seule préoccupation qui mobilise les forces progressistes. Si certains proposent de changer la ville, plusieurs veulent d'abord et avant tout un pays; d'autres ambitionnent de «changer le monde». Mais à l'élection de 1974, sous la direction de Jacques Couture, le RCM n’en cause pas moins la surprise en réussissant à faire élire 18 conseillers dont trois femmes, qui talonneront de près l'administration au long des quatre années qui vont suivre.

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Malgré la pertinence des interventions du parti à l'hôtel de ville, des dissensions importantes apparaissent à l'interne. À l'élection suivante, en 1978, l'opposition est divisée entre « radicaux » et « modérés ». À Montréal, comme au gouvernement, dans les syndicats et les groupes communautaires, les débats sont vifs.

Le RCM n'y échappe pas et, malgré l'ingéniosité déployée pendant quatre ans au conseil, il ne réussit à faire élire qu'un conseiller: Michael Fainstat. Jean Drapeau est réélu avec 52 conseillers sur 54. De ces années, Michael dira que les réunions du caucus du RCM n'auront jamais été aussi faciles - elles se tenaient sur son vélo. Mais il est tenace; lentement mais sûrement, il prépare la suite des choses.

Le maire de Montréal, Jean Drapeau. (droite)
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Le maire de Montréal, Jean Drapeau. (droite)

Le dauphin de Jean Drapeau, Yvon Lamarre, s'inspire du programme du RCM pour moderniser le Parti civique. Le retrait présumé de Jean Drapeau aurait peut-être changé la donne mais le maire s'est ravisé à la dernière minute.

À l’élection de 1982, le RCM, propulsé par son travail inlassable dans le dossier des Jeux Olympiques et les dossiers d'aménagement urbain, redevient la principale force d'opposition à l’hôtel de ville. Le signal est clair: les Montréalais veulent du changement.

Jean Doré devenu chef du RCM est défait mais moins de deux ans plus tard, il fait une entrée remarquée au conseil, à l'occasion d'une élection partielle provoquée par le départ de Jean Roy, conseiller de la première heure, qui a choisi de lui laisser son siège.

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Au cours des deux années qui vont suivre, Jean Doré travaille sans relâche à faire du RCM une alternative crédible, solide, représentative et rassembleuse. Il consolide les ponts avec tous les milieux, y compris celui des affaires, recentre certains éléments du programme, recrute une équipe complète, et élabore un programme de transition.

En 1986, le RCM remporte une victoire écrasante. 55 de ses candidats, dont 15 femmes, sont élus, sur 58 sièges. « Une majorité trop forte » selon plusieurs observateurs. L’opposition est décimée. Une vieille règle politique va s’appliquer : la lune de miel avec les médias sera plus courte et l’opposition renaîtra à l’interne.

Tout un défi !

Jean Doré savait-il tout ce qui l’attendait ? L’Expo 67 et les Jeux Olympiques ont creusé un trou énorme dans les régimes de retraite et un gigantesque déficit d’entretien des infrastructures. Les outils de travail des employés sont désuets. L’usine de traitement de l’eau Charles-Desbaillets a coûté plus cher que prévu.

Les relations avec le gouvernement du Québec sont tendues. L’appareil municipal est hyper centralisé et son fonctionnement est archaïque. Une anecdote qui en dit long : au greffe, chaque règlement est classé dans une boite à chaussures et les modifications apportées au fil des ans sont copiées-collées avec du papier-gommé.

Et succéder à Jean Drapeau, ce personnage encore mythique aujourd’hui, n’est pas une mince tâche.

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Une vision

Le RCM portait un projet démocratique. Celui d’une ville moderne à l’échelle humaine dont le défi est double : pourvoir aux besoins économiques, culturels et sociaux de ses « petites patries » et de ceux et celles qui les habitent, tout en assumant pleinement son rôle de ville centrale de la région et de métropole économique et culturelle du Québec.

La démocratisation des institutions politiques et la décentralisation sont au cœur des valeurs de l’équipe. Jean Doré veut faire de la Ville une entreprise publique de service aux citoyens, et pour ce faire, il fait confiance à ses employés et mise sur leur intelligence et leur savoir-faire.

On lui reprochera cette approche, mais ceux qui ont travaillé avec lui savent qu’il n’avait rien d’un technocrate et à quel point, il était souvent impatient de voir aboutir les décisions et les priorités.

Au plan de la stratégie de développement et de l’aménagement, cette vision se décline en fonction des axes suivants:

  • un centre moderne, vivant et habité, attractif, et fort de ses grandes institutions, et une attention particulière à la rue Sainte-Catherine ;

  • des quartiers résidentiels mixtes, offrant des logements de qualité et à prix abordables pour les familles et les nouveaux arrivants ;

  • des rues commerciales locales dynamiques ;

  • un réseau de transport en commun des plus performants ;

  • des quartiers anciens désenclavés et ouverts aux projets ;

  • un patrimoine bâti protégé et mis en valeur ;

  • un réseau d’institutions sportives et culturelles et d’œuvres d’art public partout sur le territoire;

  • une ville verte, dotée d’espaces publics, de parcs et d’aires de jeux accessibles à tous.

À la Communauté urbaine de Montréal (CUM), le maire se démarque clairement de son prédécesseur en misant sur une approche de collaboration entre les villes. La CUM, forte de plus de 6 000 employés et d’un budget qui dépassait le milliard de dollars, était principalement responsable de la sécurité publique (police), du transport en commun et les infrastructures d’assainissement des eaux.

La recherche sincère de consensus facilitera grandement les démarches pour la consolidation des grands atouts économiques de la métropole, le port, l’aéroport, les pôles d’emplois, les grandes institutions et son statut international. Des progrès substantiels découleront de cette approche, notamment en ce qui a trait au financement du Conseil des Arts, des grands parcs régionaux et du développement touristique.

Des réalisations significatives :

La démocratie

Le RCM n'a pas seulement ouvert les portes de l'hôtel de ville. Le Bureau de consultation de Montréal, les commissions permanentes du conseil et les conseils d’arrondissement, l’élaboration de règles en matière de consultation publique, et la création d’instances de concertation économiques et communautaires locales sont encore aujourd’hui les principaux outils de la « participation citoyenne ». On a reproché au RCM de trop consulter mais combien de projets n’auraient jamais vu le jour sans la concertation avec le milieu ?

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La décentralisation

On imagine mal aujourd'hui à quel point toutes les décisions et les opérations étaient centralisées. Le RCM crée les bureaux Accès-Montréal. Il découpe la Ville en neuf arrondissements. Le RCM ne pourra pas mener ce projet aussi loin que les militants le souhaitaient; le gouvernement refuse d’accorder des pouvoirs ou des responsabilités plus étendus aux conseils d'arrondissement.

Toutefois, une nouvelle dynamique se met en place; les services, les stratégies, le développement communautaire, le développement économique local, le soutien aux artères commerciales et même le Plan d'urbanisme se déploient selon une approche de gestion territoriale intégrée, plus en lien avec les citoyens et les réalités locales.

Les infrastructures

Au début des années 1980, personne ne se préoccupait du vieillissement des infrastructures. Jean Doré en fait une de ses plus grandes priorités. D’une part, sous sa direction, Montréal entreprendra immédiatement le long travail de restauration de ses infrastructures. De l’autre, il s'emploiera sans relâche, au nom de l'ensemble des villes canadiennes, à convaincre les gouvernements d’y contribuer financièrement, dans une perspective durable. Il obtiendra finalement gain de cause.

Les ententes conclues en 1994 vont permettre la réalisation de plusieurs projets majeurs, tels que la construction du pont Wellington et du boulevard Henri-Bourassa pour désenclaver le nord-est montréalais ainsi que des projets urbains structurants comme la renaturalisation du Mont-Royal, l'implantation du Cirque du Soleil dans Saint-Michel et la réfection de la portion ouest de la rue Sainte-Catherine.

L'urbanisme et l'aménagement urbain

Dès 1987, l'administration élabore un plan directeur du centre-ville, adopte des règlements pour le contrôle des démolitions et met en place des programmes de protection et de mise en valeur du patrimoine. Montréal adopte en 1992 son premier plan d'urbanisme, fruit d’une concertation sans précédent des acteurs du développement et d’une mobilisation remarquable de l’appareil municipal.

La CUM adopte son schéma d'aménagement. Montréal, Westmount et Outremont s'entendent avec les grandes institutions sur un premier plan de mise en valeur du Mont-Royal. Le service d’urbanisme élabore avec les arrondissements des plans directeurs des secteurs à revitaliser: le Vieux-Montréal, les abords des voies du CP, les abords du Canal Lachine, la rue Sainte-Catherine et l'axe Peel-Bonaventure d'expansion du centre-ville.

La Ville modernise et simplifie la réglementation d'urbanisme et les processus d'émission de permis.

Les grands projets urbains

De grands projets urbains, ont radicalement transformé plusieurs secteurs de la ville. La consolidation du centre-ville et notamment le déménagement de l'OACI dans le futur quartier international; les projets du Faubourg Québec, du Faubourg Saint-Laurent et du Faubourg des Récollets pour repeupler le centre de Montréal, la revitalisation des anciennes usines Angus, le désenclavement du Sud-Ouest et le développement des abords du canal Lachine ou du Quartier des Musées en témoignent.

Piste cyclable à Lachine.
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Piste cyclable à Lachine.

Sans oublier la construction du Centre de commerce mondial, la mise en valeur du Vieux-Port, de la rue de la Commune et du Champ- de-Mars, la construction du Musée d’archéologie et d’histoire de la Pointe-à-Callière et la rénovation du Marché Bonsecours, autant de projets qui contribueront à la renaissance du Vieux-Montréal.

Le plan d’urbanisme de 1992 identifie déjà les secteurs qui devront faire l’objet de planifications particulières (PPU), un exercice que la ville complète progressivement depuis. Et en 1994, Jean Doré plaide haut et fort pour l’agrandissement du Palais des Congrès.

Des politiques urbaines innovatrices

Tout au long de ses deux mandats, l’administration élabore une à une des politiques sectorielles pour chacun des grands domaines d’intervention de la Ville. Chacune de ces démarches est l’occasion d’élaborer, en concertation avec les milieux concernés, une vision, des plans d’action, de nouveaux outils et de transformer les pratiques de l’appareil municipal.

Développement communautaire, développement économique, recyclage, réseau vert, parcs et espaces publics, forêt urbaine, culture, transport, vélo, marchés publics : tous les aspects de la vie urbaine sont examinés par les commissions et les politiques qui en résultent sont adoptées par le conseil.

Ces politiques écartées pour un temps seront mises à jour après le Sommet de Montréal en 2001 et intégrées au deuxième plan d’urbanisme montréalais.

L'habitation et le logement social

Le droit au logement, le maintien des personnes dans leur milieu, l’accès à la propriété individuelle et collective, la défense des droits des locataires, la préservation du patrimoine bâti et la qualité des milieux de vie constituent une des orientations fondamentales du RCM.

Au cours des années 1986-1994, l’administration Doré multiplie les initiatives, malgré le désengagement de l’État: crédit-proprio, coopératives, logements sociaux, rénovation de logements et de maisons de chambres ; plus de 25,000 nouveaux ménages profitent des programmes mis en place.

Le RCM croit à la mixité sociale : plusieurs projets sont aujourd’hui des modèles du genre, notamment le quartier Angus. Dans la même veine, l’administration réglemente la conversion de logements locatifs en copropriété divise en préservant le droit du maintien dans les lieux.

Elle porte une attention particulière aux personnes itinérantes ou en situation précaire en créant un programme de rénovation des maisons de chambres.

Une ville verte et bleue

LE RCM a l’ambition de doter l’île d’un réseau vert continu reliant les espaces naturels, les grands parcs, les espaces verts et les parcs des quartiers. Les conseils de Montréal, d’Outremont et de Westmount adoptent le premier plan de mise en valeur du Mont-Royal.

Montréal met également en œuvre un plan de renaturalisation de la montagne ; son entretien a été négligé depuis plusieurs décennies. La CUM crée plusieurs nouveaux grands parcs d’une superficie de plus de 500 hectares. Sur son territoire, la Ville modernise les aires de jeux, inaugure des parcs-école et procède à la création de 60 nouveaux parcs et au réaménagement de la moitié des parcs existants.

Elle crée le premier tronçon du réseau vert, le long de la voie du CP. L’ancien dépotoir à neige dans l’Est de devient la promenade Bellerive, une fenêtre de quatre kilomètres sur le fleuve, et un service de navettes est mis en place entre Montréal, les îles, Longueuil, la promenade et le parc des îles de Boucherville.

Promenade Bellerive.
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Promenade Bellerive.

Les anciens ruisseaux, la falaise Saint-Jacques, les boisés résiduels, les milieux humides font l’objet de mesures de protection et de conservation importantes. Enfin, deux plages sont créées dans le but de redonner accès aux eaux qui baignent Montréal : la plage de l’île Notre-Dame, rebaptisée « la plage Doré » par les citoyens, et la plage du parc régional du Cap St-Jacques.

Plage Jean-Doré.
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Plage Jean-Doré.

Une ville, des quartiers !

Les Montréalais et les Montréalaises, les quartiers qu’ils habitent et la qualité de vie sont une des assises fondamentales de la vision du RCM.

Les rues, les trottoirs, la sécurité autour des écoles, le développement des artères commerciales locales, la sécurité des piétons, la performance du transport en commun, la propreté et l’embellissement, la plantation d’arbres et la reconstruction des trottoirs, le développement économique local, l’accès aux bibliothèques et aux équipements de loisirs et de sports, l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants et l’égalité en emploi seront au cœur des préoccupations et de l’action des membres du Conseil.

Un constat s’impose rapidement en 1986 : les services de proximité doivent être réorganisés pour bien servir les citoyens, et tenir compte des réalités propres à chaque quartier. L’administration procède donc à un premier découpage de la ville en arrondissements, à la création des conseils d’arrondissement et à la réorganisation des services en conséquence.

Le rôle du conseiller municipal évolue radicalement. Les élus ne peuvent plus se contenter d’assister une fois par mois aux réunions du conseil. La plupart se consacrent à temps plein à leur mandat ; ils portent les projets de leur milieu et les demandes des citoyens ; ils siègent à des commissions permanentes et à des conseils d’administration; les citoyens ont un accès direct à eux.

Une approche nouvelle : le développement durable

Depuis 1968, Montréal permettait l’enfouissement de centaines de milliers de tonnes de déchets dans l’ancienne carrière Miron, devenue l’un des plus importants dépotoirs en milieu urbain en Amérique du Nord. Ces déchets provenaient en majorité des villes de banlieue ; ceux de Montréal étaient brûlés dans l’incinérateur des Carrières.

Dès son arrivée au pouvoir, le RCM entreprend un virage majeur vers une gestion des déchets plus respectueuse de l’environnement. L’administration se donne pour objectif de réduire sensiblement le volume des déchets avant 2010. La collecte sélective est introduite dès la fin des années quatre-vingt, et elle s’étendra graduellement sur tout le territoire montréalais.

Un centre de tri est créé. Du même souffle, Montréal commence à planifier la fermeture et la conversion du site Miron en grand parc urbain. Près de 200 millions de dollars doivent être investis pour sécuriser les lieux, capter les biogaz et les eaux usées produits par la montagne de déchets, éliminer les odeurs, réorganiser les accès au site.

Pour financer ce projet, l’administration propose une gestion intégrée des déchets à l’échelle de la région mais le gouvernement opte plutôt pour l’ouverture de nouveaux dépotoirs, autour de Montréal ; il faudra quelques années de plus pour fermer le dépotoir.

Autre décision majeure et innovatrice prise à l’époque: tout a été mis en place pour que Montréal cesse de déverser l’essentiel de ses neiges usées dans le fleuve.

La place des femmes à Montréal

Dès sa création, le RCM s’engage à faire une place importante aux femmes à Montréal. Léa Cousineau, qui deviendra la première présidente du Comité exécutif, et les femmes du caucus s’emploient, avec l’appui de Jean Doré, à changer les choses.

Les femmes ont dorénavant accès aux postes de cadres et aux emplois non-traditionnels: des programmes d'accès à l'égalité sont mis en place. On exige de tous les services intègrent à tous les niveaux les besoins et les préoccupations des montréalaises. On partait de loin, de très loin!

Jean Doré et le RCM, quel bilan?
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Le 350ième anniversaire de Montréal

Les célébrations de 1992 auront été l’occasion pour la métropole de se doter, avec l’aide des gouvernements, de nouveaux équipements dont le site du Vieux- Port, le Biodôme, le Musée de la Pointe-à-Callière, l’île Sainte-Hélène réaménagée, le nouveau Musée McCord, le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu, plusieurs grandes places publiques, le belvédère du Mont-Royal, le Champ-de-Mars et le parc Émilie-Gamelin, d’abord dénommée Place du 350e, qui fut au cœur des activités.

Place Émilie-Gamelin.
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Place Émilie-Gamelin.

Une ville animée et une métropole culturelle

Jean Doré reconnaît d’emblée que la culture est un levier majeur de l’économie montréalaise. Il crée dès 1987 un service de la Culture, encourage la restauration ou l’installation d’œuvres d’art sur le domaine public, positionne Montréal comme ville de cinéma et amorce l’informatisation des collections des bibliothèques.

Il accorde aussi un soutien financier et logistique majeur aux organisateurs des grands événements culturels – en 1986, il était quasi impensable d’envisager la fermeture d’une portion de rue pour leur tenue.

En 1992, étant donné le succès de ces événements, le plan de mise en valeur de la rue Sainte-Catherine adopté par le Conseil reconnaît le potentiel du secteur de la Place des Arts, en tant que pôle majeur de diffusion.

C’est aussi Jean Doré qui convainc les maires de la CUM de tripler en trois ans le budget du Conseil des arts, donnant ainsi de véritables moyens au Conseil tel qu’on le connaît aujourd’hui.

La relance du transport en commun, le vélo et les pistes cyclables

Le RCM mise beaucoup sur le développement du transport en commun pour assurer la vitalité du centre-ville, la protection de l’environnement et la quiétude des quartiers résidentiels. Son plan de relance est un succès. La STM déploie le premier réseau de voies rapides sur Pie IX, René-Lévesque, l'avenue du Parc, Côte-des-Neiges, Crémazie, Sauvé et Henri-Bourassa.

Au plan régional, l’administration milite en faveur d’un organisme régional de transport, d’un réseau de trains de banlieue et signe avec Québec une entente pour le prolongement du métro à Laval et dans l’est de Montréal. Elle aménage les premiers stationnements incitatifs et met en place un réseau informatisé de renseignements sur les horaires.

Pour le transport des personnes, le RCM mise aussi sur le vélo : en huit ans, il aménage un réseau de près de 150 km de voies cyclables

Contre toute attente, en 1992, le gouvernement du Québec se retire du financement des dépenses d’opération du transport en commun. Le RCM paiera très cher cette décision ; la poursuite du plan de relance amènera l’administration à imposer une surtaxe aux immeubles non résidentiels, décision qui provoquera une importante levée de boucliers et éventuellement le regroupement des forces d’opposition autour de Pierre Bourque.

Une vision de métropole

Devant le groupe de travail sur Montréal et sa région mis sur pied par le gouvernement du Québec, Jean Doré plaide en faveur d’une véritable ville- région et d’une plus grande équité fiscale, de la mise en commun de la promotion touristique, de la promotion économique à l’étranger, du soutien à la culture, du développement collectif et de la planification stratégique du territoire.

L’administration propose la consolidation des secteurs urbanisés de l’agglomération. Il faudra plusieurs années pour que soit constituée la Communauté métropolitaine de Montréal et dix ans de plus pour qu’elle adopte son premier plan de développement.

C'est aussi à la demande du RCM que le gouvernement du Québec crée un premier comité ministériel de développement du Grand Montréal.

En 1994, avant les élections québécoises, Jean Doré convient avec les chefs des grands partis, Daniel Johnson et Jacques Parizeau, des gestes à poser pour donner à Montréal un véritable statut de métropole.

Stade Olympique.
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Stade Olympique.

Montréal ville internationale

L’Expo 67 et les Jeux Olympiques de 1976 avaient confirmé l’envergure internationale de Montréal. Jean Doré s’affaire à développer des relations privilégiées avec les grandes villes et à les concrétiser par des protocoles de collaboration et des échanges d’expertises.

En octobre 1991, il accueille notamment les maires de New-York, Paris, Moscou et Tokyo dans le cadre du Sommet des grandes villes du monde. Son leadership est largement reconnu, en matière d’environnement ; il est désigné comme porte-parole des villes au grand Sommet de la Terre à Rio de Janeiro.

Jacques Parizeau et Jean Doré.

aout 1989

PHOTO CLAUDE RIVEST / LES ARCHIVES / LE JOURNAL DE MONTREAL  ARCHIVES/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
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Jacques Parizeau et Jean Doré. aout 1989 PHOTO CLAUDE RIVEST / LES ARCHIVES / LE JOURNAL DE MONTREAL ARCHIVES/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI

À propos de la défaite de 1994

Les attentes étaient grandes... immenses ! Jean Doré admet qu’on lui a reproché de ne pas avoir suffisamment priorisé et d’avoir multiplié les chantiers. Il répondra : «Il y avait tellement à faire!» Le RCM est réélu assez facilement en 1990. À droite comme à gauche, la critique est dure... c’est dans l’air du temps.

Dès le début du deuxième mandat, la crise économique frappe durement le Québec et les coffres de la Ville ; les gouvernements se désengagent. L’administration est aussi ébranlée par les pertes financières des trois sociétés paramunicipales impliquées dans le développement des Faubourgs et de l’habitation.

Le RCM fait face, réduit les dépenses, étale les hausses d’évaluation, plafonne les comptes de taxes résidentiels et ultimement gèle les salaires.

Malgré tout, l’administration est dépeinte comme dépensière et insensible. Jean Doré est devenu le bouc émissaire de la crise économique.

Les relations avec le gouvernement du Québec ne sont pas faciles. Les enjeux montréalais sont supplantés par les projets de réforme constitutionnelle du lac Meech (1987-1990), puis de Charlottetown (1992) et finalement par la perspective d’un nouveau référendum.

Le 6 novembre 1994, Jean Doré et le RCM sont défaits par Pierre Bourque et Vision Montréal.

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Aujourd’hui

Un vent nouveau souffle sur Montréal. Le premier ministre du Québec s’est engagé à reconnaître à Montréal son statut de métropole et à lui accorder les moyens dont elle a besoin pour jouer pleinement ce rôle. Le maire de la ville se veut rassembleur, à l’écoute ; il appelle les Montréalais à s’engager pour leur ville et n’hésite pas à responsabiliser les uns et les autres.

Mais cette nouvelle mobilisation en faveur de Montréal est aussi citoyenne. Rarement a-t-on vu autant de citoyens de notre ville s’intéresser aux enjeux urbains.

Dans chaque quartier, autour d’un projet de ruelle verte, en faveur du transport en commun ou de la sécurité autour des écoles, pour des taxis électriques, en appui aux commerces de proximité, pour un plan métropolitain d’aménagement, au sein des grappes industrielles, en appui à l’entreprenariat, pour la sauvegarde du patrimoine bâti, pour la protection des espaces naturels.

Cette mobilisation est plus individuelle, moins institutionnelle, plus entrepreneuriale que collective, mais elle n’en est pas moins bien réelle.

On ne compte plus les sites Web, les blogues, les événements et les conférences qui font la promotion des atouts de la ville et des projets qui l’animent, non plus que les palmarès de toutes sortes qui saluent les performances de la métropole, de ses entrepreneurs et de ses créateurs.

Des centaines de personnes se sont déplacées dimanche le 14 décembre 2014 pour rendre hommage à l’ancien maire de Montréal, Jean Doré.
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Des centaines de personnes se sont déplacées dimanche le 14 décembre 2014 pour rendre hommage à l’ancien maire de Montréal, Jean Doré.

Le 14 décembre dernier, plus de 300 personnes – artisans de la première heure du RCM, anciens élus, militants – se sont réunis pour souligner le 40e anniversaire de fondation du parti et surtout, pour rendre hommage à Jean Doré. Malgré la maladie, Jean Doré, qui célébrait son 70e anniversaire de naissance, a brossé avec passion et avec fierté les grandes lignes de l’héritage légué par l’équipe qu’il a dirigé.

Et il a conclu du même souffle qui l’a toujours animé : «nous étions et nous sommes encore une belle gang de fous amoureux de notre ville, Montréal!»

Des centaines de personnes se sont déplacées dimanche le 14 décembre 2014 pour rendre hommage à l’ancien maire de Montréal, Jean Doré, atteint d’un cancer du pancréas incurable. CHRISTOPHER NARDI/24 HEURES/AGENCE QMI
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Des centaines de personnes se sont déplacées dimanche le 14 décembre 2014 pour rendre hommage à l’ancien maire de Montréal, Jean Doré, atteint d’un cancer du pancréas incurable. CHRISTOPHER NARDI/24 HEURES/AGENCE QMI

André Lavallée

Montréal, décembre 2014

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