Mariage : l’analyse de la Cour suprême américaine
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Dans sa décision rendue cette semaine, par cinq voix contre quatre, la Cour suprême des États Unis a décidé que le Quatorzième Amendement de la Constitution exige que les États autorisent le mariage homosexuel. Ils doivent aussi reconnaître les mariages homosexuels célébrés dans d'autres États. Retour sur les principaux arguments retenus par les juges afin d’opérer ce tournant majeur.
La Cour fait un retour historique sur l’institution du mariage. Elle retient qu’il fut une époque où le mariage était essentiellement un arrangement entre les parents du couple, fondé sur des soucis religieux, financiers ou politiques. Plus tard, il fut admis qu’il s’agissait d’un contrat volontaire entre un homme et une femme.
Mais l’union d’une femme et d’un homme n’est pas une caractéristique inhérente du mariage.
Tout au long de l’histoire, le mariage a connu de substantielles évolutions qui en ont modifié plusieurs de ses bases. Ces évolutions reflétaient les conceptions ayant cours en leur temps.
Les changements dans la compréhension de l’institution caractérisent l’évolution du droit. Lorsque sont apparues de nouvelles dimensions aux libertés, celles-ci furent soumises aux instances judiciaires et aux décideurs politiques. Il en est résulté des changements.
Il en est ainsi des droits des homosexuels. La Cour rappelle que pendant longtemps, l’homosexualité était tenue pour être une maladie. En 1952, l’Association américaine de psychiatrie la considérait comme un désordre mental.
À la fin du 20e siècle, reflétant des changements substantiels, les perceptions méprisantes à l’égard des couples constitués de personnes de même sexe perdent du terrain. Dans les années 1980, plusieurs décisions de la Cour suprême invalident les lois qui criminalisent les rapports entre personnes de même sexe.
Cette semaine, dans sa décision Obergefel v. Hodges, la majorité de la Cour suprême des Etats-Unis décide que le 14e amendement de la constitution américaine - celui qui prévoît qu’un État ne peut priver une personne de ses droits qu’en respectant l’application régulière de la loi - empêche les États de prohiber le mariage entre personnes de même sexe.
Pour arriver à conclure que le droit des homosexuels de se marier est protégé, la majorité explique que les droits protégés par la Constitution incluent non seulement ceux qui y sont expressément énumérés mais également ceux qui protègent les choix personnels des individus qui sont inhérents à leur dignité.
Il est des décisions écrit la Cour qui reflètent et définissent l’identité même des individus de même que leurs croyances. Il est du devoir des tribunaux d’exercer leur jugement raisonné aux fins d’identifier les intérêts fondamentaux si inhérents à la dignité des personnes que l’État doit leur accorder plein respect.
Les dispositions constitutionnelles énoncent des principes, écrit la Cour. Ces principes doivent être l’objet d’une analyse éclairée par l’histoire aux fins de déterminer leur teneur à la lumière des évolutions dont la Cour doit tenir compte.
Le jugement majoritaire expose les développements historiques qui ont marqué l’évolution de l’institution du mariage. Il en déduit que le mariage peut être qualifié comme un choix relevant de l’autonomie personnelle. Ce n’est pas intrinsèquement une institution impliquant un homme et une femme.
Le droit d’exercer ses choix personnels quant au mariage est inhérent à l’idée d’autonomie de la personne. Au nom de ce principe, la Cour avait autrefois cassé les lois interdisant les mariages « interraciaux ».
La nature du mariage, sa caractéristique fondamentale, est l’union entre deux personnes. Ceux-ci peuvent y trouver ensemble l’exercice des autres libertés et exprimer leur intimité et leur spiritualité. La Cour déclare que cela est vrai pour tous, peu importe leur orientation sexuelle.
La décision de la Cour deviendra assurément un classique. Elle est emblématique des processus par lesquels les tribunaux, dans la tradition anglo-américaine, identifient et délimitent les principes et les droits fondamentaux.
La décision rendue cette semaine porte sur la dignité humaine : elle explique que les individus ont le droit garanti de faire les choix qui leur semblent appropriés dans leur vie intime. Les États ne peuvent restreindre ce droit.
La décision majoritaire de la Cour, rendue par le juge Anthony Kennedy se conclut par les mots suivants (la traduction est celle rapportée dans Libération):
«Aucune union n’est plus profonde que le mariage, car il incarne les plus grands idéaux d’amour, de fidélité, de dévotion, de sacrifice, et de la famille. En se mariant, deux personnes deviennent plus que ce qu’elles furent auparavant. Comme certains défenseurs de ce droit l’ont démontré, dans le mariage s’incarne un amour qui peut survivre à la mort. Dire d’eux qu’ils ne respectent pas le mariage, c’est ne pas comprendre ces hommes et ces femmes. Ce qu’ils affirment, c’est qu’ils le respectent, qu’ils le respectent si profondément qu’ils désirent le faire advenir pour eux-mêmes. Leur espoir n’est pas d’être condamnés à vivre dans la solitude, exclus d’une des plus anciennes institutions de notre civilisation. Ils réclament une dignité égale aux yeux de la loi. La Constitution leur donne ce droit. [...] Ainsi en est-il décidé.»
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