Pleurs et gazouillis au Parlement
Si elle est réélue, la députée relèvera le défi d’être seule à Ottawa pour s’occuper de son bébé naissant
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LA SARRE | La députée fédérale Christine Moore tentera de faire quelque chose de très difficile si elle est réélue: s’occuper seule d’un bébé naissant en étant députée à temps plein. Tout ça en voyageant chaque semaine entre l’Abitibi et Ottawa.
La date prévue de l’accouchement de la députée néo-démocrate d’Abitibi-Témiscamingue est trois jours avant le déclenchement des élections.
Si elle est réélue, les députés risquent de très bien connaître les pleurs et les risettes du bébé puisqu’elle a l’intention de le traîner avec elle au travail. S’il le faut, elle l’allaitera à la Chambre des communes. Pas question pour elle de négliger son travail de députée ni son rôle de mère.
MmeMoore ne serait pas la première députée à avoir de jeunes enfants, mais selon elle, les autres ont de la famille ou leur conjoint pour les accompagner à Ottawa. Ce ne sera pas son cas puisque son conjoint est père d’un enfant d’âge scolaire en Abitibi.
«Si je suis élue, je vais traîner le bébé avec moi. Jusqu’à maintenant, le Parlement n’a pas eu à faire face à une députée qui n’a pas son mari avec elle présent en tout temps pour s’occuper de l’enfant. C’est une réalité à laquelle ils n’ont pas pensé, mais qui risque d’arriver de plus en plus souvent», a-t-elle dit.
Mal adapté
Selon la députée de 31 ans, le Parlement ne s’est pas ajusté à la nouvelle réalité des élues qui ont de jeunes enfants. La garderie située sur la colline parlementaire ferme ses portes à 17h alors que les votes en Chambre ont souvent lieu en soirée.
«Nous avons installé des tables à langer dans les salles de bain», s’est contenté de dire un employé du gouvernement qui a requis l’anonymat.
Selon Christine Moore, un congé de maternité n’est pas vraiment nécessaire, mais il faudrait trouver un moyen d’éviter les longs déplacements avec les bébés naissants, elle qui habite en Abitibi-Ouest, à 6h30 de voiture du Parlement. «Si je dois allaiter en chemin, ce sera encore plus long. En plus que ce n’est pas idéal de faire voyager de jeunes enfants. Avec les transferts, ce n’est pas moins long en avion», a-t-elle dit.
«J’ai fait des recherches et, dans beaucoup de pays, on permet à des députés malades ou en congé de maternité de pouvoir voter à distance ou d’avoir un remplaçant lors des votes», a-t-elle dit. Si elle est réélue, elle souhaite que le Parlement se penche sur cette question.
L’infirmière de profession affirme avoir vu certains députés venir siéger au Parlement alors que leur état de santé ne le leur permettait pas. «Je me souviens d’un député qui venait de faire une crise cardiaque revenir en Chambre pour un vote important. Avec la technologie d’aujourd’hui, il serait possible de voter à distance de manière sécuritaire», croit-elle.
En campagne avec un bébé naissant
LA SARRE | La députée Christine Moore promet de mener une campagne électorale de terrain, même si elle doit accoucher quelques jours à peine avant le déclenchement.
La date d’accouchement prévue est le 10 septembre, alors que la campagne électorale devrait être lancée le 13 septembre. Le scrutin aura lieu le 19 octobre.
«Ce ne sera pas évident, mais quand ils sont tout petits, ils se traînent mieux. Il ou elle sera très souvent avec moi pendant les événements», a-t-elle promis.
Elle affirme avoir fait un plan de campagne qui lui permettra de transporter son bébé ou de le faire garder par ses proches.
Selon ses recherches, ce serait une des premières fois qu’une députée sortante accouche aussi près d’une élection.
«On a fait plusieurs ajustements pour que je puisse le faire avec le bébé. Je connais mon comté et ce sera ma quatrième campagne. Je sais ce que je peux faire et ce que je ne pourrai pas faire», a-t-elle dit.
Tout un défi
Selon la députée d’Alfred-Pellan, à Laval, Rosane Doré-Lefebvre, mener une campagne avec un bébé naissant sera tout un défi. «Elle a toute mon admiration. Elle a une bonne volonté. On en a beaucoup parlé entre nous et j’espère que tout ira bien pour elle», a dit celle qui a réussi à revenir au travail trois semaines après avoir donné naissance à sa fille Madeleine en avril 2013, qui a même fait ses premiers pas au Parlement.
Selon les deux députées, si la société souhaite attirer plus de femmes en politique, on doit mettre en place les outils pour concilier la famille et le travail. «Si on ne veut pas que les femmes mettent un frein à leur carrière quand elles veulent un enfant, il faudra trouver des solutions», a indiqué MmeMoore.
Selon elle, la plupart des parlementaires seraient d’accord pour changer certaines règles.
Une députée fantôme
La députée de Verchères-Les Patriotes, Sana Hassainia, a manqué 94% des votes au parlement en 2014. Elle s’est justifiée en disant qu’elle avait deux jeunes enfants.
Selon la députée Rosane Doré-Lefebvre, oui il y a des ajustements à faire pour concilier famille et travail, mais il est possible de bien faire les deux.
«De ne jamais être présent en Chambre est un manque de respect pour la fonction. C’est important qu’on soit là et c’est possible de le faire, même avec de jeunes enfants», a indiqué MmeDoré-Lefebvre.
MmeSana Hassainia a décliné la demande d’entrevue.