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Des parents-rois dans le sport

Ils ne se contentent pas de faire la loi à l’école, ils sévissent aussi à l’aréna et sur le terrain de soccer

Sébastien Noshinravani, arbitre et entraîneur au soccer
Photo isabelle maher «Parmi des jeunes joueurs qui ont 9-10-11 ans, certains ne comprennent pas pourquoi les parents chialent. Parfois, il y en a un qui m’implore: “Ils peuvent-tu arrêter?” D’autres embarquent avec les parents contre l’arbitre», raconte Sébastien Noshinravani.

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Ils font pleurer de jeunes arbitres, gueulent contre des enfants qui ratent le filet, harcèlent les entraîneurs. Il n’y a pas qu’à l’école que les parents-rois sévissent: ils sont aussi de coriaces gérants d’estrade lorsqu’ils se mêlent du sport que pratique leur enfant.

Sébastien Noshinravani n’a pas besoin de se faire expliquer ce qu’est un parent-roi. L’arbitre et entraîneur de soccer connaît bien ces adultes qui veulent tout contrôler sur le terrain et perdent parfois la tête.

«Ils pensent qu’ils savent tout, ils ne comprennent pas les règles, ils se plaignent dans les estrades sans jamais vérifier s’ils ont raison», décrit le jeune chef des arbitres de l’Association de soccer de Saint-Lambert.

L’étudiant de 21 ans arbitre des matchs depuis huit ans. Certains parents lui en ont fait voir de toutes les couleurs.

«J’ai vu des parents qui voulaient m’arracher la tête. La pire fois? C’était en 2012, aux Jeux du Québec. Lors d’un match important, je les avais eus sur mon dos pendant toute la game», se souvient-il.

Suivi par des parents

Parce qu’il a dû prendre la décision d’annuler un but, des parents en colère ont suivi Sébastien après le match jusque dans l’école. «Par chance, il y avait quelqu’un d’expérience avec moi. On s’est caché et on a attendu que ça passe.»

L’association de soccer perd cependant beaucoup de jeunes arbitres âgés de 14 à 16 ans à cause des parents-rois, observe-t-il. «Certains sont incapables de le supporter, ils pleurent, le prennent personnel. Il est difficile de les convaincre de rester.»

Sébastien déplore le fait que ces parents enseignent la critique à leur enfant.

«Ils ont 9-10 ans et ils sont déjà habitués à contester l’autorité. À 15-16 ans, qu’est-ce qu’ils vont respecter?» demande-t-il.

«Le soccer, c’est une école de vie, on y apprend le respect et la discipline. À chacun de l’utiliser positivement. Malheureusement, les parents-rois ont un effet très négatif sur tout ça», pense-t-il.

Situation pénible

Les parents-rois font aussi des ravages à l’aréna, raconte David Lizotte. Après avoir été «harcelé» par un parent qui prenait beaucoup de place, l’ex-entraîneur de hockey Bantam AAA à Drummondville s’est fait montrer la porte.

«Ce parent-roi a réussi à avoir ma tête», lance-t-il.

Le père d’un jeune joueur a d’abord interpellé cavalièrement l’entraîneur après un match: «Toi! Va falloir que tu m’expliques pourquoi mon gars n’a pas joué pendant les cinq dernières minutes du match!»

Rapidement, la situation s’est dégradée. M. Lizotte a même reçu une mise en demeure du père l’accusant de compromettre la sécurité de son enfant.

«Comme il nous amenait des commanditaires, un dirigeant de l’équipe l’a écouté et on n’a pas renouvelé mon contrat. Ce qui écœure, c’est que quelqu’un qui n’a pas les bonnes valeurs et qui chiale finit par gagner», conclut-il.


La clé de meilleures relations parents-profs

Les rapports entre l’école et les parents se sont complexifiés au cours des dernières années. Malgré tout, la qualité de ce lien ne doit pas pour autant en souffrir, tranchent plusieurs experts.  
 
«Une relation parent-prof cons­tructive est essentielle, c’est le meilleur facteur de réussite scolaire», affirme France Beauregard, professeure à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Sherbrooke.
 
«L’enfant va être heureux s’il se sent en sécurité et s’il y a des gens qui l’encouragent», poursuit la chercheuse et spécialiste en relations famille-école. 
 
Ce qui favorise une meilleure ap-pro­che? Le respect des compétences de chacun et l’ouverture, dit-elle.
 
«Il faut accepter que l’autre ait des compétences que je n’ai pas, être à l’écoute et disponible. Il faut voir l’autre comme un partenaire, pas comme un adversaire. Il est aussi essentiel de comprendre sa réalité.»
 
« Trop, c’est trop !  »
 
Les parents doivent absolument faire leur bout de chemin, croit pour sa part le sociologue Antoine Baby.
 
«Ils doivent avoir confiance et être solidai­res de l’école jusqu’à preuve du contraire. Sinon, qu’ils fassent l’école à la maison! L’école n’est pas une grosse garderie qui sert à poursuivre leur carrière», ironise le professeur émérite en sciences de l’éducation de l’Université Laval.
 
«Trop, c’est trop! Il faut absolument fixer des limites», explique Rolande Deslandes. L’école, ce n’est pas la cour des miracles!» fait valoir la professeure au département des sciences de l’éducation de l’UQTR.
 
Chercheuse et spécialiste de la collaboration école-famille, Mme Deslandes a interrogé des enseignants qui ont de 15 à 20 ans d’expérience sur le sujet des parents-rois. 
 
«Tous ont affirmé que le soutien de la direction était crucial et tous ont été obligés de mettre des limites en adoptant des stratégies pour se protéger», rapporte-t-elle.
 
Le soutien et l’aide ponctuelle des parents sont indispensables. «Tout est une question de dosage», conclut la chercheuse.
 

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