Les deux écoles
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Cette fin de semaine avait lieu au Collège Champlain le «Forum des idées pour le Québec». Thème de la rencontre? «Un système d’éducation pour le 21e siècle». Des manifestants s’y trouvaient, offusqués, tandis que d’autres relayaient l’information sur les réseaux sociaux, ces rues du 21e siècle.
On y dénonçait le fait que peu d’enseignants y soient invités, s’y trouvant plutôt des gens aux visées entrepreneuriales.
Où étaient les enseignants?
On y écoutait des «spécialistes» n’ayant pas mis le pied dans une école publique depuis des lustres, plutôt que des enseignants présentant des méthodes de différenciation pédagogiques. Les vrais spécialistes de l’éducation, ce sont les enseignants, les didacticiens ou encore les administrateurs de l’éducation.
Si les spécialistes de l’éducation étaient importants, ça se saurait. Leur donner un micro? Le moins possible. Ils seront dans la rue mercredi, plutôt que d’être écoutés en congrès, puisque contrairement aux bonzes invités à Saint-Lambert, personne ne paiera 150 $ pour les entendre.
150 $, c’est moins que le budget annuel moyen dont dispose un enseignant québécois pour sa classe.
Dans le manifeste du Forum, on demande plus de marge de manœuvre pour les commissions scolaires et les écoles, recette parfaite pour créer la concurrence. Léger détail: l’éducation n’est pas une entreprise.
La performance à tout prix
Cette vision est plus «performante» qu’instructive. Il y a ces écoles auxquelles les conférenciers rêvent, et nos vraies écoles, déglinguées. C’est moins sexy, mais c’est ça.
Dans un principe d’égalité des chances auquel adhère le Québec, chaque élève doit recevoir la même éducation, de Rouyn-Noranda à Saint-Lambert.
Si les spécialistes de l’éducation étaient importants, ça se saurait. Leur donner un micro ? Le moins possible.
L’éducation n’a pas à s’adapter aux modes: elle doit enseigner les savoirs essentiels. L’écriture, la lecture, la numératie et l’oral. Pourtant, l’oral n’est pratiquement pas enseigné. La lecture et l’écriture? Soyons honnêtes: les écoles du Québec auraient besoin d’une année de français intensive.
Malheureusement, l’anglais intensif est plus glamour, alors que plusieurs études démontrent qu’on apprend mieux une langue seconde lorsqu’on maîtrise bien la grammaire de sa langue maternelle.
Idem pour les allophones, ayant droit au Programme d’enseignement des langues d’origine (PELO) afin de bien apprendre le français: coupes, encore.
«Je veux que mes enfants s’instruisent à mon école, après ils s’en iront adorer leurs idoles» chantait Sardou dans la chanson à laquelle est emprunté mon titre. C’est ce que l’école doit faire: instruire les jeunes, ensuite, ils feront ce qu’ils voudront, mais auront une formation et une culture communes.
Écoutant les sirènes de la mondialisation, nos dirigeants voudraient rendre nos écoles plus «performantes», répondant aux besoins du marché ou de la technologie. Ceux-ci seront vite dépassés, alors que les savoirs essentiels ne seront jamais périmés.
Cette obnubilation de la «performance» n’a pas que de bons côtés: peut-on laisser les élèves lire, réfléchir, avancer à leur rythme plutôt que de les rendre anxieux? Dans plusieurs secteurs, on se rend compte que la simplicité a du bon: pourquoi pas dans nos écoles? Présentement, la performance est à l’éducation ce que le fast-food est à la nourriture...
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