Choisir le progrès
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Le progrès est cette idée affirmée au siècle des Lumières voulant que l’humanité puisse se perfectionner. C’est ce rêve du mieux qui est dans le cœur de chaque mère, de chaque père qui souhaite pour ses pupilles une vie meilleure que la sienne. C’est cette foi en l’humanité, en l’intelligence en la science qui permet de repousser la détresse, de combattre la maladie, d’abattre les préjugés.
Le progrès définit l’humanité autant que l’art peut le faire. Il nous distingue de la bête. Chez les utopistes, le progrès est linéaire, c’est une droite qui pointe vers le ciel, vers un avenir toujours plus brillant. Mais on sait que le chemin vers ce mieux n’a rien d’une droite. Souvent, l’humain a reculé, sombré, transporté par la haine, la cupidité, la stupidité. Souvent, il a basculé dans l’horreur. À répétition même, trouvant en chaque occasion manière à réinventer la boucherie, fût-ce au nom d’un dieu ou d’une idéologie.
Mais l’espoir perce toujours et le progrès est sa mise en marche. Un jour ou l’autre, les canons se taisent, les écoles rouvrent et, comme en Europe, les ennemis d’hier se donnent la main pour faire fleurir l’entraide dans un champ de ruines.
Tout au long de notre histoire, le progrès a été porté par des individus plus grands que nature qui ont su bousculer les idées reçues, parfois au péril de leur vie, pour le respect des travailleurs, les droits civiques des Noirs, l’égalité des femmes, l’acceptation des homosexuels. Ce progrès, c’est aussi le triomphe de la science, qui a éradiqué des maladies, envoyé des sondes aux confins de l’univers et mis le monde dans le creux de notre main.
Le progrès est intimement lié à la démocratie qui a transformé des sujets en verbes et fait des peuples les maîtres de leur développement. Les États qui rassemblaient les soldats sous les drapeaux ont commencé à rassembler des idéaux dans les parlements. Les sociétés humaines ont pu se donner des institutions pour relayer ces idéaux, des droits pour les affirmer, et ainsi avancer ensemble vers ce mieux toujours miroitant à l’horizon.
La politique est devenue le moyen par lequel nos sociétés démocratiques débattent de la façon de perpétuer le progrès qui n’est jamais une destination, mais toujours un chemin. Par la démocratie, les peuples se sont approprié les leviers du progrès. Mais la démocratie n’est pas une garantie de progrès. Car sous un vernis de démocratie, il est possible de contrecarrer le progrès et d’engager le peuple dans une évolution à rebours.
Quand un parti fait ignominieusement campagne sur le dos des minorités, il va à l’encontre de l’idée du progrès. Quand un gouvernement s’emploie à diviser les citoyens, qu’il bâillonne ses scientifiques et ses diplomates, qu’il joue des institutions comme si elles lui appartenaient en propre, qu’il émascule les lois de protection de l’environnement, il fait obstacle au progrès. Quand un pays se soustrait à la mobilisation mondiale contre les changements climatiques, il se présente à la face du monde comme réactionnaire.
Si l’idée de progrès a encore un sens, je ne vois pas par quelle contorsion de l’esprit, les conservateurs peuvent s’en réclamer.