Paul à la croisée des chemins
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La disette est terminée. Quatre ans après la parution du sixième titre de Paul, Michel Rabagliati revient enfin à sa cohorte d’admirateurs avec Paul dans le Nord.
L’attente aura valu le coup, car l’auteur consacré y livre bien plus qu’un excellent album: le meilleur de sa carrière. Rabagliati s’y déploie magistralement, tant au scénario qu’aux pinceaux. Il replonge le lecteur dans le riche terreau de l’enfance/adolescence – période féconde s’il en est –, nous donnant à voir un Paul fébrile, hormonal, sur le point de basculer dans le monde adulte. Brièvement évoqué au détour d’une case de Paul a un travail d’été, l’artiste raconte l’amourette estivale avec Linda, celle-là même qui lui broya le cœur. «On y voit la vraie nature de Paul: ses rapports conflictuels avec ses parents, l’authenticité dont il fait preuve avec ses amis, l’intensité du sentiment amoureux, bref, tout ce qui définit l’adolescence, quoi!» s’amuse Rabagliati. Ainsi, après deux précédents albums plus sombres, le disciple d’André Franquin, dont on retrouve l’indéniable et génial legs, effectue un retour à la comédie, genre dans lequel il excelle.
PAUL, LA SUITE
Après une rupture amoureuse et l’aventure cinématographique de Paul à Québec, l’auteur ignore de quoi sera fait le prochain tome. «J’ai mis tout ce qu’il me restait de souvenirs d’enfance dans cet album. La boucle s’est bouclée», dit-il. Pourrait-on voir le personnage dans un récit anticipé? «Par soucis d’authenticité, je puise à même ma vie pour animer Paul. Ça m’étonnerait que j’aille du côté d’un futur composé.»
À l’instar du film, où on voit Paul évoluer dans le milieu de la bande dessinée, pourrait-on voir le personnage de papier, tantôt graphiste, tantôt illustrateur, devenir auteur de BD? «Ça le rapprocherait trop de moi. J’aime bien qu’il ait un autre métier. En même temps, ce serait chouette d’y voir Jimmy Beaulieu, Réal Godbout et d’autres auteurs locaux apparaître dans mes bandes.»
Si le métier d’auteur de BD en est un de solitude, celui de cinéaste en est assurément un collectif. Le septième art, à la différence du neuvième, est indéniablement médium de concessions et de contraintes, surtout au Québec, étant donné les impératifs financiers. «La production du film m’a assurément apporté plusieurs enseignements, dont celui de l’efficacité scénaristique. Bien que j’aie aimé l’expérience, je jalouse la liberté de création que seule la bande dessinée peut offrir. D’autant plus que les lecteurs me gratifient de leur soutien depuis toutes ces années. Et puis, j’ai toujours autant de plaisir à faire de la bande dessinée.»
Paul dans le Nord clôt magnifiquement un important cycle bédéesque amorcé en 1999. Nul doute que cette croisée des chemins le propulsera vers de nouveaux sommets, quelle que soit la route choisie.
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