/opinion/blogs/columnists
Publicité

Soins de santé ou euthanasie?

Quebec, Assemblee nationale
Stevens LeBlanc/Journal de Québec/Agence QMI


Euthanasie – du grec euthanasia qui signifie mort douce. Acte d’un médecin qui provoque la mort d’un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie. Larousse.

Entendre une ministre, avocate de formation – et non médecin – affirmer à la caméra que l’aide à mourir, soit l’administration d’une injection mortelle par un médecin qu'autorise la loi Mourir dans la dignité, constitue des «soins de santé» donne la chair de poule.

Surtout que le produit utilisé serait le même que celui dont on se sert pour exécuter des prisonniers aux États-Unis.

Tripoter les mots à ce point dans le but de soustraire la loi Québécoise au Code criminel canadien pendant quelques mois, pas pour toujours, me confirme que nous nous sommes déjà engagés sur une pente savonneuse éthique.

Doit-on s’étonner, quand on joue sur les mots à ce point, que deux tiers des Québécois ne comprendraient pas que la loi Mourir dans la dignité implique qu'un médecin administre au patient une injection causant la mort ?

Pas un soin comme les autres

Dire de l’euthanasie – n’ayons pas peur des mots - que c’est un « soin de santé » n’est pas seulement un euphémisme, c’est un mensonge. Mourir dans la dignité permet à un médecin de tuer – n’ayons pas peur des mots – un patient en fin de vie qui en fait la demande, à l’intérieur de balises strictes, j’en conviens, mais bordel, ce n’est pas un soin comme peut l’être une séance de chimio ou une appendicectomie !

La loi a été adoptée. Vox populi, vox dei.  

Je ne juge pas les individus qui y sont favorables, telle est notre époque. Le processus a été long mais impeccablement mené par Véronique HIvon du PQ et par tous élus qui ont été capables pour une fois d’aller au-delà de la partisanerie (pourquoi ne peuvent-ils pas le faire pour se pencher sur les dérives en santé et en éducation ?) afin de régler un problème que la société estime grave mais qui touche au final peu de gens. En Belgique, on parle d'environ 50 personnes par année.

Pas de crise constitutionnelle

La suspension de la loi par le juge Michel Pinsonneault de la Cour supérieure du Québec n’est pas un jugement moral sur Mourir dans la dignité, mais la nécessité pour les tribunaux de composer avec la réalité juridique canadienne. La mort, c’est fédéral. La santé, c’est provincial. Donner la mort ou demander qu’on nous donne la mort dans un cadre médical même bien balisé est, jusqu’en février 2016, illégal.

Les médecins pourraient être exposés à des poursuites privées.

Blâmons les Conservateurs qui n’ont pas eu le courage politique de respecter à temps le jugement de la Cour suprême, créant un vide juridique dont le Québec fait les frais aujourd’hui mais pas pour longtemps. Les Libéraux de Justin Trudeau ne s’opposeront pas à un remaniement du Code criminel car un consensus existe au Canada en ce sens.

Pourquoi ne pas dire la vérité ?

Pourquoi alors torturer le langage au point de dire que donner la mort est un soin de santé administré dans un continuum de soins ?

Pas étonnant que nombre de médecins ressentent un malaise face à la loi québécoise, et au langage employé par ses promoteurs. Pour ne pas appeler les choses par leur nom ? Qu’est-ce que cela changerait ? On se sentirait soudainement coupables ?

Les « soins en fin de vie » définis par Mourir dans la dignité, n'est pas du suicide assisté ou l'abandon de l'acharnement thérapeutique. C’est un médecin qui administre le poison qui tue le patient. Pas le patient lui-même.

Je peux comprendre que les médecins qui font le serment d’Hyppocrate, qui n'a pas de valeur juridique, se rebiffent car ils se sont moralement engagés à ne jamais donner la mort délibérément .

Le serment original interdisait aussi l’administration de poison...

Plus clair, tu meurs.

La loi belge, la première de ce genre promulguée par un État, une loi presqu'aussi stricte que la nôtre, s’appelle Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. Le texte ne fait référence qu’à l’euthanasie.

Le législateur belge traite les citoyens comme des gens majeurs et vaccinés qui n’ont pas peur des mots, des faits, de la réalité. Qui sont pleinement conscients de la nature du geste de donner la mort pour soulager et qui acceptent qu’on puisse le faire en toute légalité, dans un cadre bien précis.

Au-delà de considérations éthiques, morales, religieuses ou lexicales, tant que les soins palliatifs traditionnels ne seront pas disponibles pour tous les Québécois, je regarderai Mourir dans la dignité avec suspicion. Et quand j’entends une ministre dire que l’euthanasie est un soin de santé, mes appréhensions se transforment en terreur.

NOTE: Au nom de la transparence, ma mère est décédée d’un cancer dans une unité de soins palliatifs, au terme d’une sédation lourde désirée par la famille, en 1976.







Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.