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Vivre dans l’indignité



La tutelle judiciaire canadienne s’exerce sur la démocratie québécoise avec pour effet d’étirer la souffrance plutôt que de protéger qui que ce soit.

La Loi concernant l’aide médicale à mourir devait entrer en vigueur le 10 décembre. Elle est le fruit de six ans de réflexions transpartisanes, de 336 mémoires, de l’intervention de 291 groupes et personnes en audiences publiques, de l’opinion de 32 experts, de 16 000 commentaires écrits de citoyens et de l’appui librement exprimé de 94 des 125 membres de l’Assemblée nationale.

Mardi, un juge – un seul, nommé par le fédéral, payé par le provincial – nous a dit qu’il faudrait encore attendre la permission d’Ottawa pour donner suite à la plus parfaite définition d’un consensus démocratique de notre histoire politique.

Il le fait notamment sous la pression de factions et d’individus cherchant à imposer leurs textes religieux comme source de droit, et avec l’aval du gouvernement de Justin Trudeau.

Les vraies victimes

On pourrait discourir longuement sur l’entrave que cette décision impose sur les prérogatives de la nation québécoise. On discutera un jour des conséquences sur l’état du droit de ce énième obstacle à notre volonté collective de mener cette réflexion d’avant-garde.

C’est ce volontarisme politique que le palier judiciaire sanctionne aujourd’hui. L’activisme social viendra des juges ou ne sera pas. Ce faisant, on nous rappelle notre statut de province condamnée à attendre que les autres se déniaisent. C’est du nivellement par le temps.

Ce n’est même pas le pire.

En ce moment même, derrière des façades qui vous sont familières, il y a des gens qui se meurent; ceux qui les aiment souffrent de voir leur douleur; il y a de nouveau ces gens malades qui ont mal de voir ceux qui les entourent avoir de la peine.

Quelles sont les ambitions de ces personnes, une fois que chaque rêve s’est fané et que chaque plaisir s’en est allé? Que peuvent-ils encore attendre de cette existence qui se dérobe?

Leur dignité. Celle qui leur reste. Celle de choisir leurs termes avant de partir. Celle de mourir dans la dignité.

S’éteindre à petit feu, s’envoler comme un oiseau, comme cela continuera d’être le souhait de la plupart des gens.

Mettre fin à la souffrance, quand elle est exceptionnelle et irréversible, comme la nouvelle loi devait le permettre.

Bref, reprendre sa dignité en retrouvant le droit de décider.

Inhumain

Dans tous les cas, un juge a rendu mardi la décision que lui réclamait Ottawa: ce droit peut attendre. Les gens en fin de vie n’ont pas encore assez souffert. Remettre le Québec et le politique à leur place presse davantage.

On dira qu’Ottawa bougera plus tôt que tard. Que ce sont là des questions pour lesquelles il faut prendre le temps.

Foutaise. La délibération du peuple québécois a déjà eu lieu et elle a été avalisée par nos institutions démocratiques.

Désormais, tout ce qui compte encore, ce sont les personnes en fin de vie. Celles-ci ne connaîtront qu’une seule mort. La Cour supérieure a décidé mardi que leur droit de choisir n’existait toujours pas.

Le gouvernement du Québec a raison de contester cette décision. Elle n’est pas seulement antidémocratique. Elle est surtout cruelle.







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