Procès Turcotte: quelques leçons
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Le verdict de culpabilité pour meurtre non prémédité rendu aujourd’hui par le jury au procès de Guy Turcotte conclut (à moins de procédures en appel) une affaire qui aura, à juste titre, soulevé beaucoup d’attention publique. Par-dessus tout, ce procès est porteur de plusieurs leçons.
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Il constitue surtout une illustration du fonctionnement du système judiciaire qui a été maintes fois pris à partie au cours de ce retentissant procès.
La conclusion d’aujourd’hui illustre comment le processus judiciaire fonctionne, comment il se régule.
Le premier verdict de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux en avait révolté plus d’un.
Au sein de la population, nombreux étaient ceux qui pourfendaient le système judiciaire et l’accusaient de tous les maux.
Verdict différent
C’est ce même système judiciaire qui arrive aujourd’hui à un verdict différent. Ceux qui le pourfendaient alors ont maintenant à réviser leurs préjugés.
Car, entre le premier procès et celui qui s’est conclu aujourd’hui, la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de clarifier le droit applicable. Le procès qui vient de se terminer a donc été mené en fonction de règles de droit clarifiées par la plus haute Cour. L’ambiguïté du droit applicable a été supprimée.
Il y a ici une leçon pour tous ceux qui s’empressent de condamner les tribunaux dès lors qu’une décision rendue par ceux-ci leur paraît incorrecte.
Le processus judiciaire fonctionne selon d’autres cadres de référence que ceux du système politique. Les juges n’ont pas à tenir compte de la vindicte populaire, de l’indignation que peut légitimement inspirer un crime.
Lors d’un procès, le juge et le jury décident uniquement en fonction des faits mis en preuve et des exigences des lois.
Le processus pourra paraître long et complexe à ceux qui – dégoûtés par les gestes commis – seraient tentés de préconiser une justice expéditive.
Mais la légitimité même des décisions de justice tient justement à la capacité des tribunaux d’analyser rigoureusement et systématiquement les preuves et autres éléments prévus par la loi.
Au terme d’un procès, il doit être possible d’affirmer que le résultat est légitime. S’il y a des doutes à cet égard, il est possible de s’adresser aux instances d’appel.
Il y a donc, au sein même de notre système judiciaire, une capacité d’autocorrection qu’il importe de ne jamais perdre de vue.
Évidemment, il reste à se demander s’il n’y aurait pas moyen de faire mieux, et surtout plus vite. Six ans pour arriver à un verdict pour un crime paraîtront un délai excessif à plusieurs.
Réflexions
Il y aurait également beaucoup à dire sur l'extrême difficulté d’accéder à la justice.
Il est certes essentiel de réfléchir aux moyens de faire évoluer le processus judiciaire afin de le rendre plus rapide et effectivement accessible à tous.
Mais dans de telles réflexions, il faut se garder de jeter par-dessus bord ce qui est essentiel au processus judiciaire: sa capacité d’analyser les faits avec toute la rigueur possible. Cela peut prendre du temps, il faut savoir respecter ce besoin de temps.
Évidemment que chacun d’entre nous aurait voulu que les gestes inqualifiables commis contre ces deux jeunes enfants n’aient jamais eu lieu.
Mais, au moins, le procès qui se conclut aujourd’hui aura procuré à plusieurs une occasion de voir comment fonctionne notre système de justice. Ce système a ses forces qu’il importe de saluer, mais aussi ses faiblesses qu’il faut travailler à corriger.
Pour l’heure, on retiendra que notre système de justice, en dépit de ses limites, demeure en mesure de garantir un procès équitable même pour des gestes révoltants. Nos tribunaux sont en mesure de livrer des verdicts légitimes, fondés sur le droit et sur les faits, pas sur la soif de vengeance.
Et la légitimité est une qualité essentielle d’un processus judiciaire efficace et effectif. Elle ne fera malheureusement pas revenir les victimes, mais elle nous protège contre la tentation de répondre à l’injustice par une autre injustice.
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