Un sentiment de justice, enfin!
Le temps est venu de mieux encadrer l’utilisation d’experts
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Coupable de meurtres non prémédités.
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Plus de six ans après les meurtres crapuleux qui ont bouleversé la province, le rideau tombe enfin sur cette interminable saga judiciaire.
Isabelle Gaston pourra commencer son processus de deuil...
Un soupir de soulagement
Le jury a écarté la thèse voulant que l’ex-cardiologue ait momentanément «perdu le contact avec la réalité».
Ce n’est donc pas dans un asile psychiatrique que Turcotte passera le reste de sa vie, avec de gentils médecins et des préposés attentionnés, mais dans un pénitencier, entouré de durs à cuire qui ne portent pas les tueurs d’enfants dans leur cœur.
Ses journées risquent d’être longues...
On ne se trompe pas en disant que le verdict a été bien accueilli. Le Québec au grand complet a poussé un soupir de soulagement.
Imaginez si Guy Turcotte avait été déclaré non criminellement responsable pour cause d’aliénation mentale...
Luka Rocco Magnotta, un crackpot fini qui entendait des voix et avait été diagnostiqué schizophrène paranoïde en 2005, a été reconnu criminellement responsable... mais pas Guy Turcotte?
Les gens l’auraient difficilement accepté.
Comment un narcissique disjoncté qui s’est filmé en dépeçant un individu avec une scie à chaîne sur de la musique pop pouvait être tenu responsable de ses gestes, mais pas un père qui a tué ses deux enfants pour – selon toute vraisemblance – se venger de son ex?
Magnotta le fou en prison, Turcotte le rationnel à l’hôpital...
Ça nous aurait paru insensé.
Le jury n’avait presque pas d’autre choix que de prononcer ce verdict.
Au service de leurs clients
Le temps est maintenant venu de mieux encadrer l’utilisation des experts lors des procès.
Car il y a quelque chose de profondément dérangeant, pour ne pas dire immoral, dans le fait de magasiner des psychiatres.
«Vous croyez que le trouble d’adaptation est inoffensif et ne peut pas pousser un homme à poignarder ses enfants? Désolé, ce n’est pas ce que nous voulons entendre. Nous, on cherche un psy qui pense le contraire, histoire de faire déclarer notre client non criminellement responsable... Au suivant!»
Comme l’a proposé la Dre Karine Igarta, présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, au magazine L’actualité, «les expertises devraient être utilisées pour éclairer la cour sur un sujet précis, pas comme élément de stratégie pour l’une ou l’autre des parties...»
Actuellement, on a l’impression que les psychiatres utilisés comme experts par la défense ne servent pas tant la psychiatrie que leurs clients qui «achètent» leur expertise.
Et puis, il y a le facteur «spectacle», qu’on ne peut sous-estimer.
Un «expert» passe régulièrement à la télé et s’exprime avec fougue? Il risque d’impressionner le jury et de faire pencher la balance de son côté, même s’il est moins rigoureux qu’un autre expert moins célèbre et moins volubile...
Et plus un psychiatre aide ses clients à gagner, plus les cabinets d’avocat auront recours à son «expertise», et plus il gagnera de sous...
Feu l'objectivité
Autre problème: qui dit «expertise psychiatrique» dit nécessairement «subjectivité».
Comme l’a déjà déclaré le psychiatre Michel Landry: «Une expertise psychiatrique éclaire parfois davantage la personnalité de l’expert que celle de l’expertisé...»
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