La main à travers le temps
26 mai 1921
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Avant le quartier chinois
Le coin Saint-Laurent et Viger (Vitré) a bien changé depuis 1921! Animée par des idées de grandeur à la fin du 19e siècle, la bourgeoisie francophone souhaite donner au boulevard Saint-Laurent une prestance digne des Champs-Élysées! Comme le montre cette photo, de magnifiques édifices s’élèvent sur son flanc ouest, suivant un style roman d’inspiration byzantine. En 1889-1890, la firme d’architectes Daoust et Gendron construit trois superbes édifices (Brunet, Drapeau/Savignac et Robillard), dont les façades font toujours le charme du quartier. Légèrement à l’ouest du boulevard, le cœur du Chinatown s’anime sur les rues Saint-Urbain et De La Gauchetière, entre les rues Clark et Bleury. Ce n’est qu’au début des années 1980 qu’il se déplace vers le boulevard Saint-Laurent, la réglementation désuète y interdisant les commerces asiatiques étant enfin invalidée. Se multiplient alors épiceries et restaurants thaïlandais, vietnamiens, coréens et japonais diversifiant l’offre alimentaire initialement cantonaise. Depuis l’an 2000, l’arche monumentale et ses lions veillent sur l’entrée sud du quartier chinois.
Le premier cinéma à l’édifice Robillard
Montréal est une ville de cinéma depuis... 1896. Six mois après l’inauguration parisienne, la première représentation cinématographique au Canada est présentée à Montréal, deux jours avant celle de New York! C’est avec une grande excitation que les notables montréalais se réunissent le soir du 27 juin au Palace Theater pour assister aux «vues photographiques animées» des frères Auguste et Louis Lumière. Le public est ébloui par le réalisme des scènes quotidiennes en mouvement: des employés quittent l’usine Lumière à Lyon, un train vapeur arrive à la gare de Lyon-Perrache, des joueurs de cartes à la mimique amusante sont attablés avec une bouteille de vin. Mais la vision de la charge d’un cuirassé avançant en plein écran vers les spectateurs est celle qui suscite le plus d’émotions. Les journalistes de La Patrie, La Presse et The Montreal Gazette saluent l’ingéniosité de l’invention des frères Lumière. Opéré à Montréal par Louis Minier et son assistant Louis Pupier, le «cinématographe» est une machine révolutionnaire permettant à la fois de filmer et de projeter l’image animée pour les spectateurs. Le public montréalais est conquis: c’est le début du cinéma moderne!
Drink Frontenac Beer !
Sur le mur de l’étroit hôtel Laurentien apparaît une publicité pour la bière Frontenac. Si la réclame est anglaise, la bière a des origines francophones. Située dans le Mile-End, la brasserie Frontenac est fondée par la famille Beaubien en 1911 sur la rue Casgrain, non loin de l’actuel boulevard Rosemont. «La Bière des Géants» était le slogan de cette première grande brasserie francophone! Devise bien choisie, car elle s’attaque aux grands de ce monde: Molson et la National Breweries Co., une alliance entre Dawes, Dow et Ekers. Pour se faire une place au soleil, la Brasserie Frontenac multiplie les concours dans les journaux. Elle commandite même une émission de radio à CKAC dès le 13 octobre 1923. Ces manœuvres publicitaires sont loin de plaire à ses concurrents qui engagent une lutte sans pitié, baissant leur prix de 20 %. Acculée à la faillite, la brasserie Frontenac se rallie en 1926 à la National Breweries Co. La marque Frontenac continue à être exploitée pendant plusieurs décennies, avant d’être absorbée par Carling dans les années 1950. Aujourd’hui, la microbrasserie McAuslan exploite une bière blonde sous le même pseudonyme.