Un riche et discret pharmacien
Il a bâti un empire de la pharmacie en ayant notamment recours à une convention de prête-nom
Coup d'oeil sur cet article
Éric Yvan Lemay et Jean-François Cloutier
Un jeune pharmacien est devenu, en six ans à peine, un véritable roi des pharmacies au Québec grâce à l’acquisition d’au moins trente-sept pharmacies. Son ascension rapide cache toutefois une réalité surprenante: son nom n’apparaissait pas au registre des entreprises pour certaines des pharmacies dont il est actionnaire, et il a même eu recours à une convention de prête-nom.
Même si le nom de Jonathan-Yan Perreault résonne peu dans le grand public, il est toutefois bien connu dans le milieu de la pharmacie.
Appuyé par la haute direction d’Uniprix et du géant américain McKesson, ce pharmacien de 36 ans a réussi le tour de force de bâtir un réseau qui s’étend aux quatre coins du Québec, entre 2009 et 2015. Selon nos informations, plusieurs jeunes pharmaciens se sont joints à Perreault pour obtenir une pharmacie affiliée à Uniprix. Une seule pharmacie peut valoir de 1 à 10 millions $.
Son expansion rapide s’est faite dans les années suivant la tentative ratée d’achat des actions du groupe Uniprix par la multinationale McKesson qui approvisionne 6300 pharmacies au Canada. Les pharmaciens-propriétaires affiliés à Uniprix avaient alors rejeté l’offre des Américains.
Comment Perrault a réussi cet exploit demeure nébuleux, car le principal intéressé a refusé toute demande d’entrevue et a même signifié, par la plume de son avocat, qu’il ne voulait plus être importuné personnellement, toutes demandes d’entrevues devant passer par son avocat.
Très discret, il n’a à peu près jamais parlé à des médias. Uniprix a pour sa part répondu à la plupart de nos questions en mentionnant qu’il s’agissait «d’information de régie interne» (voir autre texte). Elle a de plus refusé de nous fournir la liste des pharmacies qu’il possédait.
Même discrétion chez McKesson qui possède la bannière Proxim. C’est grâce à différentes sources et une recherche exhaustive au registre des entreprises que notre Bureau d'enquête découvert qu’il était impliqué dans au moins 34 pharmacies Uniprix et trois pharmacies Proxim.
Un litige entre Perreault et une de ses associées a toutefois permis de lever le voile sur ce qui pourrait faire partie de la recette à succès du pharmacien-entrepreneur. En effet, dans une requête contre son ancienne associée Geneviève Deschênes, on apprend qu’il a eu recours à une convention de prête-nom signée par son associée.
Voici un extrait de cette convention: «Je reconnais et je déclare que malgré tous [sic] document, déclaration, formulaire indiquant que je détiens cent pour cent (100 %) de la totalité de la pharmacie située au 2745, boul. Lapinière à Terrebonne, province de Québec, J6X 0G3, et opérée sous la bannière Uniprix... en réalité, je ne détiens que cinquante pour cent (50 %) de la pharmacie, détenant cinquante pour cent (50 %) de celle-ci pour et au nom de Jonathan-Yan Perreault, son véritable propriétaire.»
Notons qu’en principe, l’utilisation d’une convention de prête-nom est parfaitement légale, sous réserve du respect des obligations imposées par l’Ordre des pharmaciens du Québec.
Curieux hasard
Au cours des dernières semaines, notre Bureau d’enquête a découvert au moins six autres pharmacies où le nom de Perreault n’était pas indiqué sur la bannière ou au registre des entreprises du Québec. Deux de ces pharmacies sont situées à Granby, deux à Montréal, une à Dolbeau-Mistassini et une à Vaudreuil-Dorion.
Curieusement, son nom a été ajouté au registre des entreprises au cours des dernières semaines pour cinq d’entre elles, alors que notre Bureau d’enquête posait des questions à différentes personnes sur le sujet.
Divulgation des propriétaires
À l’Ordre des pharmaciens du Québec, la question des prête-noms est prise au sérieux. Sans vouloir commenter directement le cas des pharmacies Perreault, on indique que les pharmaciens propriétaires doivent faire une déclaration assermentée concernant l’identité des propriétaires au moment de l’ouverture.
«C’est extrêmement important que les déclarations soient véridiques. Il y a des obligations auprès de l’Ordre, mais aussi au fédéral avec les lois sur les stupéfiants», indique la directrice générale de l’Ordre, Manon Lambert.
Du financement de McKesson
Des prête-noms pour voter?
Imposé par Uniprix?
Une fortune colossale