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La moitié des enfants stressés

Les ados sont particulièrement touchés et l’anxiété gâche la vie de plusieurs jeunes

Âgée de 8 ans, Sammy Beaudoin a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée depuis deux ans. Inquiète pour tout, la fillette prend du mieux grâce à une routine très stable.
Photo le journal de québec, ANNIE T. ROUSSEL Âgée de 8 ans, Sammy Beaudoin a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée depuis deux ans. Inquiète pour tout, la fillette prend du mieux grâce à une routine très stable.

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Héloïse Archambault et Annabelle Blais
Le Journal de Montréal

 

Le stress est loin d’être un phénomène d’adultes: 45 % des enfants sont stressés au quotidien, selon leurs parents.

Si l’on décortique les résultats selon l’âge, le taux de stress grimpe même à 60 % chez les adolescents de 12 à 17 ans. En ce qui concerne les enfants de 11 ans et moins, le tiers d’entre eux sont stressés (34%).

Depuis lundi, Le Journal présente les résultats d’un sondage Léger qui montre que les Québécois sont très stressés. Or, le phénomène touche aussi beaucoup les enfants, apprend-on.

«Le gros facteur de stress, c’est l’école, croit la Dre Lila Amirali, psychiatre à l’hôpital de Montréal pour enfants. Les exigences sont importantes, et l’on voit beaucoup moins de jeunes à l’hôpital durant les Fêtes ou la relâche scolaire.»

Pourtant, on pourrait croire que cette période de la vie est moins stressante, puisque les responsabilités sont moins grandes. Selon le sondage, plus du quart des parents croient que leurs enfants sont plus stressés qu’eux au même âge.

«On vit dans un environnement beaucoup plus stressant, ajoute la Dre Amirali. On veut que les tout-petits apprennent à lire avant d’entrer à l’école. Ils sont exposés à toutes sortes de facteurs, que ce soit les médias sociaux ou les nouvelles dramatiques à la télé.»

La faute des parents?

Selon la Dre Sonia Lupien, du Centre d’études sur le stress humain, les parents stressés déteignent sur leurs enfants.

«Plus papa et maman sont stressés, plus leur enfant produit des hormones de stress, dit-elle. Si c’est le parent qui génère de l’imprévisibilité et qu’il pogne les nerfs parce qu’il n’en peut plus, son enfant (...) produit des hormones de stress.»

Autre phénomène: l’anxiété gâche aussi la vie de plusieurs enfants, qui n’arrivent pas à fonctionner. Selon la psychologue Nadia Gagnier, les troubles anxieux touchent de 10 % à 15 % des enfants au Québec.

«C’est énorme, constate-t-elle. Et ça, ce sont les cas déclarés.»

«On identifie souvent l’enfance aux Noëls magiques, où tout le monde est beau et gentil, poursuit celle qui détient un postdoctorat sur les troubles anxieux chez les enfants. Mais il y a bien des enfants qui ne sont pas là-dedans.»

Hausse des cas?

Deux facteurs expliquent les troubles anxieux: l’hérédité et les facteurs environnementaux. Or, bien que les cas déclarés d’anxiété chez les enfants soient en hausse, les professionnels hésitent à parler d’une augmentation.

«C’est fort possible que ça augmente réellement à cause du stress de l’époque. Mais c’est peut-être juste aussi parce qu’on s’y intéresse seulement depuis les années 2000», nuance Mme Gagnier.

À l’hôpital de Montréal pour enfants, 30 % à 40 % des cas à l’urgence en santé mentale concernent des troubles anxieux.

 

Quand l’anxiété gâche la vie d’une enfant de 8 ans

Marie-Josée Giguère, Mère de Sammy
Photo le journal de québec, ANNIE T. ROUSSEL
Marie-Josée Giguère, Mère de Sammy

Âgée de 8 ans, Sammy Beaudoin craint que ses parents aient un accident de voiture quand ils vont souper au restaurant. Vacances familiales, activité scolaire ou simple sortie: son trouble d’anxiété généralisée est au cœur de sa vie, se désole sa mère.

«C’est clair que ça gâche au moins 50 % de sa vie, confie Marie-Josée Giguère. Elle pourrait être tellement plus joyeuse, elle prend tout sur ses épaules. Elle a vraiment un très grand cœur.»

Tout pour elle

Sammy a des parents qui s’aiment, deux petites sœurs jumelles, de bons résultats scolaires et des amis qui l’entourent. Or, la fillette qui demeure à Tring-Jonction, en Beauce, s’inquiète. De tout.

«Elle a peur de perdre les gens qu’elle aime. Par exemple, elle ne voulait pas qu’on parte pour aller souper, de peur qu’on ait un accident et qu’on meure, se rappelle sa mère de 32 ans. Maintenant, ça va mieux et ça ne l’empêche pas de dormir. Mais ce sera toujours dans sa nature.»

Voilà deux ans que Sammy a reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée. Lorsque la famille part en voyage, l’enfant bombarde sa mère de questions: Connais-tu le chemin? Où allons-nous dormir? Y aura-t-il des chiens au motel?

«L’inconnu l’énerve beaucoup», ajoute la femme, qui est aussi de nature anxieuse.

La routine, essentielle

L’anxiété de Sammy a atteint un niveau intolérable lorsqu’elle avait 6 ans. Suivie par une travailleuse sociale toutes les deux semaines durant un an, son quotidien s’est amélioré. La routine est la clé pour dépasser son anxiété.

«C’est ce qui l’a sauvée. Les enfants anxieux ont besoin de routine et d’être rassurés. Il faut lui donner les détails. (...) On prend le temps de répondre à ses questions, et c’est moins pire.»

Par ailleurs, la mère a pris la décision de moins travailler et de passer plus de temps à la maison avec ses trois filles. Un choix salutaire.

«Elles sont plus calmes, moins à la course qu’avant», dit-elle. D’ailleurs, Mme Giguère est convaincue que Sammy serait encore plus anxieuse si la famille demeurait à Montréal.

«Avec tout ce qui se passe, ce serait beaucoup trop stressant.»

Quant à l’avenir, la mère de Sammy espère que sa fille saura apprendre à mieux gérer son anxiété. «Tous ces efforts-là, je sais que ce sera bénéfique, qu’on ne le fait pas pour rien. Pour l’instant, ça va bien. Peut-être que son entrée au secondaire déclenchera quelque chose dans quelques années. On reste à l’écoute, et on garde les yeux ouverts.»

 

Est-ce qu’un de vos enfants a déjà consulté à un professionnel de la santé (médecin, psychologue, travailleur social, etc.) pour des problèmes de stress ou d’anxiété?

  • Oui 31%
  • Non 56%
  • Ne sait pas/refus 13%
Avez-vous un enfant qui prend ou qui a déjà pris des...
 
Antidépresseurs?
  • Oui 13%
  • Non 77%
  • Ne sait pas 9%
Anxiolytiques?
  • Oui 6%
  • Non 80%
  • Ne sait pas 14%

Avez-vous un enfant souffrant ou ayant déjà souffert de ...

 

MÉTHODOLOGIE : Sondage effectué par la firme Léger auprès de 1005 Québécois de 18 ans et plus, du 1er au 6 février 2016. Marge d’erreur de ± 3,1 %, dans 19 cas sur 20.

 

L’avis de la psychologue Nadia Gagnier

Quels sont les symptômes de l’anxiété généralisée chez les enfants?

  • Tendance à s’inquiéter
  • Exagération des risques
  • Atteint toutes les sphères de la vie
  • Évitement de tout ce qui fait peur
  • Comportement timide
  • Plus de prévalence lorsque les parents sont anxieux

Quoi éviter?

  • Il faut éviter de surprotéger l’enfant, mais sans banaliser ses peurs.

Peut-on en guérir?

  • Oui, avec une bonne thérapie
  • «C’est comme une petite roue. On ne peut pas l’enlever, mais on en ajoutera une deuxième qui tourne dans le sens inverse.»
Les médicaments contre l’anxiété sont-ils la solution?
  • «Je ne les recommande pas chez les enfants. Ils peuvent être utiles dans les cas extrêmes, quand la personne est tellement anxieuse qu’elle ne veut pas sortir de chez elle. Mais ça ne règle pas le problème.»

 

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