André Franquin, ce géant
Coup d'oeil sur cet article
Après le gargantuesque premier tome de La véritable histoire de Spirou paru en 2013, le tandem Pissavy-Yvernault nous plonge avec délectation dans les années Franquin.
Admirable travail de recherche
Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, en filigrane de l’histoire de Spirou (tant l’hebdomadaire que l’emblématique personnage), en tracent les contours grâce à un ingénieux, mais néanmoins fastidieux procédé de reconstitution. À partir de témoignages de collaborateurs tirés de plus d’une centaine d’articles et d’ouvrages, les auteurs restituent l’histoire de l’intérieur. «Nous aimons le principe de témoignages croisés qui reprennent les codes du documentaire. Il s’en dégage au final une silhouette de l’homme», affirme Bertrand Pissavy-Yvernault. «Et puis, à l’exception des auteurs clés, peu de collaborateurs de l’ombre ont accordé d’entrevue au fil des années. Pourtant, leur apport fournit une mise en perspective des plus éclairantes.»
Ainsi, c’est un Franquin inédit qui y est dépeint. Derrière le légendaire artiste en devenir se cachent différents collaborateurs à la scénarisation. À cette époque où naît la professionnalisation du métier d’auteur de bande dessinée en Europe, le statut de scénariste est inexistant. Henri Gillain, Michel Greg, Michel Rosy lui soufflent tantôt des idées, tantôt des scénarios finaux, que Franquin s’appropria avec la fougue qui le caractérisait. Des difficultés à donner vie à un personnage unidimensionnel qui n’était pas sien, en passant par l’affranchissement de l’influence de son prédécesseur et mentor Jijé, c’est à la construction du mythe que nous convie le tandem de chercheurs. Ce magistral travail de reconstitution donne l’impression au lecteur d’y être, littéralement. Une fois plongé dans ce captivant chantier de lecture, il est pratiquement impossible d’en ressortir.
En plus de poursuivre leurs travaux en vue de la publication du troisième tome, qui se consacrera à la décennie suivante (création de Gaston Lagaffe, désengagement de Spirou), les Pissavy-Yvernault caressent le projet d’une biographie sur Franquin. L’excellence de leur travail les désigne tout naturellement pour cet ouvrage, qu’il nous tarde de lire.
À lire aussi
Suite à une dispute avec l’éditeur du Journal Spirou, Franquin passe chez le compétiteur Tintin. Modeste et Pompon, bien plus qu’une œuvre d’infidélité, est un fascinant banc d’essai pour l’artiste qui y tâte du gag en une planche pour la première fois, quelques années avant Gaston Lagaffe. Cette œuvre, reléguée à tort au second rang, trouve dans cette intégrale copieusement agrémentée de dossiers la place qui lui revient de droit.
Dans le cadre des célébrations de son 40e anniversaire, les éditions Fluide Glacial ont eu l’excellente idée de rééditer 12 titres marquants de leur catalogue, dont Idées noires, chef d’œuvre incontesté d’André Franquin. Réalisée alors qu’il vivait un sévère épisode de dépression, l’intégralité des gags à l’humour sombre publié dans le «Trombonne Illustré», encart du Journal Spirou, est ici bonifiée de deux entrevues exclusives.
Deuxième aventure de Spirou d’André Franquin à joindre la sublime collection 50/60 des éditions Niffle après La mauvaise tête, l’extraordinaire QRN sur Brentzelburg a enfin droit au traitement royal. L’intégralité des planches, dont certaines hilarantes séquences avaient été amputées lors de la publication d’origine en album, est ici magnifiquement reproduite en demi-page noir et blanc, bonifiée d’annotations de bas de vignettes.